VICTOR KLEMPERER Victor Klemperer, fils de rabbin et cousin du célèbre chef d'o

VICTOR KLEMPERER Victor Klemperer, fils de rabbin et cousin du célèbre chef d'orchestre Otto Klemperer, est né en 1881 à Landsberg. Philologue, spécialiste de littérature française et italienne, il enseigne à l'université de Dresde. Il est destitué de son poste par les nazis en 1935. Il échappe à la déportation, mais est assigné à résidence dans une Judenhaus. Après la guerre, il redevient professeur d'université dans la nouvelle R.D.A. Rédigé à partir de 1933, son journal- dans lequel il note jour après jour toutes les manipulations du II le Reich sur la langue allemande- ne sera publié en Allemagne qu'en 1995, où il aura un retentissement immédiat. Victor Klemperer est décédé en 1960. LTI, la langue du Ille Reich --------AG()RA-------- Collection dirigée par François Laurent VICTOR KLEMPERER LTI, la langue du Ille Reich Carnets d'un philologue Traduit de l'allemand et annoté par Élisabeth Guillot Présenté par Sonia Combe et Alain Brossat Albin Michel Titre original : LTI- NOTIZBUCH ElNES PHILOLOGEN La première édition de cet ouvrage a été publiée avec le concours de la Fondation Maison des sciences de l'homme, Paris et de lnter-Nationes, Bonn. IJ FSC --- MIXTE Papier IMu de IOUI'OII l'e8pOI1Mblel FSce 0003308 Pocket, une marque d'Univers Poche, est un éditeur qui s'engage pour la préservation de son environnement et qui utilise du papier fabriqué à partir de bois provenant de forêts gérées de manière responsable. Le Code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux tennes de l'article L. 122-5 (2• et 3• a), d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective,. et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration,« toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de J'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite,. (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. @ Reclam Verlag, Leipzig, 1975 Traduction française : C Éditions Albin Michel, SA., 1996 ISBN 978-2-266-13546-7 À mon épouse Eva Klemperer. Il y a vingt ans déjà, chère Eva, je t'écrivais, peu avant de dédicacer un recueil d'études, qu'il ne pouvait €tre question que je te fasse une dédicace, au sens habituel d'une offrande, puisque tu étais déjà copossesseur de mes livres qui représentaient tous sans exception le résultat d'une communauté de biens spirituels. Cela n'a pas changé aujourd'hui. Mais cette fois-ci, les choses sont encore un peu différentes, cette fois-ci j'ai encore moins le droit de te dédier ce livre et j'en ai infiniment plus le devoir qu'autrefois, à l'époque, paisible, où nous faisions de la philologie. Car, sans to~ ce livre ne serait pas là aujourd'hui, et son auteur non plus, depuis longtemps. Si je voulais expliquer tout cela en détail, il me faudrait écrire de longues pages intimes. Reçois, à la place, la réflexion générale du philologue et du pédagogue au début de cette esquisse. Tu sais, et m€me un aveugle pourrait sentir avec sa canne, à qui je pense quand je parle d'héroïsme devant mes auditeurs. Dresde, Noi!l 1946 Victor Klemperer « La langue est plus que le sang. » Franz RosENZWEIG 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 NOTE AU LECŒUR S'il semble qu'un certain déséquilibre règne entre les chapitres de ce livre, cela tient à la genèse de celui-ci : issus, pour la plupart, du journal que Victor Klemperer tenait clandestinement entre 1933 et 1945, les matériaux sont ordonnés et complétés entre 1945 et 1947. D'où l'alternance, dans des proportions variées, de récits d'expériences vécues, de dialogues et de tentatives de conceptualisation. L'auteur observe «de l'intérieur» les effets du nazisme sur la langue allemande et sur ceux qui la parlent. En témoignent, ear exemple, l'absence rela- tivement fréquente de gulllemets pour les expressions de la LTI dont il fait lui-même usage (ex. Judenhaus, maison de Juifs) - ou, parfois, auand il rapporte un point de vue nazi -, ou encore 1 emploi ambigu d'un même terme (Jargon) pour désigner tantôt la LTI, tan- tôt le yiddish. Bien que Victor KlemP.erer s'attache davanta$e aux mots qu'au discours, la difficulté de cette traduction ne provient pas tant de la recherche d'équivalents français que de la syntaxe même de l'auteur. Car mon but n'est pas de traduire les expressions de la LTI par des e"l'res- sions françaises associées à l'époque de Vichy, mats de montrer la spécificité de cette langue en établissant une concordance entre l'économie du texte de Klemperer et ma· traduction. Ainsi, dans la mesure du possible, je traduis les « mots clés » de la même façon - le terme allemand apparaissant entre crochets à la première occurrence, sauf s'il s'agit d'un mot d'origine étrangère 11 cité comme tel par l'auteur et facilement reconnaissable (ex. liquidieren ). Les mots ou phrases que Victor Klemperer cite en français sont en italiques et signalés par un astérisque. J'aimerais remercier Denise Modigliani de sa pré- cieuse relecture ainsi que Madame Klemperer pour les précisions qu'elle a eu la gentillesse de m'apporter et monsieur le professeur Michael Nerlich qui m'a aidée à compléter les notes biographiques de ce livre. Enfin, je voudrais exprimer toute ma reconnaissance aux éditions ALBIN MICHEL qui, en acceptant ma proposition de traduire LTI (avant même que le Journal de Victor Klemperer ne soit paru en Allemagne et qu'on ait pu se douter du succès retentissant qu'il aurait) m'ont permis de réaliser un projet qui me tenait à cœur depuis des années. E. G. Préface C'est un étrange destin qu'a connu cette analyse de la langue du Troisième Reich que l'on doit au philologue Victor Klemperer, cousin du chef d'orchestre du même nom, et qui fut publiée dès 1947 dans la partie de l'Alle- magne occupée par les Soviétiques. L Tl- Lingua tertii imperii -, réflexion pionnière sur le langage totalitaire et ouvrage de référence pour tous les spécialistes du Troisième Reich, n'a pourtant bénéficié que d'une notoriété discrète. La RDA, qui en possédait les droits, se contentait de le rééditer régulièrement en nombre restreint. Tel était dans ce pays, et dans le meil- leur des cas, le sort des bons livres qui, en échange d'un modeste tira~e, devaient leur publication ou leur réédi- tion à l'obstmation d'éditeurs anonymes. Il en fut du livre de Klemperer comme de ceux de Kafka ou de Freud, et même de Christa Wolf ou de Christoph Hein qui disparaissaient le jour même de leur sortie en librai- ne. Les quelques milliers d'exemplaires imprimés à 1 'occasion de chacune des douze rééditions de L TI étaient si vite épuisés qu'il avait fini par acquérir le statut de livre rare. Qui plus est, il ne restait accessible qu'au seul public germanophone. Il est probable que les diffi- cultés liées à la traduction d'une analyse de la langue allemande aient fait hésiter les éditeurs étrangers qui auraient eu connaissance d~ son existence. Il est plus vraisemblable encore que l'Etat communiste n'ait guère montré d'enthousiasme à la diffusion d'un livre conte- nant des clefs de lecture d'une langue prisonnière de l'idéologie. 13 Victor Klemperer (1881-1960) était spécialiste de litté- rature française. Il avait étudié à Genève, Paris et Berlin. puis à Munich, où il soutint sa thèse sur Montesquieu en 1914. Il n'était pas le seul fils dont le rabbin Klemperer pouvait s'enorgueillir. Son frère, Georg, professeur de médecine à Berlin, avait acquis une telle renommée qu'il avait été appelé en 1922 au chevet de Lénine. Contraire- ment à son frère et à son cousin Otto, Victor Klemperer n'émigra pas après le mois fatidique de janvier 1933. Destitué de sa chaire à l'université de Dresde en 1935, il sera affecté, à l'âge de cinquante-cinq ans, à un travail de manœuvre dans une usine, privé de la possibilité de s'y rendre en tramway, parqué dans une maison où ne résident que des Juifs, soumis à l'interdiction de possé- der une radio, des animaux domestiques, des livres écrits par des non-Juifs, obligé d'accoler le prénom d'Israël à celui de Victor à partir de 1938, frappé de l'étoile jaune à partir de 1941, mais épargné par les déportations du fait de son union avec une «aryenne». Jusqu'au matin du 13 février 1945 où les Juifs protégés par un mariage mixte sont à leur tour convoqués et cela, bien qu'Auschwitz soit déjà aux mains des troupes soviétiques. C'est donc au bombardement anglo-américain de Dresde intervenu le soir même que Klemperer devra la vie. De tout temps, Klemperer a tenu un journal. À partir de 1933, cette habitude devient une stratégie de survie mentale, un « balancier » ( « ce à quoi on se tient pour ne pas se laisser tomber » ), un moyen de garder sa liberté mtérieure et sa dignité, de ne pas céder à l'angoisse et au désespoir. C'est dans son journal qu'il décide de pour- suivre l'activité uploads/Litterature/ lti-la-langue-du-iii-me-reich.pdf

  • 62
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager