121 Texte littéraire FLE Selected Proceedings of the 2015 and 2016 AATF Convent

121 Texte littéraire FLE Selected Proceedings of the 2015 and 2016 AATF Conventions L’exploitation du texte littéraire en classes débutantes de FLE by Emmanuel K. Kayembe L’exploitation du texte littéraire en classe de Français Langue Étrangère (FLE en sigle) connaît aujourd’hui un regain d’intérêt incontestable. Témoin, la nouvelle Bibliographie du Centre International d’Études Pédagogiques, qui recense plus d’une soixantaine d’études consacrées aux enjeux multiformes de la pédagogie du littéraire (Plumelle). Focalisées sur les pratiques de classe plutôt que sur le développement de nouvelles théories, ces différentes analyses révèlent toute l’importance de l’enseignement de la littérature aux niveaux débutants et avancés. Fini donc le temps où l’on se perdait en arguties à propos des “profits que l’apprenant et/ou la société peuvent espérer tirer de l’enseignement de la littérature” (Defays 11) ! Même s’il existe encore un certain devoir de défense et d’illustration des études littéraires (Pavel; Todorov; Compagnon; Citton; Jouve; Schaeffer; Godard; Marx), l’attention s’est cependant déplacée davantage vers des questions pédagogiques plus concrètes (Riquois 248; Tabaki-Iona 7). L’on sait que la littérature et le FLE n’ont jamais fait bon ménage. Leurs rapports ont toujours été tumultueux. En effet, le document littéraire a joui d’un prestige formatif évident jusque dans les années 1910-1920, où l’école, fondée sur le modèle culturel gréco-latin, tendait à produire avant tout des individus imbus d’une culture humaniste. Ce rôle séduisant du texte littéraire n’en sera que plus renforcé dans les années 1930-1940, en un contexte occidental de crise sociale profonde. Cependant, le triomphe de la méthodologie dite “structuro-globale audiovisuelle”, intervenu en 1950, a contribué à l’avènement d’une disgrâce totale de la littérature, désormais évacuée des supports didactiques alors en usage. Il faudrait attendre les années 1980 pour assister à une sorte de retour en grâce du littéraire, réhabilité d’après les prescrits de la méthode dite “communicative” (Cuq et Gruca 254-270; Riquois 247-248; Morel 141-143; Defays 21-24; Godard 13-55). Pour en finir avec la méthode traditionnelle grammaire / traduction, calquée sur le modèle de compréhension des textes anciens, de nouvelles approches pédagogiques ont alors été proposées à la faveur de la méthode communicative (Moirand; Peytard; Goldenstein; Cicurel; Naturel; Séoud; Albert et Souchon; Gruca). Loin de se baser sur l’assimilation des structures grammaticales et la maîtrise de la langue, celle-ci organise tout l’apprentissage autour d’un certain nombre de compétences linguistiques définies en termes de savoir-faire langagiers (savoir se présenter, prendre congé, demander des informations personnelles, donner des informations personnelles, parler de ses passions, nommer et localiser des lieux, etc.), capables de rendre rapidement opérationnel l’usager dans des contextes internationaux de communication. Du coup, la notion radicale de “faute”, qui tendait à culpabiliser l’apprenant, est évacuée au profit du concept plus conciliant d’“erreur”, et l’apprentissage lui-même se centre sur l’apprenant plutôt que sur l’enseignant. Aider l’élève à construire de manière autonome son savoir-faire linguistique, tel devient finalement le rôle dévolu au maître. 122 Texte littéraire FLE Selected Proceedings of the 2015 and 2016 AATF Conventions Ce nouveau dispositif, qui concerne l’enseignement de la langue, implique également la nécessité d’un changement de perspective en classe de littérature. Au lieu d’imposer ses goûts et ses connaissances littéraires à l’apprenant, l’enseignant – nous y reviendrons – doit plutôt choisir ses supports didactiques, ses méthodes et les objectifs de son cours en fonction des caractéristiques et des besoins de l’élève. Le choix du support didactique littéraire Le premier problème qui se pose au sujet de l’usage du matériel littéraire comme support didactique, c’est celui du “choix” des textes à exploiter en classe de langue. Quelles œuvres choisir et en fonction de quels critères ? Quels genres, quels auteurs ou quelles époques retenir et pourquoi ? Soulignons tout de suite que l’œuvre littéraire a ceci de particulier qu’elle s’adresse toujours à l’Homme d’aujourd’hui, quelle que soit l’époque qui l’a vu naître ou la singularité géographique de la culture qu’elle peut mettre en jeu. L’enseignant se trouve pour ainsi dire devant un embarras de choix. La littérature française lui offre des possibilités quasi infinies entre le Moyen Âge et ses genres oraux (chanson de geste, poésie des troubadours, fabliau, roman courtois), la Renaissance et ses textes illustrant la culture gréco-latine, le classicisme tragique et comique du XVIIe siècle avec Racine, Corneille et Molière, le Siècle des Lumières et ses œuvres d’idées, représentées, entre autres, par Montesquieu, Voltaire, Diderot et Rousseau, le XIXe siècle et le triomphe du genre romanesque, le XXe siècle et ses jeux de langage chez Proust, Gide, Bernanos, Montherlant, Mauriac, etc. Loin de s’arrêter à ce qui pourrait passer pour l’âge d’or des lettres françaises, la table des matières inclut également la littérature française contemporaine, qui, malheureusement, est très peu connue, les littératures francophones, qui possèdent déjà leurs classiques, la littérature populaire et une catégorie globale, dite “littérature de jeunesse”. Fort de cette panoplie de matériaux, l’enseignant opérera son choix à la lumière des critères suivants : les objectifs qu’il poursuit en retenant le texte littéraire comme support didactique, la longueur de celui-ci, le niveau de compétence linguistique de l’apprenant et le “niveau de difficulté contextuelle et référentielle” du texte (Defays 52). Des anthologies existent, qui peuvent ménager à l’enseignant la possibilité d’éviter les tâtonnements et de gagner du temps. Sans prétendre à l’exhaustivité, et hormis les manuels de méthode de français pour enfants, adolescents et adultes édités essentiellement par Hachette Français Langue Étrangère, CLE International et Didier Français Langue Étrangère (Inglada), et dont certains peuvent contenir des extraits d’auteurs, l’on pourrait citer parmi les plus importantes : Jean-Louis Boursin, Anthologie de la littérature française-fle, Jean-Louis Boursin (dir.), Le FLE par les textes. Littérature et activités de langage, Suzanne Julliard, Anthologie de la poésie française et Anthologie de la prose française, Dominique Viart, Anthologie de la littérature contemporaine française. Romans et récits depuis 1980, Francis Collet, Les Grands textes de la littérature française, Luc Collès, L’Immigration maghrébine dans la littérature française. Anthologie, Bernard Magnier, 1990-2015: 25 ans, 25 textes, anthologie des littératures francophones, téléchargeable en pdf, pour ne citer que ces ouvrages. 123 Texte littéraire FLE Selected Proceedings of the 2015 and 2016 AATF Conventions Cependant, il ne faudrait pas perdre de vue le fait qu’à chaque genre littéraire peut correspondre plus ou moins un niveau de compétence linguistique spécifique. La plupart des didacticiens conseillent d’introduire la poésie à partir du niveau A1 tel que défini par le Cadre Européen Commun de Référence (24) ou “Niveau introductif ou découverte (Breakthrough)”, le théâtre à partir du niveau A2 ou “Niveau intermédiaire ou de survie (Waystage)”, le récit à partir du niveau B1 ou “Niveau seuil” (Threshold). Les niveaux avancés, dits C1 et C2, seront consacrés à des textes plus longs, plus complexes, de nature argumentative ou philosophique. Les différences génériques contribuent ainsi à l’établissement d’un principe de progression qui prend en considération les difficultés de compréhension liées au niveau linguistique de l’apprenant (Woerly 165-8). Il est donc important que l’enseignant prenne le temps d’analyser lui-même le contenu des textes qu’il voudrait exploiter en classe de langue, aux fins de déterminer le type de compétence qu’il compte développer chez l’apprenant. Pour une étude précise, relative aux “critères de sélection des textes”, aux “objectifs” et aux “activités réalisées”, on lira avec fruit, entre autres, Maillard de la Corte Gomez (17-30). La question des méthodes d’exploitation pédagogique du texte littéraire L’on a remarqué que la plupart des professeurs de langues appliquaient facilement à l’analyse des textes littéraires des méthodologies issues de leur formation universitaire. C’est ce que Christian Puren appelle la « loi de l’isomorphisme », phénomène pédagogique qui “veut que le formateur tende spontanément à reproduire dans sa pratique ce qui a présidé à sa propre formation” (52). Du coup, une nouvelle problématique méthodologique voit le jour, dont le point focal est la redéfinition des rôles de l’enseignant et de l’enseigné dans le processus d’enseignement- apprentissage de la littérature : comment échapper au piège des approches textuelles normatives, qui réduiraient à rien la participation active de l’élève à la construction du sens du message et imposeraient le point de vue de l’éduquant, supposé détenteur exclusif d’un savoir auquel l’éduqué n’a pas accès ? Comment tirer profit des vertus propres au texte littéraire ou à la littérature en faisant de l’apprenant un partenaire égal dans le déroulement du cours ? Au lieu d’un dispositif de lecture unilatéral, qui centrerait la production du sens sur l’enseignant comme le proposent Éliane Papo et Dominique Bourgain (Defays 26-27), il faudrait plutôt opter pour des méthodologies interactives, qui tiennent à la fois compte des points de vue des apprenants et de la nécessité de confronter leurs interprétations subjectives en vue de parvenir à une compréhension textuelle négociée. L’objectif consisterait à aider “les lecteurs novices à renforcer leurs stratégies en explicitant leur interprétation et en écoutant la manière dont les autres sont arrivés à formuler des interprétations similaires ou divergentes” (Godard 43). Il existe de nombreux modèles d’exploitation du texte littéraire consignés, entre autres, dans les manuels de méthode de français, et qui prétendent rendre efficaces les classes de littérature. Et souvent l’enseignant se trouve comme désemparé devant tant de propositions uploads/Litterature/ lexploitation-du-texte-litteraire-en-cla.pdf

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