Le procédé littéraire de l’estrangement repose sur un détour par le regard étra

Le procédé littéraire de l’estrangement repose sur un détour par le regard étranger. L’auteur européen place le récit dans la bouche d’un narrateur étranger qui peut alors comme jeter un regard neuf et faussement naïf sur la société qu’il découvre, ce qui sert à l’analyser. On a notamment comme exemple au 16e siècle Montaigne dans ses essais avec « des cannibales » où des indiens adressent au roi une critique de la France, ou encore dans l’ingénu en 1767 où un amérindien s’étonne des mœurs françaises. Montesquieu est un auteur de la premiere generation des lumières, il s’intéresse à de nombreuses disciplines, dont les sciences, la politique, la société, et va théoriser un certain nombre de principes qui correspondent à l’esprit des lumières, notamment dans de l’esprit des lois en 1748. mais aussi avec les lettres persanes en 1721, il utilise le procédé de l’estrangement dans un roman épistolaire, pour, en plus des avantages du regard neuf, pouvoir contourner la censure puisqu’il livre une critique sociale, philosophique et religieuse complète de la société. Il sàgit donc d’une œuvre argumentative qui opère par le biais de la fiction. On va suivre à travers leurs lettres deux persans qui découvrent la société française, Rica et Ibben. dans la lettre 30, Rica raconte à son compatriote une aventure personnelle, en effectuant un croquis satirique des parisiens qui montrent une curiosité excessive. mais ils ne s’intéressent qu’à son costume étrange et pas à sa personne. Il commence des lignes à 9 par la description de la curiosité excessive. puis des lignes 10 a 19 on voit le retour à l’anonymat. l’objet de la lettre est clairement identifiable avec la périphrase les habitants de paris. cette périphrase est généralisante, elle concerne tous les habitants qui constituent un groupe duquel il est extérieur. ce groupe est ensuite décrit grâce au présent de vérité générale sont, qui donne une impression de vérité bien établie et fixée. on les dote d’une curiosité qui va jusqu’à l’extravagance, l’hyperbole permet de faire ressortir et de moquer deux traits : la curiosité qui naît d’un ethnocentrisme européen, on est happé par l’altérité qui est devenue une exception, quelque chose d’inhabituel. et l’extravagance qui est un signe d’excès, l’excentrique n’est pas raisonnable, n’est plus gouverné par le bon sens. rica est exceptionnel aux yeux des parisiens comme le montre la comparaison comme si j’avais été envoyé du ciel, leur admiration atteint le niveau du divin, de la contemplation religieuse, elle est presque blasphématoire, ils hissent rica comme une idole. et toute la population de paris est concernée par ce vice, elle est énumérée dans une gradation ascendante : vieillards, hommes, femmes, enfants, donc prise dans son ensemble et sans exception, du moins crédule au plus crédule dans l’esprit de montesquieu, quel que soit la nature de l’individu, toute la communauté est unie par ses défauts. meme si rica est censé s’étonner face à la société, il n’a pas la curiosité mal placée d’un parisien mais est présenté comme un sage qui prend du recul et observe seulement. il présente une suite de petits tableaux anecdotiques, sous forme d’hypotypose, donc de description saisissante, ou confronté à la curiosité des parisiens. leur déroulement est presque systématique, mécanique, ce qui est rendu par la symétrie de chaque tableau, correspondant chacun à une proposition subordonnée hypothétique suivie de sa conséquence. l’enchaînement est rapide et les scènes s’accumulent et défile devant nos yeux. il ressort un sentiment d’oppression, on retrouve l’isotopie de la vision et du regard, regardé, voir, fenêtre, couleurs, voyais, cent lorgnettes, vu, à l’air, qui illustre l’importance du regard, rica est entouré de parisiens qui le l’enferment dans leur regard intrusif, ce qu’il peut vivre comme une agression par les sens. rica devient objet, il est dépossédé de son être, et donné en spectacle, par un jeu de mise en abyme, théâtre dans le théâtre, litteralement ici. l’auteur relève une obsession de l’apparence, et donc critique la superficialité des parisiens. ils ne s’intéressent pas à la pensée ou la conversation du persan, qui sont pour montesquieu le véritable intérêt d’homme. il fait preuve d’une certaine ironie qui montre qu’il n’est pas vraiment naif comme l’ingénu de voltaire mais plutôt étonné. presque jamais sortis de leur chambre. avec cette hyperbole il veut dénoncer leur côté fermé sur soi, la chambre est un repère spatial, qui symbolise leur étroitesse d’esprit, il réduit leur univers au minimum. avec cette ironie il partage une connivence avec un lecteur complice, qui est plus facilement rallié à la cause du persan. il poursuit ses implicites ironiques avec la prosopopée il faut avouer qu’il a l’air bien persan qui synthétise la bêtise des parisiens en la mettant en scène, elle est alors frappante par son effet de réel. la phrase nominale exclamative chose admirable amplifie sa surprise et son étonnement. en effet on assiste à une réification de rica puisqu’on on crée des portraits, qui deviennent des objets de consommation à la mode, qui passionnent les foules. il y a alors une ambiguïté entre rica lui même et l’objet du portrait, qui incarne son apparence, avec l’hypallage « je me voyais multiplié » , alors que ce sont ses portaits qui le sont, on voit qu’aux yeux des parisiens, ils sont interchangeables et équivalents, rica n’est pour la foule qu’une apparence, qu’un portrait. le désir de voir, la curiosité, n’est jamais comblée, il fait des gens qui s’arrêtent aux apparences des êtres vains qui tentent de pallier ce besoin constant ici par la possession d’un portraits, ce qui devient ridicule. après cette première expérience de célébrité, rica va maintenant s’adonner à une contre experience, avec un retour à l’anonymat. le persan joue d’une ambiguïté entre deux sources de l’intérêt qu’on porte à un autre : l’admiration d’un côté qui est naturelle et saine et de l’autre la curiosité malsaine. il fait comme s’il pensait par fierté que les parisiens étaient mus d’admiration pour lui, ce qu’il entend par le tour concessif, quoique j’aie très bonne opinion de moi. mais le persan comme le lecteur sait bien que sa qualité n’entre pas en compte, c’est seulement sa différence qui intéresse les parisiens cette curiosité dépasse l’imagination, l’usage des modes verbaux de l’irréel, serais imaginé au conditionnel, dusse au subjonctif, montrent que la réalité de son expérience parisienne est tellement surprenante qu’elle ne lui paraissait pas possible avant qu’elle se produise. ses observations amènent rica à une vérification scientifique. tout son constat, contenu dans le démonstratif cela, va être le point de de départ d’un processus de recherche de la vérité. il veut identifier par la logique l’origine du phénomène auquel il est confronté. son expérience consiste en un changement radical dans ses vêtements, en témoigne l’antithèse à quitter l’habit persan et à en endosser un à l’européenne. ce changement dans l’apparence va être confronté à la réalité. il présente avec humour les résultats obtenus comme une leçon d’humilité pour lui même, puisque ceux ci viennent contredire son hypothèse que les parisiens admiraient son être. Il en déduit qu’ils sont simplement curieux de son apparence. il aboutit à la vérité comme le souligne l’adverbe modalisateur réellement dans ce que je valais réellement il feint alors d’être attristé par l’annihilation de sa célébrité qu’il impute avec ironie au vêtement, et à son fabricant le tailleur. il décale alors l’origine du problème, cela nous semble absurde parce qu’on connaît l’origine réelle, et donc cela permet de critiquer indirectement les parisiens. l’expression péjorative neant affreux marque un contraste antithétique avec l’admiration qu’il connaît durant sa période de célébrité alors que le persan dans son costume extravagant était l’objet de tous les regards au début de l’extrait, on vient ici nier toute attention à son égard. en effet les négations avec la préposition privative sans et l’adverbe discordanciel sont associées aux verbes de sens, regardé, ouvrir la bouche. on ne cherche plus à le voir ni à l’écouter. rica, même dans un groupe, est confronté à la solitude. mais comme par magie il peut regagner l’attention des parisiens, qui en apprenant son origine l’associent à un univers, et d’une certaine manière l’habillent du regard. les parisiens sont a nouveau présentes de manière péjorative par une bestialisation, le terme «bourdonnement » associe la compagnie à un essaim d’abeilles qui fondent sur rica sans réfléchir. les paroles deviennent un bruit indistinct, désagréable. la réaction des parisiens est vive et spontanée, donc irréfléchie, comme le montre l’epizeuxe avec l’interjection ah qui redouble la surprise, la ponctuation expressive, deux pr d’ex et trois pr d’int, et la question qui se veut idiote, comment peut on être persan, qui suppose que l’origine est un choix, et qui traduit l’absurdité des réflexions rapides des parisiens Ainsi, montesquieu utilise le genre épistolaire et le procédé de l’estrangement pour à la fois livrer une critique des mœurs des parisiens, et à la fois la faire mieux parvenir au lecteur, en jouant des ressort de l’humour et des libertés de la fiction, et en contournant la censure. il s’inscrit bien dans la perspective du parcours rire uploads/Litterature/ lecture-lineaire-lettres-persanes-montesquieu.pdf

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