I Le spiritisme belge de 1848 à 1869 L’émergence du spiritisme en Belgique est
I Le spiritisme belge de 1848 à 1869 L’émergence du spiritisme en Belgique est un phénomène difficile à cerner, les renseignements n’abondent guère. D’après la Revue Spirite, la Belgique se classait sixième sur dix par rapport à « la diffusion des idées spirites, et la facilité avec laquelle elles sont acceptées. »1 Selon Oscar Henrion, fondateur de la Revue Belge du spiritisme, ce fut à Liège que les premières traces de cette nouvelle religiosité virent jour : « L’orateur débute par l’histoire d’une maison hantée : celle d’un professeur du Conservatoire de Liège. Il raconte ce que l’on disait d’une séance spirite tenue chez un commandant de gendarmerie à Liège, que Mme Roskous a fait du magnétisme à Liège, guérit un grand nombre de malades et enfin interdites, et cela vers 1848-1850 ; c’est là l’origine du spiritisme à Liège, comme du reste à Charleroi et partout. »2 Le magnétisme s’était déjà installé dès 1839 à Bruxelles, avec la publication de la revue le Magnétophile.3 Eugène Monrose, directeur de théâtre et professeur de diction à l’université de Gand, relata dans ses mémoires que ces nouvelles manifestations du sacré étaient connues en Belgique et attiraient l’attention de la population : « En 1853 les phénomènes de magnétisme, de spiritisme, de tables tournantes attiraient vivement l’attention publique et je saisissais, avec empressement, chaque occasion qui se présentait pour m’assurer de ce que ces phénomènes pouvaient présenter d’intéressant. » Il fut initié aux tables tournantes par le docteur Desbois, un médecin et président d’une société d’étude sur le magnétisme animal à Rouen, probablement proche de l’occultiste Lazare Républicain Lenain, auteur de l’ouvrage de magie à succès La science cabalistique4, puisque Desbois posséda l’unique exemplaire Le rite cabalistique de Lenain. De la même manière, il narra qu’un certain Brunet de Ballons, magnétiseur, vint donner des séances en 1857 à Spa, une commune de la province de Liège, dans les salons de La Redoute, l’un des plus vieux casinos du monde et point focal de la vie culturelle de la ville.5 Les séances de tables tournantes de la période 1853-1854 attirèrent les milieux bourgeois qui y trouvaient, à la fois une source d’amusement et un moyen de consolation religieux. Les séances étaient un espace social où les règles de la société bourgeoise cessaient d’exister. Une médium célibataire pouvait ainsi flirter avec un homme dans une chambre noire en lui tenant les mains, ou parler en se déclarant de l’autorité de Socrate, Jésus-Christ ou Moïse.6 A part ces quelques remarques des premières traces du spiritisme dans les années suivant la popularisation du spiritisme par les sœurs Fox, dans l’état actuel des sources, il n’est pas possible dans dire plus sur l’histoire du spiritisme dans les années 1850 en Belgique. En effet, ce fut à partir des années 1860 que le spiritisme se développa principalement à Liège, le centre névralgique du spiritisme belge : « Dès 1857 (…) des réunions particulières où l’on s’occupait exclusivement de typtologie, eurent lieu dans cette ville ; mais ces expériences isolées étaient faites sans ordre, sans but déterminé ; le petit nombre d’adeptes qui s’occupaient du spiritisme n’avaient aucune connaissance de la doctrine et ne s’attachaient qu’au côté matériel des manifestations (…). Ce n’est que vers l’année 1866 que nous voyons 1 Revue Spirite, janvier 1869, p. 4. 2 La Vie d’Outre-Tombe (VOT), 15 juin 1912, p. 90. 3 VOT, 1 mars 1878, p136. 4 Lenain Républicain Lazare , La Science cabalistique, ou l’art de connaître les bons génies qui influent sur la destinée des hommes ; avec l'explication de leurs talismans et caractères mystérieux, et la véritable manière de les composer ; suivant la doctrine des anciens Mages Egyptiens, Arabes et Chaldéens, recueillie d'après les Auteurs les plus célèbres qui ont écrit sur les Hautes Sciences, Paris, Éditions traditionnelles, 1963. Ouvrage qui connaît, aujourd’hui, un certain succès dan le mouvement New Age. 5 Le Messager, 1 juin 1894, p. 183-184. 6 John Warne Monroe, « Making the Seance « Serious » : Tables Tournantes and Second Empire Bourgeois Culture, 1853-1861, » History of Religions, vol. 38, n° 3, février 1999, p. 219-246. le spiritisme prendre à Liège son véritable caractère. A cette époque, plusieurs familles s’étant procurées les ouvrages du Maître, se pénétrèrent de sa doctrine, et, fidèles à ses conseils, se réunirent hebdomadairement pour évoquer les esprits (…). La doctrine, dès lors, se propagea rapidement à Liège. »7 A la même époque, des groupes se formaient à Bruxelles, et Anvers. Gand possédait aussi un cercle spirite.8 Dans la capitale Jean-François Auguste de Bassompierre (1817-1886), et sa femme médium psychographe et somnambule lucide, animèrent la première société spirite de Bruxelles. Considéré comme « le vétéran du spiritisme en Belgique »9 et comme « l’un des apôtres les plus fervents de l’Eglise spirite », « descendant du fameux marquis10, (il) avait créé un groupe très suivi à Bruxelles, groupe que des personnes éclairées ont fréquenté pendant de très longues années. » 11 Ami et contemporain d’Allan Kardec, de Bassompierre eut l’occasion de l’accueillir chez lui lors de la tournée du fondateur du spiritisme en 1864 en Belgique : « cédant aux pressantes sollicitations de nos frères spirites de Bruxelles et d’Anvers, nous sommes allés leur faire une petite visite cette année. »12 Le groupe de De Bassompierre conduisait des communications à saveur républicaine rêvant de la chute du Second Empire autoritaire. L’esprit de Condorcet proclama le triomphe de la République en France : « la France aura une république, elle sera dirigée par des hommes d’ordre (…) Mais elle s’établira sur des ruines fumantes, sur les débris des palais, derniers vertiges des splendeurs royales. »13 Cette société spirite était en contact avec des organisations internationales. La British National Association of Spiritualists (BNAS) fondée par Dawson Rogers en 1873 compta dans ses rangs les spiritualistes les plus en vogue de l’époque comme Benjamin Coleman, Sir Charles Isham, ou Macdougall Gregory. Les conférences organisées en son sein et présidées par William Barrett donnèrent lieu à la formation de la Society for Psychical Research en 1882. La BNAS offrit à Charles Fritz, alors à la tête du groupe bruxellois, le titre de président d’honneur de l’association de Rogers pour affermir les liens entre les deux organisations. En lien avec la Revue spirite de Kardec, le groupe avait une correspondance épistolaire avec une noble spirite polonaise, Christine comtesse Poniowska.14 Plus au nord, dans la région flamande, à Anvers, Prosper Eyben débuta la publication de la Revue Spirite d’Anvers en 1864. Publication esseulée, qui ne dura probablement qu’un an, puisqu’à aucun moment les autres revues ne firent mention des travaux d’Eyben et de sa revue.15 Toutefois, une remarque laconique fait état du fait que H. Vanderyst, le futur directeur de la revue Le Messager de Liège à partir des années 1880, fut initié au spiritisme à Anvers par un dénommé Jan Van Been en 1862 et fonda, la même année, la première revue spirite belge qui n’eut qu’une existence de deux ans.16 Il participa en 1870 au côté de 7 Le Messager, 1 décembre 1875, p. 82. 8 Revue spirite d’Anvers, p. 32. 9 Le Messager, 15 avril 1886, p. 158. 10 En réalité, il n’était ni marquis ni descendant du maréchal français, mais un fabricant de vernis et négociant. Il avait épousé Anne-Marie Parys (1832-1886), née à Bruxelles, sœur d’un imprimeur connu dans les milieux libéraux et maçonniques. 11 Revue spirite, 1 septembre 1886, p. 31. « La société spirite de Bruxelles était suivie par « des personnes de rangs élevés » », Revue spirite belge, 1912, p.39. Le groupe se composait de : M et Mme de Bassompierre, Thibaux, Jacoby, M et Mme Lassalle, le général Fix et sa femme médium, M et Mme Van der Neussel, le couple britannique Wolf, Giraud, Baugniez, le docteur Paepe, et Martin directeur de la revue La Vie d’Outre-Tombe à partir de 1901. 12 Allan Kardec, Voyage spirite en 1862 et autres voyages de Kardec, Conseil spirite international, 2010, p. 169. 13 Revue spirite belge, 1 février 1912, p. 40. 14 Revue spirite belge, 15 février 1912, p. 56. 15 Je n’ai pu, donc, trouver aucun élément biographique sur Eyben. 16 Le Messager, 1 février 1889, p. 112. Leymarie à l’inauguration du monument funèbre d’Allan Kardec au père Lachaise.17 La Revue Spirite d’Anvers en elle-même ne nous apprend que peu de choses, mise à part la visite d’Allan Kardec à Anvers en 1864. Plusieurs informations intéressantes peuvent être retirées de l’allocution de Kardec et du récit de son voyage afin de dresser un bref bilan de l’état du spiritisme dans les années 1860 dans ces deux villes. Anvers avait un plus grand nombre de spirites que Bruxelles, et jouissait d’une sympathie « s’étendant bien au-delà des groupes proprement dits. Si tous les habitants ne sont pas spirites, l’idée n’y rencontre pas d’opposition systématique. » Une remarque intéressante fait état du fait que les spirites d’Anvers appartenaient à la classe du haut commerce, alors que le mouvement spirite belge fut, notamment dans les deux bastions Liège et Charleroi, une uploads/Litterature/ le-spiritisme-en-belgique-1848-1914.pdf
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- Publié le Sep 29, 2022
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