Colloque Apocalypse 2000. U.C.O. 10 - 13 juillet 2000. Angers. Esotérisme de l'

Colloque Apocalypse 2000. U.C.O. 10 - 13 juillet 2000. Angers. Esotérisme de l'Apocalypse. Georges Bertin. L'adverbe grec ε ι σ ω signifiant dedans, l'enseignement ésotérique d'un philosophe était celui qu'il réservait à ses disciples, ce qui laisse d'ailleurs entendre qu'il ne peut y avoir d'ésotérisme sans exotérisme, soit un enseignement accessible à la grande masse. Par extension, ésotérisme a signifié savoir réservé, enseignements secrets tenus pour immémoriaux et transmis d'âge en âge par des chaînes de disciples. Cette métaphysique ne fait d'ailleurs pas l'objet d'un enseignement systématique mais était plutôt laissée à l'initiative et à l'initiation de l'initié devant se construire lui-même son édifice doctrinal à partir de sa méditation personnelle. Il s'agit d'une gnose, connaissance accessible à l'ésotériste par une sorte d'intuition supra rationnelle. L'ésotérisme se donne donc comme une connaissance traditionnelle procédant par synthèses unificatrices. Parlant de l'apocalypse, dont le sens est dévoilement on conviendra que la perspective ésotériste ne saurait être absente de notre réflexion dans la mesure où précisément nous sommes peut-être là en présence de la révélation de "choses enfouies depuis la création du monde", comme dit René Girard, et mises au jour dans le texte de saint Jean. Comme une des constantes de la pensée ésotériste est de rechercher, par delà les différences conjoncturelles, les époques, les religions et les climats, un noyau intérieur récurrent de vérités cachées, le rapprochement de l'ésotérisme et de l'apocalypse n'est rien moins qu'aventureux. Cette perspective, d'un point de vue épistémologique, rejoint ainsi les travaux auxquels nous participons depuis plus de 20 ans, ceux de l'école de l'anthropologie de l'Imaginaire, fondée par le professeur Gilbert Durand, et partagée aujourd'hui par près de 70 laboratoires en sciences humaines set sociales dans le monde. A Angers, celui que nous avons fondé dans cette université en 1992 avec 3 collègues de l'IPSA, le GRIOT, malgré de nombreux dénis d'existence et quelques tentatives de neutralisation venant de la sphère positiviste, n'en continue pas moins son chemin. Il a mis trois colloques et une bonne dizaine de publications universitaires à son actif considérant, avec Gilbert Durand, "qu'au credo unique de l'unique sens de l'histoire, au verrouillage et à l'alignement strict de toutes les valeurs sur un modèle fermé, s'oppose l'ordre ouvert de l'archétype s'ouvrant aux puissances irréductiblement plurielles des mythes1." Dans le même esprit, un autre grand penseur contemporain Cornélius Castoriadis insistait pour sa part sur le fait qu'il y a à l'œuvre dans les champs de l'Imaginaire autre chose que la logique traditionnelle, ce qu'il appelle une logique des magmas l'incluant mais qui ne lui est pas réductible. Il en tirait lui-même argument dans sa réflexion sur le nombre et l'espace2. 1 Durand Gilbert, Beaux arts et archétypes, Paris, PUF, 1989, p.18. 2 Castoriadis Cornélius, Figures du pensable, in Les carrefours du labyrinthe, VI, Paris, Le Seuil, 1999. 1 La matière apocalyptique relève ainsi bien de l'imaginaire comme le faisait remarquer André Prévost3, dans son édition de l'Utopie de Thomas More, citant les livres de la Genèse et de l'Apocalypse, "la Bible se crée un langage propre où la figure tient lieu de mot, elle inverse le mouvement habituel que suit la matière verbale et retourne l'instrument du discours…dans le langage prophétique, l'image devient dominatrice: elle brise les entraves du syntagme et de la syntaxe pour faire éclater ses virtualités propres. Le rédacteur sacré devient créateur d'images…" Pour nous, quand la pléthore technocratique transforme la société en société anonyme de production, quand l'individu crie son angoisse, la profondeur révélée de l'imaginaire enfoui au cœur de nos sociétés est sans doute voie de réconciliation entre les contraintes induites par les milieux sociaux et naturels et les intimations de nos désirs sous jacents. La gnose opère ainsi la connaissance salvifique, la mutation intérieure de l'homme. Le thème de l'apocalypse dont nous allons montrer que sa mise en forme par Jean relève de ce que nous nommons une structure anthropologique de l'imaginaire, procède, bien entre foi et savoir, de ce mundus imaginalis dont nous avons été depuis trop longtemps écartés et qui resurgit sous nos yeux avec d'autant plus de force et de vigueur que l'on avait tenté de nous le faire oublier et, au sens propre de nous faire prendre des vessies pour des lanternes. Ne pouvant traiter au fond, dans le temps qui nous est imparti, l'exploitation, dans l'ésotérisme, de l'ensemble des mythèmes présents dans le texte, nous nous bornerons à considérer celui du septénaire qui y est parfaitement récurrent (voir annexe), étant assurément le chiffre le plus cité. Sans les reprendre un à un, attardons-nous sur le thème des 7 églises d'Asie, il représente le voyage au pays du salut, les 7 candélabres correspondent aux 7 cieux planétaires ou aux 7 échelons de l'échelle de Jacob et sont les sept degrés de l'initiation antique, ou les 7 hiérarchies spirituelles… Les 7 sceaux mis en rapport avec les 4 vivants qui ressuscitent les 4 cavaliers ont été assimilés aux 4 évangélistes ou aux 4 modes de manifestation du Verbe et sont à mettre en concordance avec les 4 fleuves du paradis, les 4 vertus, les 4 points cardinaux, comme les 4 chevaux montés par 4 cavaliers sont associés à 4 couleurs tandis que les 3 autres sceaux parachèvent la vision ascendante vers la purification. JP Mazières4 montre que l'Apocalypse explore la manière dont l'homme nouveau réintègre l'état de communion intime qu'il entretenait avec Dieu avant la chute. Elle présente en fait une initiation en trois volets : - Le premier constitué de 7 étapes représenté par les 7 églises et les 7 sceaux. - Le second avec les figures antithétiques de la Bête à 7 têtes et de l'Agneau. La Bête à 7 têtes représente les pulsions profondes empêchant l'homme de se réconcilier avec Dieu. La Jérusalem céleste, où siège l'Agneau, qui figure la conscience éclairée, repose désormais sur 12 assises : soit les 12 signes du Zodiaque et les 12 apôtres. - Le troisième c'est ,la femme nimbée représentant le Monde dans toute sa nature et sa beauté, l'incarnation bien comprise de l'Homme. 3 Prévost André, L'Utopie de Thomas More, Paris, Mame, 1978, p. 49. 4 Mazières Jean-Paul Apocalypse, dictionnaire critique de l'ésotérisme, PUF, 1998. p.111. 2 On y trouve encore d'autres septénaires: 7 cornes, 7 coupes, 7 trompettes, 7 tonnerres. Le Christ tient 7 étoiles dans sa main droite et marche au milieu de 7 candélabres d'or . Cette occurrence du sept n'est pas pour nous surprendre dans un texte sacré, Cazenave a montré que le nombre 7 est le plus important dans les civilisations orientales après le 3 dont il est en quelque sorte une extension. Chez les suméro acadiens, les 7 démons étaient assimilés aux 7 planètes et chez les juifs le sceau de Salomon septénaire, si l'on compte le point central, figure aux rosaces de nos plus grandes cathédrales. Si donc, le septénaire est au ternaire ce que le ternaire est à l'unité, il manifeste un principe deux fois développé et nous pouvons le vérifier dans l'évolution de la gamme chromatique, comme dans celle de la gammemusicale, ou encore des planètes ? Le septénaire est la mesure des cycles révolutifs, la norme des manifestations objectives sacrées, de tout ce qui est gradué dans une progression continue (plans de l'Univers, phases de développement, création du monde obéissent à la loi du sept, ordre de la semaine, âges de la vie, cycles naturels). Nous voyons donc comment l'apocalypse fixe une thématique archétypale à portée universelle. Reste à saisir son inscription dans diverses sociétés. Partant des sociétés indo-européennes nous montrerons comment elle apparaît dans la civilisation des celtes et poursuivant notre chemin à travers plusieurs occurrences occidentales, nous en arriverons à le voir développé chez le principal théoricien de l'ésotérisme contemporain, René Guénon, né à Blois en 1886. Les sociétés indo-européennes. Pour les hindous, l'univers est composé de sept sphères ou plans distincts regroupés en trois règnes fondamentaux . Ainsi les védas font apparaître 7 langues de feu qui représentent la vie ou prânà laquelle possède 7 pouvoirs ou principes lesquels sont manifestés par les 7 voyelles de l'alphabet sanscrit et les 7 chevaux qui traînent Agni, symbolisant dans leur dénomination, l'exaltation de la matière en pur esprit de rûpa à atma). Les trois derniers chevaux ou états (manas, buddhi et atma) représentant l'ego permanent. Dans cette philosophie, le temps a 7 roues et se meut sur 7 nefs, les univers traversant des périodes septénaires elles-mêmes soumises à des subdivisions septénaires. Il passe par 7 rondes comprenant chacune 7 chaînes planétaires de 7 globes, soit le cycle évolutif de la terre au ciel et du ciel à la terre. Les bouddhistes ont repris cette évolution mystique. Chez Zoroastre, dans le Zend Avesta, le monde a été créé en 7000 avant J C (toutes les planètes se trouvant en conjonction dans le Bélier) et doit prendre en 7000 après JC (toutes les planètes se trouvant en conjonction dans les Poissons), chaque cycle comprenant 4 périodes de 1750 ans. On reconnaît là le rapport du 7 au 4 pointé dans le récit de Jean. uploads/Litterature/ le-septenaire-dans-l-x27-apocalypse-de-jean.pdf

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