Université Mohammed V - Agdal Faculté des Lettres Etudes françaises Histoire de
Université Mohammed V - Agdal Faculté des Lettres Etudes françaises Histoire des idées et des arts Semestre 3 M. Youssef Wahboun Le romantisme Introduction Le romantisme (1820 – 1848) est un mouvement littéraire qui prône de laisser largement place à l’expression des sentiments et des sensations, en abolissant les règles strictes de la littérature classique. Préconisant l’opposition du beau et du laid, du sublime et du grotesque, le romantisme s’exerce dans tous les genres : roman, poésie, théâtre. Les principaux représentants du mouvement sont Victor Hugo, Théophile Gautier, Gérard de Nerval, Alexandre Dumas, Alfred de Vigny, Alphonse de Lamartine, Jules Michelet, Alfred de Musset. Première partie : Autour du romantisme 1) La condition de l’écrivain En l’absence du mécénat, l’écrivain romantique doit vivre de sa plume, se faisant journaliste comme Gautier ou Nerval. L’écrivain se voit à la fois sacralisé et maudit. Ainsi la pièce de Vigny, Chatterton, connaît un immense succès parce qu’elle met en place l’affrontement entre le poète et la société bourgeoise qui ne sait pas se mettre au niveau de ces nouveaux héros que sont les artistes. 2) Les précurseurs Jean-Jacques Rousseau ouvre le préromantisme français. Madame de Staël est ensuite l’introductrice en France des idées romantiques allemandes. Chateaubriand, avec les Mémoires d’outre-tombe, met l’accent sur l’exploration du moi et, surtout avec René, il crée un mythe, le premier personnage romantique de la littérature française. Jean-Jacques Rousseau est sans doute le premier écrivain romantique français. Trois de ses œuvres, Julie ou la nouvelle Héloïse (1761), roman épistolaire, les Confessions (1782), première autobiographie, les Rêveries du promeneur solitaire (1776 – 1778), récit introspectif, ont métamorphosé le paysage littéraire français en mettant l’accent sur l’expression de soi et des sentiments et sur la recherche d’une harmonie entre l’être et la nature qui l’environne. La mélancolie exprimée dans ces ouvrages renvoie au thème du mal du siècle qui va devenir un topos des années 1820 – 1830. Madame de Staël, dans son livre De l’Allemagne (1808 – 1810), fait le procès de la littérature française d’après la révolution qui, selon elle, ne laisse pas assez de place à l’expression des sentiments et des sensations. La littérature romantique subit fortement 1 l’influence allemande. Les romans de Geothe, les Souffrances du jeune Werther (1774) et les Affinités électives (1808 – 1809), connaissent un grand succès en Europe. François-René de Chateaubriand, défenseur du christianisme, homme politique, poète de la mémoire, prépare le romantisme. En 1802, il invente le personnage de René, premier jeune homme en proie au désespoir et au mal du siècle ballotté entre sentiments et sensations contradictoires. Souffrant d’une passion incestueuse pour sa sœur, il traîne sa mélancolie en France et en Amérique. La nature est un miroir de la tristesse de l’âme et du vague des passions : « Levez-vous vite, orages désirés, qui devez emporter René dans les espaces d’une autre vie ! » 3) Textes manifestes Tout mouvement requiert son manifeste, texte établissant sa doctrine et sa poétique. Le premier manifeste romantique en 1824 (Racine et Shakespeare de Stendhal) est libéral, le second en 1827 (la préface de Cromwell de Victor Hugo) est fédérateur, réunissant conservateurs et libéraux grâce à Victor Hugo. Stendhal est l’émissaire d’un mouvement libéral qui préconise autant la liberté politique que littéraire. En 1824, dans un écrit polémique, Racine et Shakespeare, il se fait le défenseur du romantique Shakespeare contre le très classique Racine et établit une distinction entre classicisme et « romanticisme ». Quant à la préface de Cromwell de Hugo, elle constitue le plus important manifeste du romantisme en France. Victor Hugo y propose une histoire culturelle et esthétique où il met en avant, à côté de la culture officielle, la permanence d’une contre-culture, populaire, souterraine : la culture du grotesque. La littérature romantique sera l’alliance du sublime et du grotesque. Parallèlement, Hugo définit une poétique fondée sur le naturel : abandon d’un vers trop rigide, recherche d’un lexique plus commun, renoncement à la règle des trois unités. 4) La pratique des salons La nouveauté introduite par le romantisme est la pratique du « cénacle » : c’est un petit groupe qui se réunit dans les salons et les salles de rédaction sous l’égide d’un « chef ». Deux salons tiennent la vedette entre 1824 et 1834, celui de Charles Nodier et celui de Victor Hugo fréquenté également par des peintres (Eugène Delacroix). 5) La bataille d’Hernani Hugo achève le drame Hernani en octobre 1829. La pièce raconte la rébellion d’un noble espagnol contre son roi. Le jour de la première, le 25 février 1830, une troupe, constituée de peintres et de littérateurs excentriques, envahit le théâtre avec plusieurs heures à avance. Les amis de Victor Hugo sont tous là : Dumas, Gautier, Nerval, Nodier, Pétrus Borel… Après avoir été abondamment sifflée pendant 7 mois, la pièce quitte l’affiche. Le romantisme est un mouvement maintenant reconnu officiel. 2 6) Romantisme et politique Les romantiques sont divisés sur la question de l’engagement politique. Gautier ou Nerval proposent la doctrine de « l’art pour l’art ». Lamartine ou Hugo pensent plutôt à un romantisme humanitaire devant s’impliquer dans les questions sociales et politiques. Dès 1831, Lamartine écrit : « Honte à qui peut chanter pendant que Rome brûle ». En 1840, Hugo publie dans les Rayons et les ombres un poème intitulé « La fonction du poète » : « Le poète en des jours impies Vient préparer des jours meilleurs Il est l’homme des utopies ; Les pieds ici, les yeux ailleurs. C’est lui qui sur toutes les têtes, En tout temps, pareil aux prophètes, Dans sa main, où tout peut tenir, Doit, qu’on l’insulte ou qu’on le loue, Comme une torche qu’il secoue, Faire flamboyer l’avenir ! ». Deuxième partie : Poétique du mouvement romantique I- Thématiques constantes du romantisme Certains thèmes apparaissent de façon récurrente chez les auteurs romantiques : le moi, l’amour malheureux. Quelques décors sont privilégiés : l’histoire, l’exotique. Quelques sensations sont suscitées chez le lecteur : le dépaysement, le mystère. 1) Le moi et l’amour malheureux La poésie lyrique exalte un « je » qui s’exprimerait au nom de tous. Hugo écrit en 1822 dans la préface des Odes et ballades que « la poésie, c’est tout ce qu’il y a d’intime dans tout ». Le roman s’exprime aussi souvent à la première personne depuis René de Chateaubriand. Des genres naissent (le journal intime) ou se développent (l’autobiographie) et exaltent le désir de la connaissance de soi. C’est souvent un moi douloureux, atteint par le mal du siècle, que met en scène le romantisme. Banni de la société (Jean Valjean dans les Misérables et Quasimodo dans Notre- Dame de Paris de Victor Hugo), exclu par sa propre misanthropie (Claude Frollo dans Notre- Dame de Paris, Lorenzaccio dans Lorenzaccio de Musset), le héros romantique n’est même pas sauvé par l’amour. Dans un monde guetté par l’ennui et la désillusion, l’amour semble être le refuge des idéaux. Pourtant, les histoires d’amour romantiques se terminent rarement bien. Séparés par des malentendus, des lois, des préjugés, les couples romantiques n s’unissent que dans la mort. 3 2) L’histoire et l’exotisme Au 19ème siècle, l’histoire se constitue en tant que science avec des écrivains comme Jules Michelet. Très tôt, les romantiques se passionnent pour les explorations des historiens et l’histoire se retrouve en toile de fond de leurs productions théâtrales, romanesques, voire poétiques. Le Moyen-Age suscite un véritable engouement, sensible dans Notre-Dame de Paris (1831) de Hugo ou Gaspar de la nuit (1842) d’Aloysius Bertrand. La littérature romantique manifeste également une curiosité pour l’ailleurs. L’attrait pour l’orient, avivé par quelques découvertes scientifiques comme le déchiffrement de l’écriture égyptienne par Jean-François Champollion en 1822 ou par la peinture de Delacroix, s’exprime d’abord dans les Orientales (1829) de Hugo. L’Espagne est le décor de certains Contes d’Espagne et d’Italie de Musset, de plusieurs nouvelles de Mérimée comme Carmen (1847). Le souci de la couleur locale romantique est une façon d’aviver le mystère et le sentiment d’étrangeté. 3) La rêverie, le mystère et le fantastique Le romantique aime le mystère, la rêverie, le surnaturel. Certains écrivains se spécialisent dans ce genre comme Théophile Gautier (Omphale et le Pied de la momie), Charles Nodier ou Prosper Mérimée (la Vénus d’Ile). Dans le récit fantastique, le lecteur hésite devant une explication réaliste ou surnaturelle des évènements décrits. Le récit fantastique est à l’image de la littérature romantique : il se construit sur l’opposition et la contradiction. II- Le drame romantique La poétique du drame romantique s’oppose à celle de la tragédie classique. Elle pose notamment un nouveau rapport, par l’intermédiaire du héros, entre l’homme et le destin. Le drame romantique se revendique d’abord comme un théâtre libre, affranchi des règles de la tragédie classique. L’unité de lieu et l’unité de temps sont des cadres trop rigides pour pouvoir refléter la société en mouvement. Les changements de décor rythment le mouvement de l’histoire et doivent donner la couleur locale. Le drame romantique met souvent en scène le peuple. La passion est un élément essentiel. L’amour et ses sentiments uploads/Litterature/ le-romantisme 2 .pdf
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- Publié le Fev 06, 2021
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