La Poèmeraie © 1963 by Editions Bourrelier PRÉFACE C'est en 1928 qu'Armand Got

La Poèmeraie © 1963 by Editions Bourrelier PRÉFACE C'est en 1928 qu'Armand Got publia cette Poèmeraie, anthologie de poésie moderne à l'usage des enfants de cinq à dix ans. Dans la préface qu'il lui consacra, François Albert, qui venait d'être le plus entendu des Ministres de l'Éducation Nationale, nous confiait qu'Armand Got, assisté du généreux poète Guy Lavaud, avait promené longtemps et vainement son manuscrit d'éditeur en éditeur avant que la Librairie Gedalge en assumât la publication. C'est que l'entreprise d'Armand Got s'avérait pleine d'audace; elle bousculait toutes les routines, dénonçait toutes les erreurs, prétendait substituer la poésie vivante et ses vertus essentielles aux versifications moralisantes et didactiques qui attristaient les vieux manuels scolaires. L'enfant, autant et plus que l'adulte moyen, est sensible à l'authentique poésie, à son chant, à ce qu'elle révèle et exalte du monde extérieur, aux échos qu'elle éveille en nous, à ses notations pénétrantes, à son expression imagée. Il y a presque toujours en lui un poète en puissance et de son côté, le poète a conservé la fraîcheur et l'acuité de vision de l'enfant. Pour enchanter le jeune lecteur, Armand Got avait fait un large choix dans la production poétique moderne, celle d'auteurs pour la plupart vivants, estimant qu'il importait de proposer d'abord à l'enfant les chants et le langage de son temps, inspirés par ce qui, du monde actuel qu'il découvre lui-même chaque jour, participe de l'éternelle beauté. Le grand succès remporté par cet ouvrage depuis sa parution déjà lointaine, a justifié pleinement les conceptions d'Armand Got et couronné son entreprise. Tout plaidoyer en sa faveur est devenu superflu et il n'y a pas à prêcher des convertis. Cette nouvelle édition de la Poèmeraie a subi d'appréciables modifications qui ne visent qu'à son perfectionnement, qu'à une meilleure sélection des œuvres choisies et qu'à une sorte de mise à jour. Depuis vingt-huit ans la floraison poétique n'a cessé de s'enrichir. De nouvelles voix se sont fait entendre, se sont affirmées. Il importait à la fois de rajeunir, d'enrichir le bouquet et aussi de l'alléger. Armand Got a bien voulu me convier à ce délicat et passionnant travail de révision et de recherche. Nous avons conservé les divisions de l'ouvrage original en nous proposant d'y maintenir ou d'y introduire à la fois les auteurs contemporains les plus représentatifs et des pages qui soient accessibles aux lecteurs du plus jeune âge. Charles VILDRAC Suite de « La Poèmeraie », L'ARC-EN-FLEURS, recueil de poésies choisies pour la jeunesse, par Armand GOT, sera réédité dans une présentation nouvelle avec la collaboration de Charles VILDRAC. D'autre part, Armand GOT a réuni comptines, formulettes, berceuses, rondes, chansons et ritournelles sous le titre de PIN PON D'OR AVERTISSEMENT La Poèmeraie — forêt ou jardin de poèmes — contient en cette première partie des textes aimables, dignes d'enchanter la mémoire des petits. Les enfants vivent dans le monde des apparences; ils jouent, dansent, nouent des rondes, chantant les vieux airs ou scandant les formulettes éternelles, par exemple celle-ci : « Une souris verte qui courait dans l'herbe... » dont les premiers mots sont comme un symbole de grâce vive et rieuse. Tous les textes ont été soumis à des écoliers ; on ne les a retenus que parce que les élèves en ont aimé le sujet et se sont plu aux harmonieuses cadences. - Si tels poèmes paraissent au premier abord présenter trop de difficultés, c'est que l'on considère les morceaux comme des textes à expliquer et qu'on veut appliquer les règles pédagogiques : passer du simple au composé, du concret à l'abstrait, faire comprendre. La poésie est art. Il ne s'agit pas essentiellement de faire comprendre, mais de faire sentir. Il ne s'agit pas d'enseigner, mais de créer une émotion, de donner une intuition du beau, d'orner l'esprit plutôt que de le nourrir, de charmer plutôt que de documenter (1). Dès lors, il n'est pas nécessaire que l'enfant comprenne tout intimement. (Comprend-il d'ailleurs toutes les choses dites ou rendues simples qu'on lui explique?) L'enfant, visionnaire comme le poète, se passe du raisonnement logique (2). Il a la divination de la connaissance. Ces poésies sont offertes aux petits comme des rosés. Les rosés ne sont pas comestibles; elles enchanteront les esprits et les cœurs, elles seront en leur inconscient (1) «Tu n'expliques rien, ô poète! mais toutes choses par toi deviennent explicables. » (Paul Claudel. — La Ville.) (2) « Nous (les poètes) travaillons le plus souvent avec notre subconscient qu'avec notre raison.» (Philéas Lebesgue. — L'Au-delà des grammaires.) comme des germes de beauté, prometteurs de futures moissons d'idéal. « Qui sait? dit le poète Francis Vielé-Griffm « Oui sait l'arrière-écho de tes chansons ailées ?... » Et l'adorable miracle ne se réalisera-t-il pas? « Et le pain se fait rosé et la rosé est du pain. » (L'Amour sacré.) La leçon de récitation est d'ordre esthétique; elle développe l'admiration, donne le sens de la beauté. Aux autres exercices de l'école est réservé le rôle d'instruire les enfants par le raisonnement, l'analyse et la démonstration. Puisque l'analyse n'intervient guère, puisqu'on n'explique pas le beau sous peine de le « dégrader », les commentaires sont presque inutiles. Expliquer, c'est épingler sur un carton l'image, ce papillon palpitant, c'est froisser les ailes frêles, détruire la vie et la beauté. Commenter, c'est traduire, trahir, affadir. Le rythme impérieux et la musique des mots opéreront leur séduction (1). Si la forme de quelques poèmes, leur expression libre, surprennent dans un recueil classique, c'est qu'on a pris l'habitude de ne considérer la poésie que sous son vêtement traditionnel et qu'on l'a confondue trop souvent avec la prosodie. La poésie est chant. C'est presque un truisme de répéter : « Tout le reste est littérature... et jeu de patience. » Certes, l'arrangement décoratif des arbres taillés d'un jardin est plein d'harmonie ; mais que le chêne de la forêt a de grâce et de beauté (2). Douze syllabes forment une phrase mesurée sans que ce soit nécessairement un vers. Il y a dans la poésie autre chose que le « calcul puéril des syllabes », l'assemblage des mots « dragués » dans le dictionnaire et des lignes attachées au bout « avec des épingles de sûreté ». Les enfants, qui n'ont pas encore l'oreille déformée et pour qui tout est neuf, sont sensibles au rythme qui est l'élément essentiel du vers. Nos élèves appellent « chansons » tous les morceaux de récitation, sauf les fables. Ils savent que la poésie est un chant qui ressemble à la musique, parce qu'il y a une cadence et des sonorités qui reviennent à intervalles réguliers. Nous leur apprenons à trouver le ronron des rimes ou des assonances, à marquer l'accentuation des mots et à compter les temps ou les syllabes. Sans leur parler d'allitération, de rime intérieure, etc., il est facile de leur faire écouter les timbres et grelots, les nuances, les motifs, tout ce qui constitue la secrète architecture sonore du véritable vers. Par le moyen d'une chanson populaire qui allonge ses distiques à l'infini, nous faisons chercher des rimes. Ce jeu d'invention est fort goûté. Quelquefois, l'exercice de rédaction est une chanson à composer. Les élèves sont ravis de ces exercices libres où ils créent refrains et ritournelles. Les enfants sont presque toujours bon conducteurs du fluide poétique. Ils apprennent et retiennent facilement, si l'on sait créer l'atmosphère et, quand c'est possible, imprégner de poésie tout l'enseignement. (1) « Qu'il est beau de sentir la musique des mots et la ronde des phrases nous emportant, riant et dansant dans l'espace...» (Romain Rolland. — Colas Breugnon.) (2) «La vie commande et non pas la rhétorique.» (André Suarès. — Sur la vie,II.) Si l'on s'étonne encore de rencontrer si peu de textes pouvant servir d'illustration aux leçons de morale, c'est que par une sorte d'abus de confiance, on a coutume d'appeler poésies les textes rimes, les poèmes-sermons, sortes de bonbons-médicaments intellectuels où la poésie joue le rôle du sucre enrobant la médecine. La poésie est, par essence, antididactique; c'est la tuer que de vouloir la plier à des fins pratiques (1). L'art est désintéressé. En résumé, la plupart des poèmes du recueil sont offerts d'abord pour la délectation des enfants; leur rôle est surtout de créer une émotion esthétique. Ils sont accessibles pour les raisons déjà indiquées. MÉTHODE Tout morceau se prête, avant, pendant ou après la leçon de récitation à des exercices variés de vocabulaire, élocution, rédaction, grammaire, orthographe, leçon de choses, exercice d'observation, lecture, copie, écriture, dessin, travail manuel. Les divers exercices de l'école peuvent graviter autour du texte étudié, sans que la leçon de récitation (leçon de beauté) dégénère en une autre leçon. Nous annonçons quelques jours à l'avance l'étude d'un joli texte. C'est la promesse alléchante qui excite la curiosité des petits. Nous créons ainsi une atmosphère sympathique et nous plantons des jalons par des exercices divers se rapportant au sujet du texte encore inconnu des élèves. Lorsque nous donnons le morceau, les enfants reconnaissent les mots, idées, tours, images. Le texte est en quelque sorte la synthèse uploads/Litterature/ langue-francaise-poesie-la-poemeraie-got-vildrac-bourrelier.pdf

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