Michel Huglo La notation franconienne. Antécédents et devenir In: Cahiers de ci

Michel Huglo La notation franconienne. Antécédents et devenir In: Cahiers de civilisation médiévale. 31e année (n°122), Avril-juin 1988. La notation des musiques polyphoniques aux XIe-XIIIe siècles. Actes des journées musicologiques de Poitiers. 9-10 mai 1986. pp. 123-132. Résumé L'enseignement de l'Ars cantus mensurabilis de Francon, à la fin du XIIIe s., était destiné d'une part aux étudiants (auditores) et d'autre part aux notateurs spécialisés dans la transcription de la notation mesurée (notatores). Francon n'entendait pas modifier les principes posés par ses prédécesseurs au sujet de la notation modale : son but était plutôt de préciser la signification des signes en vue d'intensifier la relation entre le signe et sa signification musicale. Sa terminologie exacte et logique résulte des méthodes d'enseignement en vigueur dans l'Université de Paris au XIIIe s. Il ne nous reste seulement qu'un seul manuscrit qui applique strictement les règles de notation franconienne : Paris, Bibliothèque nationale, MS latin 11266. Abstract At the end of the 13th Century, the teaching of Franco's Ars cantus mensurabilis was provided for the students (auditores) and for the scribes of mensural music (notatores). Franco does not modify the principles of his predecessors for modal notation : his goal is rather to add more precision to the signs in order to clarify the relations between the sign and its musical signification. The terminology of the treatise, very exact and logical, has felt the effects of the scholastic method of teaching at the University of Paris. The Franconian rules are applied in one MS only : Paris, Bibliothèque nationale, MS lat. 11266. Citer ce document / Cite this document : Huglo Michel. La notation franconienne. Antécédents et devenir. In: Cahiers de civilisation médiévale. 31e année (n°122), Avril- juin 1988. La notation des musiques polyphoniques aux XIe-XIIIe siècles. Actes des journées musicologiques de Poitiers. 9-10 mai 1986. pp. 123-132. doi : 10.3406/ccmed.1988.2407 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ccmed_0007-9731_1988_num_31_122_2407 AJL3 Michel HUGLO La notation franconienne Antécédents et devenir RÉSUMÉ L'enseignement de VArs cantus mensurabilis de Francon, à la fin du xme s., était destiné d'une part aux étudiants (auditores) et d'autre part aux notateurs spécialisés dans la transcription de la notation mesurée (notatores). Francon n'entendait pas modifler les principes posés par ses prédécesseurs au sujet de la notation modale : son but était plutôt de préciser la signification des signes en vue d'intensifier la relation entre le signe et sa signification musicale. Sa terminologie exacte et logique résulte des méthodes d'enseignement en vigueur dans l'Université de Paris au xme s. Il ne nous reste seulement qu'un seul manuscrit qui applique strictement les règles de notation franconienne : Paris, Bibliothèque nationale, MS latin 11266. At the end of the 13th Century, the teaching of Franco's Ars cantus mensurabilis was provided for the students (auditores) and for the scribes of mensural music (notatores). Franco does not modify the prin- ciples of his predecessors for modal notation: his goal is rather to add more précision to the signs in order to clarify the relations between the sign and its musical signification. The terminology of the treatise, very exact and logical, has felt the effects of the scholastic method of teaching at the University of Paris. The Franconian rules are applied in one MS only: Paris, Bibliothèque nationale, MS lat. 11266. Dans la préface de son traité de chant mesuré1, Francon déclare qu'à la demande de quelques personnages haut placés2 il s'est résolu à mettre par écrit son enseignement en vue d'instruire les étudiants3, mais surtout pour former sérieusement tous les notateurs de manuscrits de musique mesurée : ... omnium notatorum ipsius mensurabilis musicae perfeciissimam insiruc- lionem. Il termine enfin sa préface en définissant brièvement sa « position » scientifique4 : Puisque nous avons vu un bon nombre (de théoriciens), aussi bien récemment qu'autrefois, qui — dans leurs traités de musique mesurée — avançaient quantité de bonnes choses et d'autres, au contraire, qui présentaient des lacunes ou se trompaient sur plusieurs points, surtout des points secondaires de cette même science, nous avons estimé qu'il fallait corriger leur opinion, de crainte que la science susdite ne souffre quelque détriment à cause des défauts ou des erreurs de ceux-ci. 1. Gilbert Reaney et André Gilles, Franco Coloniensis. Ars cantus mensurabilis, dans Corpus Scriptorum de Musica [désormais CSM], XVIII, Rome, 1974. Cf. Michel Huglo, Recherches sur la personne et l'œuvre de Francon, dans Actes du XVII' Symposion de Wolfenbùttel (15-20 Avril 1985) : Das Ereigniss Notre-Dame [sous presse]. 2. Reaney-Gilles, Franco, p. 23. Remarquons que le ms. S (St. Dié, Bibl. mun. 42, du xve s.) donne ici la variante magistrorum au lieu de magnatum. 3. Les auditores qui écoutent la leçon d'un lector : le sens de ce terme ne ressort pas du contexte de Francon, mais il devient évident au vu de la préface de VArs motetorum de Pierre le Picard (éd. F. Alberto Gallo, dans CSM, XV, p. 16). Il faut d'autre part tenir compte de la remarque de Jean de Grouchy qui rappelle que le motet, art très subtil, ne devrait s'exécuter que « coram litteratis et illis qui subtilitates artium sunt quaerentes > (Johannes de Grocheo, éd. E. Rohloff, Leipzig, 1943, p. 50). C'est là une autre catégorie d'< auditeurs ». d'un sur la musique « Rev. belge musicol. », XXXIV-XXXV, 1980/81, p. 50 et 51. 124 CGM, XXXI, 1988 michel huglo Nous proposons donc d'expliquer la musique mesurée sous forme de résumé. Nous n'hésiterons pas à adopter ce qui a déjà été fort bien dit par d'autres et à détruire ou à pourchasser les erreurs. Enfin, si quelque proposition nouvelle a été par nous découverte, il faudra la soutenir et la démontrer par de solides raisons. Il serait difficile de porter un jugement plus critique sur les travaux des contemporains et à la fois plus délicat à l'égard de leurs auteurs : tout en taisant le nom de ses prédécesseurs immédiats, Francon s'attaquera néanmoins aux défectuosités et aux inexactitudes inhérentes aux exposés de musique mesurée de son temps; enfin, il démontrera avec preuves à l'appui les points de théorie sur lesquels il a innové : c'est là, en quelque sorte, l'application de la méthode scolastique à YArs musica5. Avant de considérer ces innovations, il est nécessaire de passer en revue les traités de théori ciens tam novos quam antiquos qui ont disserté de musique mesurée. Suivant une remarque fort pertinente de Suzanne Clercx-Lejeune, « les traités théoriques reflètent une pratique de la musique sinon contemporaine, du moins quelque peu antérieure au tableau qu'ils nous en donnent». J'ajouterai que cette codification est destinée général ement à divulguer par l'enseignement une acquisition auparavant éprouvée par les chanteurs expérimentés dans la pratique de la musique. La théorie n'a donc pas pour but à cette époque d'infléchir à l'avenir le mode de composition des pièces nouvelles, mais seulement de régula riser la pratique et surtout d'apprendre aux jeunes organistes les principes de l'improvisation : Quibus visis et memoriae commendatis , totam discantandi artem habere poterit arle usui applicala*. Ce conseil sur l'improvisation est donné justement par l'auteur anonyme de la Discantus positio vulgaris, immédiatement après l'énoncé de quinze règles pratiques de réalisation des divers mouvements contraires du déchant. Un tel conseil aurait pu être tout aussi bien édicté quelques décades plus tôt par l'auteur anonyme d'Ars organi du manuscrit Ottoboni de la Vaticane. Sur le facsimilé en couleur de cet Ars organi7, on peut constater que le libellus a été fort bien préparé pour le copiste et le rubricateur, grâce à des lettres d'attente et grâce à une soigneuse justification. Mais si l'écr iture et la notation ont été fort proprement tracées par une main cursive utilisant une portée rouge de quatre lignes tracée à la règle, le travail a été finalement altéré par une seconde main qui a tracé des barres de concordance verticales réunissant cantus et organum. Dans son exposé, l'auteur énonce trente et une règles d'improvisation avec de nombreux exemples choisis en fonction du mouvement mélodique du cantus et il donne trois exemples concrets de pièces liturgiques organisées, dont deux se retrouvent un peu plus tard dans le Magnus liber organi. En huit pages, ce bref traité a ramassé plus de trois cent quarante exemples d'organum dont Steven Immel a retrouvé la plupart des formules dans le Magnus liber organi de Notre-Dame, non sans variantes8, qui s'expliquent d'une part du fait de l'oralité de YArs organi et aussi du fait de la différence d'âge des deux documents écrits (notre traité et les grands manuscrits de polyphonie parisienne). Néanmoins, YArs organi du Vatican est apparemment déficient sur deux points que tous les théoriciens postérieurs aborderont dans leurs traités : d'abord la question de durée des silences et ensuite le choix des consonances 5. Michel Huglo, Recherches..., art. cit., 2e part. 6. Discantus positio vulgaris, dans E. de Coussemaker, Scriptorum de Musica Medii aevi novam sérient a Gerbertina alteram, Paris, 1854, rééd. Hildesheim, 1963 [désormais CS], I, 96 a ; — Simon Cserba, Hieronymus de Moravia O.P., Tractatus de Musica, Ratisbonne, 1935 (« Freiburger Stud. zur Musikwissensch. », II/2), p. 192, 26-27. 7. Irving Godt uploads/Litterature/ la-notation-franconienne-ane-ce-dants-et-devenirs.pdf

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