Osaka University Title Le trajet vers Le Horla : la «folie» dans les contes «fa
Osaka University Title Le trajet vers Le Horla : la «folie» dans les contes «fantastiques» de Maupassant Author(s) Adachi, Kazuhiko Citation Gallia. 43 P.41-P.48 Issue Date 2004-03-06 Text Version publisher URL http://hdl.handle.net/11094/11601 DOI Rights Le trajet vers Le Horla — La «folie» dans les contes «fantastiques» de Maupassant Kazuhiko ADACHI Ⅰ.Maupassant, la folie, et le «fantastique» On sait bien que Maupassant a souffert du mal que cause peut-être une syphilis mal soignée et qui a influencé la formation chez lui d’un pessimisme profond. Il est indéniable que l’auteur du Horla a repris plusieurs fois la folie comme thème central de ses contes en s’appuyant, d’une part sur son propre intérêt et son expérience, d’autre part sur la connaissance contemporaine de la psychopathologie qui connaît de grands progrès dans la seconde moitié du XIX e siècle ; il faut néanmoins ajouter que certains chercheurs soulignent à juste titre la raison lucide de l’auteur écrivant ces contes concernant la folie, pour «en finir avec la légende d’un fou génial, décrivant la folie sous sa propre dictée, au fur et à mesure de sa progression 1) .» La folie comme thème ou sujet dans le monde littéraire de Maupassant est certainement envisagée sous divers aspects : obsession, pulsion, inconscient, violence, perversion, angoisse, solitude etc 2) . Mais en réduisant tout à l’univers maupassantien on risque de laisser échapper la signification et la diversité spécifiques à chaque texte, et encore d’ignorer sa valeur littéraire ; Maupassant n’a pas réécrit le même texte, tout en reprenant le même motif et le même thème, en l’occurrence la folie. Par ailleurs, Le Horla (1887) qu’on considère comme le chef-d’œuvre «fan- tastique» de Maupassant, est-il aussi un texte qui dépeint la folie et la perversion mentale comme on l’imagine, semble-t-il, un peu étourdiment ? Avant de répondre à cette question, il faudra mieux cerner les contours de la notion si floue de «fantastique» ; bornons-nous pourtant pour l’instant à confirmer la définition que l’auteur lui-même a donné de la littérature fantastique : [...] quand le doute eut pénétré enfin dans les esprits, l’art est devenu plus subtil. L’écrivain a cherché les nuances, a rôdé autour du surnaturel plutôt que d’y pénétrer. Il a trouvé des effets terribles en demeurant sur la limite 41 1)M. Bury, Introduction du Horla et autres récits fantastiques, Le livre de poche, coll. «classique», 2000, p.7. 2)Voir surtout entre autres : M.-C. Bancquart, Maupassant conteur fantastique, Lettres modernes, Minard, «Archives», n o163, 1976. du possible, en jetant les âmes dans l’hésitation, dans l’effarement 3) . L’auteur insiste sur l’effet provoqué chez le lecteur : surtout sur l’hésitation et la peur. Pour atteindre ce but, il s’agit d’ébranler les cadres de pensée qui déterminent ce qui est réel et ce qui ne l’est pas, dans la mesure où l’on ne dépasse pas la «limite du possible», parce que dans l’ère du positivisme, on ne croit plus aux superstitions anciennes : «Plus de fantastique, plus de croyances étranges [...] Le surnaturel baisse comme un lac qu’un canal épuise ; la science, de jour en jour, recule les limites du merveilleux 4) .» Ici, on peut constater que dans le vocabulaire de Maupassant, «fantastique», «surnaturel», «mystérieux» sont à peu près équivalents. Ainsi faudrait-il ne pas ignorer que Maupassant prédit «la fin de la littérature fantastique 5) » dans un avenir proche ; on voit là une implication stricte de la logique positiviste et rationaliste. Dans ce contexte, il semble que Maupassant lui-même n’a pas l’intention délibérée d’écrire des contes intitulés «fantastiques» 6) . Posons-nous donc une autre question : les contes concernant la folie sont-ils des contes «fantastiques» ? Il ne s’agit pas ici de préciser rigoureusement la définition des contes «fantas- tiques» de Maupassant, mais de repérer et de tracer le trajet de l’auteur qui ne cesse d’explorer le monde de la folie et du fou, et dont un point d’arrivée nécessaire est la seconde version du Horla. Il existe là à la fois continuité et rupture, ce qui rend plus riche et plus intéressant le monde littéraire de Maupassant. Remarquons de plus que Maupassant a laissé une dizaine de contes qui posent la folie comme thème central, surtout de 1882 à 1887, moments de pleine activité de l’écrivain 7) . Ⅱ.La diversité de l’approche : écrire la folie? Si, au lieu d’envisager la folie comme préoccupation de l’auteur, on veut l’examiner par le biais de la construction des œuvres et de la diversité d’approche face à l’univers de la folie, la classification la plus simple et la plus nette est celle des modes de présentation ; l’alternance surtout entre la première et la troisième «personne» de la narration 8)permet de mettre en relief l’enjeu du récit. Plus 42 3)Le Fantastique (1883) in Chroniques (abréviation : Chro.), 3 vol., U.G.E., coll. «10/18», 1980, t.2, p.257. 4)Adieu mystères (1881) in Chro., t.1, p.312. 5)Le Fantastique, éd.citée, p.256. 6)Toutefois il est certain que les premiers contes comme La Main d’écorché (1875) et Sur l’eau (1881) signifient le goût pour le fantastique. 7)Nous avons pris pour objet de nos études les contes ci-dessous : Fou? (1882), Mademoiselle Cocotte (1883), Lui? (1883), La Chevelure (1884), Un Fou? (1884), Lettre d’un fou (1885), Un Fou (1885), Un Cas de divorce (1886), L’Auberge (1886), Le Horla (1886), Madame Hermet (1887), Le Horla (1887) et Qui sait ? (1890). 8)Selon G. Genette, cette distinction relève de celle existant entre le narrateur homodiégétique et le narrateur hétérodiégétique. (Cf. Figures III, Seuil, coll. «Poétique», 1972, p.252.) Mais il ne simplement, il semble pertinent de dire que l’auteur décrit la folie objectivement à la troisième personne et, au contraire, qu’il s’agit de la subjectivité d’un fou quand le récit est narré à la première personne 9) . Mais que signifie écrire objectivement ? Quel choix l’écrivain fait-il en adoptant tel type de narration ? Regardons d’abord la troisième personne : dans Mademoiselle Cocotte (1883) l’histoire centrale est écrite à la troisième personne, bien qu’au commencement du récit on voie un narrateur qui visite une maison de santé et y voit un homme nommé François «devenu fou après avoir noyé son chien.» (I,758 10) ) Le narrateur demande au médecin de lui raconter l’histoire de ce fou, et la transcrit : «J’insistai : «Dites-moi donc son histoire. Les choses les plus simples, les plus humbles, sont parfois celles qui nous mordent le plus au cœur.»/ Et voici l’aventure de cet homme [...]» (Id.) On ne peut négliger l’existence du médecin dans les contes de la folie parce que seul le médecin, personnage digne de foi, est admis à constater ou à décider qui est fou ; le narrateur de Lettre d’un fou (1885) demande le diagnostic d’un médecin, et sinon on doit accepter le doute comme le dit un autre narrateur : «Mais sait-on quels sont les sages et quels sont les fous [...]? 11) » Ce qui souligne, notons-le, le besoin d’une garantie de la folie pour expliciter ce dont il s’agit dans le récit. Certes, on peut dire que l’anecdote de ce récit est «simple» ; plus d’un mois après avoir jeté à la rivière sa chienne aimée Cocotte, François en revoit la charogne par hasard, et ce choc très fort provoque la démence : Il poussa un cri épouvantable et il se mit à nager de toute sa force vers la berge, en continuant à hurler ; et, dès qu’il eut atteint la terre, il se sauva éperdu, tout nu, par la campagne. Il était fou ! (I,763) Pour atteindre cette fin brutale et percutante, et pour la faire accepter naturellement par le lecteur, l’auteur prend soin de narrer l’histoire suivant un raisonnement clair, sans appuyer : François est donné comme un «gars de campagne, un peu lourdaud, bon cœur, niais, facile à duper» (I,758), ce qui forme la cause fondamentale de son destin. Il ne peut rejeter une chienne rencontrée par accident, dont l’auteur accentue l’importance pour notre héros, en l’assimilant à un être humain : la bête «jetait à son maître [...] des regards humains, en se 43 semble pas moins pertinent pour notre étude d’utiliser le terme classique et général de «personne». 9)A l’évidence, une des particularités de Maupassant est dans la narration à la première personne d’un fou : «Dans tous ses récits, la position du fou ou du malade est légitimée, parce que tout est présenté de son point de vue.» M. Bury, op. cit., p.10. 10)Les citations des contes et des nouvelles de Maupassant renvoient aux Contes et nouvelles, Gallimard, «Bibliothèque de la Pléiade», 2 vol, 1974-1979. Nous marquons seulement le tome et la page. 11)La Peur (1884), II,199. débattant comme une personne qui se noie.» (I,762) La logique du récit, c’est une succession des événements qui se fonde sur un rapport de cause à effet : l’amour fort, le chagrin de la perte et l’impact de la rencontre inattendue. Ainsi la folie n’est- elle qu’un résultat inévitable de cette «transition 12) » naturelle chez le personnage. La peur excessive provoque la folie qui constitue un effondrement inguérissable uploads/Litterature/ la-folie-dans-les-contes-fantastiques-de-maupassant-kazuhiko-adachi.pdf
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- Publié le Oct 07, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
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