scholarvox.com:Faculté des Lettres et des Sciences Humaines Agadir:925242909:88
scholarvox.com:Faculté des Lettres et des Sciences Humaines Agadir:925242909:88846348:196.70.227.194:158 N’est- ce pas comme introducteur de la question oratoire 31 s’avèrent très utiles lors d’interviews mais aussi en contextes pédagogiques. Qui plus est, elles peuvent être émises dans le seul but de verbaliser une position épistémique individuelle ou collective6. Tout un savoir a aussi été accumulé en ce qui concerne la réactivité : aujourd’hui on reconnaît que ces questions ne sont ni « answerless » ni « unanswerable » (Ilie, 1994). Dans leur analyse du discours de Sarkozy, Calvet et Véronis (2008) mettent en exergue l’usage abondant des questions rhétoriques fait par l’ex- président. Ils at- tribuent cette tactique à un renversement des rôles, en ce sens que ces questions permettent à Sarkozy, lors d’interviews, de se placer dans la position – moins vulnérable – de celui qui pose les questions. Les questions rhétoriques sont d’au- tant plus avantageuses que normalement ce ne sont pas les prémisses (le dia- gnostic de tel ou tel problème) qui engendrent les positions adversaires, mais la démarche à suivre en vue de remédier à tel ou tel problème. Comme la question rhétorique entraîne un assentiment général et automatique de la part du destina- taire, elle fraye la voie à l’acquiescement de la politique envisagée (les solutions, la démarche à suivre). Voici un de leurs nombreux exemples (Calvet et Véronis, 2008 : 55-56) : 3. « J’ai vu des tas d’ouvriers qui après 36 ans d’ancienneté gagnaient 1 200 euros, qu’est- ce qu’on fait avec 1 200 euros par mois ? » (A vous de juger, 26.4.2007). Les auteurs signalent que, dans de nombreux cas, la question rhétorique activée par Sarkozy figure dans un contexte émotionnel ou dramatique (ici, le fait pour quelqu’un de toucher si peu après avoir consacré une vie entière au travail, et tout ce que cela implique), ce qui non seulement détourne l’attention du destinataire en ce qui concerne les solutions promues (le destinataire ne peut que rejoindre Sarkozy dans le processus de questionnement et dans l’acceptation des pré- misses), mais aussi le met en bonne disposition pour accepter le remède promu. Les auteurs ajoutent que si la question était reformulée autrement, par exemple comme dans (3a), un accord automatique ne serait aucunement garanti : 3a. « Sachant qu’il est difficile de vivre avec 1 200 euros par mois, la bonne solu- tion est- elle de travailler plus pour gagner plus ? » contraire à celle de la question, et même comme une accusation, ce qui le conduit à répondre par « I disagree with that » (Chez Koshik, 2005 : 17). 6 Rappelons que selon Anscombre & Ducrot (1983 : 130), la question totale instaure une situation polyphonique : en plus de la demande ouverte de choisir entre P et non- P, on retient le point de vue exprimé par l’assertion préalable P, et une incertitude en ce qui concerne la valeur de P. scholarvox.com:Faculté des Lettres et des Sciences Humaines Agadir:925242909:88846348:196.70.227.194:158 32 Silvia Adler Pour preuve concrète de ce renversement des rôles, les auteurs citent encore un cas où, lors d’une interview, Arlette Chabot se laisse piéger dans l’acquiescement d’une contrevérité au sujet des assurances maladies (A vous de juger, France 2, 8.3.2007. Chez Calvet et Véronis, 2008 : 56) : la journaliste cherche à savoir s’il y aura des franchises sur l’assurance maladie. Voici, en (4) la réponse (sous forme de question) de Nicolas Sarkozy et la réaction de la journaliste : 4. – Nicolas Sarkozy : D’abord, Arlette Chabot, pouvez- vous me dire, y a- t- il une seule assurance qui existe sans une franchise ? Une seule ? – Arlette Chabot : Je ne crois pas… Comme il existe des assurances sans franchise, la journaliste aurait pu répondre par « je ne sais pas » en cas de méconnaissance. Elle aurait pu aussi insister sur le fait qu’elle se référait à une assurance sociale (solidaire) alors que Nicolas Sarko- zy profitait d’un glissement sémantique puisqu’il parlait d’assurances commer- ciales. En d’autres termes, la réaction de la journaliste dévoile un embarras plutôt qu’une maîtrise de la situation. La question rhétorique peut revêtir plusieurs formes. A part les modèles pré- sentés en (1) à (4), voici encore le schéma Y a- t- il plus ADJ que GN ? (ex. (5)) ou les questions en Qui ne GV ? (ex. (6)) : 5. Y a- t- il plus ridicule que cette vidéo des « Hommen » en maillot de bain ?7 6. Le Mouvement Démocrate du Val d’Oise rend un dernier hommage à Sté- phane Hessel : Qui ne connaît ce grand diplomate, cet ambassadeur ? / Qui ne connaît ce grand résistant contre le nazisme, déporté à Buchenwald ? / Qui ne connaît enfin et surtout ce grand écrivain ? […]8 Considérons à présent la question (7), introduite par n’est- ce pas : 7. Il y a quelques semaines un lecteur nous interpelait à peu près en ces termes : « n’est- ce pas indécent de consacrer plusieurs articles à des colliers et à des montres à 4000 000 euros, à ces ‚jouets pour collectionneurs étrangers’, alors qu’il serait plus sage d’investir de telles sommes dans des scanners pour les hôpitaux ? »9 7 http://www.lesinrocks.com/inrocks.tv/y- a- t- il- plus- ridicule- que- cette- video- des- hommen- en- maillot- de- bain/ 8 http://www.vonews.fr/article_20435- le- modem- rend- hommage- a- stephane- hessel 9 Le figaro, samedi 6 – dimanche 7 juillet 2013. Rubrique « Décryptage » rédigée par Fabienne Reybaud, intitulée « Vive les bijoux gros comme le Ritz ! », accompagnant l’article rédigé également par elle, « La haute joaillerie fait briller Paris » (article lié à l’événement Calendrier de la haute couture parisienne). Pour information, dans la scholarvox.com:Faculté des Lettres et des Sciences Humaines Agadir:925242909:88846348:196.70.227.194:158 La question en (7) a valeur d’une assertion, et même d’une exclamation (« c’est indécent ! »)10, mais la forme interrogative permet à l’auteur de la question de chercher en même temps l’acquiescement du destinataire. L’interrogation du lecteur vise à sensibiliser l’opinion publique en ce qui concerne une pratique in- décente ou inconvenante (valoriser la décadence) surtout lorsque cette pratique se juxtapose à une réalité intolérable concernant une valeur censée occuper un échelon plus haut dans la hiérarchie des priorités (investir dans des opérations qui valorisent la vie et qui serviront à plusieurs personnes)11 en mettant en doute la légitimité des événements relatifs au calendrier de la haute couture parisienne. En recourant à un format interrogatif, l’énonciateur en (7) fait appel à la percep- tion, au jugement ou à l’évaluation de son destinataire. Mais alors qu’une question totale affirmative aurait cherché à savoir si P ou ¬P , voire la pertinence pour le pro- cès X de pouvoir être traité d’indécent ou pas, et donc la légitimité du jugement por- té sur X (indécent consiste alors dans l’information posée et « consacrer plusieurs articles… » dans l’information présupposée), la négation permet à l’énonciateur de laisser dans le présupposé le fait que « X est indécent » et de chercher alors à savoir si la perception de X par le destinataire coïncide en effet avec celle de l’énonciateur. Le fait que X soit indécent existe au niveau pré- interrogatif (c’est un présup- posé) et donc ce qui reste à vérifier est si les perceptions de X par l’émetteur et le récepteur sont accordées. Comme il y a de très fortes chances que l’auditoire universel sache trancher face à cette dichotomie entre valeurs vitales et valeurs matérielles, il n’est pas illusoire de conclure que la question en (7) n’est pas fon- dée sur une simple ignorance. C’est ce type de schéma en n’est- ce pas qui déclenche la présente étude. Dans ce qui suit il s’agira d’examiner les valeurs de cette question dans des situations, pour la plupart dialogiques, répertoriées suite à une recherche lancée via we- bcorp12 dans des sites de presse écrite français (lemonde.fr, lefigaro.fr, liberation. fr, humanite.fr, leparisien.com, francesoir.quotidiano.net). Par ‘situation dialo- gique’ nous entendons interviews et débats, mais aussi commentaires figurant à la suite desdites rubriques. Cette mise à l’examen nous permettra de répondre à la question de savoir ce qui permet au tour en n’est- ce pas suite du texte, on retrouvera l’opinion de Fabienne Reybaud qui consiste à dire, en bref, que « le luxe n’est pas sale ». 10 Cf. encore Borillo (1981) pour la valeur d’expressivité accompagnant l’énonciation de la question rhétorique. 11 Suivant le topos de la primauté du collectif sur l’individuel. 12 http://www.webcorp.org.uk/live/search.jsp N’est- ce pas comme introducteur de la question oratoire 33 scholarvox.com:Faculté des Lettres et des Sciences Humaines Agadir:925242909:88846348:196.70.227.194:158 34 Silvia Adler • soit de porter le chapeau de question rhétorique, en ce sens d’une question destinée comme telle par l’auteur de la question, et perçue comme telle par le destinataire ; • soit d’introduire des questions non rhétoriques, en ce double sens de ques- tions destinées comme rhétoriques par l’énonciateur mais perçus autrement par le destinataire ou bien questions cherchant une vraie réaction de la part du destinataire et perçues comme telles par le uploads/Litterature/ introducteur-de-la-question-oratoire.pdf
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- Publié le Nov 29, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
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