211 Stéphane-Ahmad Hafez, Université Libanaise Patrick Chardenet, Université de

211 Stéphane-Ahmad Hafez, Université Libanaise Patrick Chardenet, Université de Franche – Comté Estela Klett, Université de Buenos Aires Nguyen Van Dung, Université nationale de Hanoi Monica Vlad, Université Ovidius Constanta Textes édités par Patrick Chardenet Résumé : Les universités font face à un processus d’internationalisation de la production, de la diffusion et de l’enseignement des savoirs, qui constitue un paradoxe entre un risque d’accélération de la concentration dans un univers concurrentiel stimulé par une économie de la connaissance investie par le marché, et une ouverture réelle ou illusoire, qui permet potentiellement à toute recherche, toute offre de formation, d’accéder au monde. Parmi les conditions de l’accès, il y a bien entendu le poids des macro-indicateurs comme la possibilité pour les établissements de solliciter des moyens budgétaires puissants (subventions et/ ou capital) qui facilitent l’amélioration des ressources matérielle (budgets de recherche, équipements technologiques, dispositifs d’enseignement) et la compétencialisation des ressources humaines (étudiants, enseignants, enseignants-chercheurs, administrateurs, techniciens). Mais il faut également compter avec le capital linguistique des universités, c’est-à-dire la somme des compétences disponibles en langues (étudiants, enseignants, enseignants-chercheurs, administrateurs, techniciens) et des moyens affectés à la recherche, à l’enseignement et aux services linguistiques. De ce point de vue, les niveaux d’investissement des universités dans les langues, constitueront dans les prochaines années, des seuils qui rendront ou non cet accès possible, selon les contextes locaux et régionaux. Parmi les dispositifs d’enseignement expérimentés, les filières bilingues (et certainement celles, bi-plurilingues qui suivront ce premier modèle), posent rapidement la question de savoir quelles langues proposer et quelle langue enseigner / apprendre ? C’est-à-dire quels buts se fixent les universités, pour quelles finalités (niveau des politiques linguistiques des établissements) ? Avec quels objectifs (connaissances, compétences, progression) ? Et quels moyens méthodologiques ? Les contributions qui suivent mettent en avant une partie de l’expérience francophone dans le domaine, en montrant une diversité de modèles élaborés dans des contextes qui les déterminent du point de vue des cultures éducatives et des orientations épistémologiques. Mots-clés : Internationalisation des universités, capital et dispositif linguistiques, politiques linguistiques des universités. 1. Des filières universitaires francophones au Laos et au Vietnam En Asie du Sud-Est, notamment au Laos et au Vietnam, il y a 42 filières universitaires francophones (dorénavant FUF), avec plus de 4 000 étudiants répartis dans 8 pôles scientifiques différents. Les filières universitaires Le français sur objectifs universitaires entre globalisation et localisation 212 francophones soutenue par l’AUF sont « fondées sur des partenariats multilatéraux d’orientation inter-universitaires variables » et « concernent des cursus disciplinaires variés : agronomie, droit, psychologie sociale, économie, ingénierie, médecine » (Patrick Chardenet 2010). Les étudiants recrutés sur concours d’entrée dans les universités ont été sélectionnés sur la base du volontariat et des notes scientifiques, dont le nombre ne dépasse pas 50 étudiants afin de garantir la qualité de la formation d’élite francophone. Certaines FUF existent depuis 17 ans, les autres sont plus jeunes. Pour soutenir ces filières, il y a d’une part, un consortium des universités qui dans des pôles scientifiques différents définit les contenus de la formation et de la formation de formateurs ainsi que les missions d’enseignement, d’autre part, l’équipe pédagogique du Bureau Asie-Pacifique de l’Agence universitaire de la Francophonie qui définit le programme de formation et le mode d’évaluation pour que ces étudiants, débutants en français pour la plupart puissent, à partir de la 3ème année, suivre des cours scientifiques en français dispensés soit par les enseignants vietnamiens francophones, soit par les enseignants étrangers du consortium. Au niveau de l’évaluation, nous avons mis en place depuis 2001, l’obtention des diplômes du DELF . A1 à la fin de la 2ème année, A2, à la fin de la 3ème ou de la 4ème année le B1 à la fin de la 4ème année, et en fin de cursus, un test équivalent à un B1+ qui permet de sélectionner les étudiants ayant un niveau de français permettant la rédaction de leur mémoire. Au total, les étudiants ont en moyenne entre 600 et 700 heures de français. 2. Du FOS au FOU, le parcours d’un étudiant en filière francophone Jusqu’en 2000, nous nous sommes limités à l’enseignement du français général à travers la méthode Le Nouvel Espaces, mais cela n’est pas suffisant pour ce public particulier. A partir de 2000, il a été décidé d’intégrer dans le cursus, des cours pour différentes disciplines (Nguyen Van Dung 2002, 2004). Il est nécessaire de préciser ce que nous entendons ici par français sur objectif spécialisé (dorénavant FOS) : « la maîtrise de la langue nécessaire à l’appréhension des notions et les cours FOS ne peuvent pas se substituer à ce que serait un cours de la discipline » (Mangiante et Parpette : 2004). Pendant une dizaine d’années, ces cours de FOS ont été élaborés, inspirés des travaux de Eurin- Balmet et Henao de Legge (1992), de Sophie Moirand (1990), de Denis Lehmann (1980), de Gisèle Kahn (1995), Jean-Marc Mangiante et Chantal Parpette (2004). Des formations ont été organisées sur place animées par Marie-Josèphe Berchoud, Dominique Roland, Gisèle Kahn, Jacqueline Tolas. Des réunions de concertation entre enseignants des disciplines et des enseignants de français ont été organisées. Certains enseignants de français ont obtenu des bourses de l’AUF pour aller en France élaborer des cours FOS, de médecine, ponts et chaussées, tourisme, droit, économie, agronomie. Ainsi, ces cours sont-ils dispensés dans ces FUF en plus des heures réservées au français général. Cependant il a été constaté que les étudiants éprouvaient toujours beaucoup de difficultés, en particulier dans la prise de notes à l’oral, dans la rédaction et la Le Français sur Objectifs Universitaires - 2011 pp. 211-232 213 soutenance du mémoire de fin d’études : ne pas savoir faire un plan, un compte rendu d’articles, une synthèse des lectures. Selon Parpette et Mangiante (2010), « l’apprentissage de compétences langagières en langue étrangère implique autant les savoir-faire intellectuels eux-mêmes que la langue étrangère (apprendre à rédiger un mémoire en FLE, signifie souvent apprendre à rédiger un mémoire tout court, c’est-à-dire à développer une compétence différente de celles acquises en langue maternelle.) ». Les témoignages et rapports de mission des enseignants intervenant dans les FUF , ainsi que le rapport de recherche du groupe MIRA (2004-2007) concourent à confirmer que les étudiants des FUF ne maîtrisent pas suffisamment les TU. Pourquoi ce manque de méthodologie ? La réponse se trouve à plusieurs niveaux. D’abord, nous pensons que les remarques de Catherine Carras (2006) sur les étudiants chinois pourraient être les mêmes concernant les étudiants vietnamiens. « Ils (les étudiants chinois) d’un système où l’on apprend par cœur, où le professeur et le manuel ont toute autorité, où l’on ne remet pas en question l’enseignement reçu. Ils ont tendance à avoir pendant les cours une attitude que l’on qualifierait de « passive » (suivant nos critères culturels propres), éprouvant de grandes difficultés à rechercher et hiérarchiser des informations, à prendre des notes (à cette difficulté méthodologique se rajoute la difficulté linguistique), à structurer un devoir ; en bref, nos méthodes et nos objectifs de travail sont pour eux totalement nouveau » Effectivement, on voit que dans notre culture, et ce malgré les recherches sur la centration sur l’apprenant, l’enseignant joue un rôle central et les manuels jouent un rôle très important : dans bien des cas, faute de formations et de ressources, ces derniers sont respectés presque à la lettre par des enseignants. Cela a été bien présenté dans les résultats de la recherche CECA -Vietnam : « Les styles d’enseignement de nos enseignants observés sont marqués par une forte tendance au cours magistral, le manuel à l’appui ; l’ambition des enseignants de tout expliquer, parfois très longuement, ce qui laisse peu d’occasions à la parole des élèves en classe ; le peu d’activités de conceptualisation et de réemploi ; un manque d’activités visant la construction des stratégies personnelles de travail chez les élèves ; une certaine ‘peur’ des enseignants à la fois du ‘silence’ et du ‘bruit’, de la ‘perte de temps’ en classe, d’où des guidages de très près dans les activités en classe.» (Rapport de la recherche CECA – Vietnam) Enfin, le FOU tel que nous l’entendons ici – acquisition de la méthodologie pour mener à bien certaine tâches exigées par les études universitaires – exposé, prise de notes, compte rendu, synthèse - ne constitue pas un enseignement effectif au Vietnam. Dans l’enseignement général il n’y a pas d’heures réservées à faire acquérir ces techniques. Dans l’ancien programme des départements de langue de notre université, il n’y avait pas de place à ces méthodologies. Nous avons dit l’ancien programme car ces techniques ont été nouvellement introduites quand on a décidé d’appliquer les niveaux du Cadre européen commun de référence pour les langues (dorénavant CECR), nouveau programme élaboré depuis 2007 mais qui sera appliqué cette année. Dans le département Le français sur objectifs universitaires entre globalisation et localisation 214 de français où nous enseignons, cette année, pour la première fois, nous avons introduit ces techniques dans les cours de pratique de la langue en 3ème année. Dans ce contexte, pour que uploads/Litterature/ fou-entre-globalisation-et-localisation-pdf.pdf

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