Marguerite Duras est aujourd’hui reconnue comme un des auteurs majeurs du 20e s

Marguerite Duras est aujourd’hui reconnue comme un des auteurs majeurs du 20e siècle. Elle est née en Indochine française et la vie difficile qu’elle y connait nourrira plusieurs de ses livres Son écriture demeure très particulière, voire inclassable. Elle écrit aussi pour le théâtre et pour le cinéma. Elle est souvent considérée comme novatrice dans tous les domaines qu’elle touche. Cependant, elle rencontre assez tardivement un immense succès mondial, qui fait d’elle l’un des écrivains vivants les plus lus, avec L’Amant, Prix Goncourt en 1984. L’amant a pour cadre cette Indochine coloniale et pour fil conducteur la relation amoureuse avec un amant de 17ans son ainé ; il est Chinois et riche, alors qu’elle est blanche et pauvre.. Il est difficile de classer ce roman à teneur autobiographique dans un genre. D’ailleurs elle dira que c’est au lecteur de décider s’il s’agit ou non d’un roman. Pour elle, « Ce qu’il y a dans les livres est plus véritable que ce que l’auteur a vécu». Et cette rencontre avec le Chinois se retrouvera sous des formes différentes dans trois de ces œuvres : Un Barrage contre le Pacifique en 1950, L’Amant en 1984 et L’Amant de la Chine du Nord en 1991. Ainsi,le passage a étudié est la première rencontre entre les deux protagonistes .Pensionnaire à Saigon, l'héroïne prend un grand bateau plat; le bac pour rejoindre sa mère à Sadec. Alors qu'elle s'apprête à traverser le fleuve Mékong, sur le débarcadère, elle est abordée par le jeune Chinois. En quoi cette scène de rencontre est-elle originale ? Comment Marguerite Duras revisite la scène de rencontre traditionnelle ? mouvement 1= Un premier bord, mouvement 2 = une approche Il semble ici que l'auteur reprenne à son compte un lieu commun, un topos de la littérature amoureuse : celui de la première rencontre ou du coup de foudre.Le passage commence alors par une description des deux personnages. On y retrouve “l’homme élégant” et “la jeunne fille au feutre d’homme et aux chaussures d’or”, on remarque que ces deux périphrases ainsi que la répétition des pronoms “il” et “elle” place nos deux personnages dans un anonymat mystérieux.Jamais son nom n'est indiqué. L'effet d'étrangeté vient en effet de l'alliance de termes génériques avec l'article défini. Dès le début du passage, Marguerite Duras souhaite à travers la description des personnages souligner la différence financière. La jeune fille est pauvre comme en témoignent sa tenue vestimentaire alors que, lui appartient à la longue lignée des Don Juan par son âge, qui lui fait aborder une jeune fille adolescente, par sa richesse attestée, par des signes extérieurs typiques de l'époque “la limousine”, ou “une cigarette anglaise”. On remarque que la narratrice utilise des phrases simples et courtes, plongeant alors le lecteur dans un cadre temporel imprécis, on a l’impression que le passage n’a pas d’unité de temps. De plus, l’emploi du présent comme “ fume” “vient” “offre”, donne le sentiment que la scène ne se termine jamais. Ainsi, nous voyons que le champ lexical du malaise domine “lentement” “intimidé” “sa main tremble”. Certes l’homme élégant est présenté comme beau et riche, cependant, il semble être déstabilisé face à la jeune fille, sa timidité est donc mise en valeur “ c’est visible, il est intimidé” “sa main tremble”, on note alors que le pdv est externe. C’est comme si nous regardions les deux protagonistes, donnant alors une impression de scène cinématographique. Nous retrouvons ensuite le champs lexical de la race “différence de race” “ blanc” montrons alors la différence culturelle qui les separe et qui pourrai rendre leur fréquentation impossible. En effet, On retrouve le motif romanesque de l'amour impossible qui fait songer au mariage impossible dans Tristan et Iseut, sauf qu’ici ce motif est lié au racisme ambiant. Dès le début, cet amour entre une Blanche et un chinois est voué à la clandestinité. C’en suit alors un dialogue assez original, sans guillemets ou tirets. La voix du narrateur et celle des personnages fusionnent comme le montre le passage au discours indirect “elle lui dit qu’elle ne fume pas". Cette polyphonie montre évidemment que le sujet central de cette scène est l’écriture même de Marguerite Duras bien plus que le fond du dialogue. effectivement le style indirect en revendiquant la lourdeur présente “Alors il lui dit qu'il croit rêver », reflète l'embarras des personnages et la banalité des propos affectant cette première rencontre. Le mutisme de la jeune fille est ici mis en valeur avec les répétitions « Elle ne répond pas. Ce n'est pas la peine qu'elle réponde, que répondrait-elle ». Néanmoins, l'échange adopte parfois le discours direct, mais sans signes de ponctuation, afin de mieux se fondre dans le dialogue o, et sans cette claire démarcation entre l'auteur qui raconte et le personnage qui parle « Alors il lui demande : mais d'où venez-vous ? ». La réponse très simpliste de la jeune fille marque la platitude de ce dialogue, on a l’impression de lire une conversation entre deux enfants, rendant presque cette scène de rencontre ridicule. Ce premier mouvement est donc marqué par un silence,une gêne. MD rythme la conversation avec une naïveté, comme un récit d'enfant ou un souvenir restitué sans matière. La simplicité du vocabulaire rehausse cette impression on retrouve d’ailleurs de nombreux termes clés du souvenir. On entre alors dans le second mouvement, on remarque qu’il ne se différencie pas énormément du premier, le ton utilisé est le même. Ce second mouvement s'ouvre encore une fois sur la question de la race, On voit que le chinois est choqué de voir une jeune blanche dans un car indigène.On comprend encore une fois l’écart installé entre les deux personnages à cause de leur origine. Le chinois tente alors une certaine approche, il la complimente… mais timidement. Le discours indirect libre domine encore dans cette seconde partie du texte. “ Il lui dit que le chapeau lui va bien” “ elle lui demande qui il est”. Ensuite, les deux protagonistes continuent à faire connaissance, il lui raconte sa vie, lui explique qu'il a fait ses études à Paris mais qu’il est originaire de Sadec. Ce second mouvement est alors marqué par une phrase interrogative directe “ Voulez-vous me permettre de vous ramener chez vous à Saigon ?”. Les deux personnages instaurent ainsi le début d'une relation. Il faut savoir que la société indochinoise interdisait les mariages mixtes. Or la jeune fille s'apprête dans cette scène à franchir ce tabou culturel et social en s'unissant avec celui qui lui est interdit. Elle apparaît ainsi comme un personnage transgressif. L’extrait se termine encore par la démarcation sociale des deux personnages, qui est le centre de leur relation. Ainsi, cet extrait du roman de Marguerite Duras montre comment le topos le plus répandu de la littérature romanesque, celui de la première rencontre amoureuse, peut être transformé, voire perverti. On pense alors à l’adaptation de L'Amant qui a été faite au cinéma par Jean-Jacques Anneau en 1991. Marguerite Duras n'avait du tout apprécié la scène de rencontre dans le film trop centrée selon elle autour de la passion des deux personnages. En effet, pour Marguerite Duras, le personnage romanesque n'a que peu d'intérêt. Marguerite Duras ne raconte pas sa vie mais elle fait entendre sa voix. Déçue par l'adaptation cinématographique de Jean-Jacques Anneau. Marguerite Duras donnera sa version cinématographique de l'Amant dans un autre ouvrage, l'Amant de la Chine du Nord, paru en 1991. uploads/Litterature/ duras.pdf

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