Avant la Négritude : phénomène de civilisation et variables historiques On appe
Avant la Négritude : phénomène de civilisation et variables historiques On appelle négritude le mouvement par lequel, au 20ème siècle, les écrivains noirs prennent la parole pour faire entendre leur voix spécifique : se différencier de la culture blanche, et, en même temps, revendiquer le respect de leur différence. On ne peut évoquer le phénomène de la négritude sans interroger d’abord l’histoire : quel sort a été au peuple noir pour que ce dernier se sente obliger d’imposer avec force son identité et sa dignité ? Il est certain qu’aujourd’hui chacun de nous reconnaît dans le phénomène de la traite négrière une injure intolérable, nécessaire à la source du mouvement. Mais ce n’est pas le seul phénomène de la traite, totalement éteint en 1831, qui peut expliquer la détermination du sursaut un siècle plus tard. La pratique de la traite s’accompagne d’une incidence indéniable sur l’image du noir, la représentation que l’on s’en fait est plus nuisible. La colonisation s’appuiera dessus et les blessures morales ne cesseront de se renouveler. Claude Lévi –Strauss a écrit : « il n’y a pas de peuple sans culture ». Les noirs d’Afrique ont crée au cours des siècles des religions, des littératures et des arts tellement différents, qu’on les reconnaît entre toutes les autres civilisations de la terre. Cette civilisation africaine a marqué de façon indélébile les manières de penser, de sentir et d’agir des négro-africains ; qu’elle a forgé ce que Delafosse appelle l’âme noir dont le style africain est l’expression. Ce n’est pas une affaire de race. Ce n’est pas parce qu’il est noir que l’africain a telle manière de danser, de prier, d’aimer, de concevoir le travail, l’autorité, la justice ou la famille. L’africain est aujourd’hui encore différent des autres par ce qu’il hérite d’une civilisation différente et de laquelle il réapprend à être fier. En effet, on lui a menti en lui enseignant, pour mieux le dominer, qu’il n’avait qu’une civilisation inférieure, ou même pas de civilisation du tout. Tous les ethnologues, ces spécialistes de l’étude des civilisations, sont d’accord aujourd’hui pour reconnaître que l’Afrique a inventé une civilisation qu’on ne trouve nulle part ailleurs, parfaitement intéressante, qu’il ne faut pas déduire de son retard technique, son infériorité dans les autres domaines : l’Afrique avant l’arrivée des blancs n’était absolument pas sous développée sur les plans artistique, littéraire, religieux, familial, juridique, moral, politique… à ce sujet Léo Frobenius, savant ethnologue allemand, écrit : « l’idée du nègre barbare est une invention européenne ». Cette constante de la civilisation africaine et la psychologie particulière qui en résulte forment, donc, les bases de la négritude. C’est aussi à cette constante que pense L.S. Senghor dans la définition : « la négritude est le patrimoine culturel, les valeurs et surtout l’esprit de la civilisation négro-africaine ». Seulement voilà l’harmonie de ces cultures (assez solides pour permettre à l’homme noir de vivre et d’être heureux malgré un très faible essor technique va être détruite par la véritable chasse à l’homme que les portugais inaugurèrent au 15ème siècle et qui dura pratiquement jusqu’en 1830-1870. la traite qui coûta au continent africain un minimum de cent millions d’hommes, désorganisa complètement les sociétés côtière et propagea ses désordres dans l’intérieur d’où on drainait les esclaves en caravanes vers les principaux marchés qui s’échelonnaient de la Guinée au Congo. L’exil de l’esclave dans les plantations d’Amérique, 1 puis, à peine la traite terminée, la colonisation qui, de 1870 à 1960 s’étendit sur tout le territoire africain, les innombrables brimades dont les nègres du monde entier furent l’objet, que ce soit la ségrégation, l’assimilation, les lynches ou les travaux forcés, les préjugés raciaux ou les préjugés culturels vis-à-vis du monde noir qui dura plusieurs siècles, a nécessairement causé une série de traumatismes qui ont profondément altéré la négritude, et qui ont détruit l’équilibre même de l’homme des sociétés noirs. Le psychiatre martiniquais Frantz Fanon a particulièrement bien analysé les troubles chez les noirs des Antilles : *Masques Blancs *complexe d’infériorité *la honte de sa couleur *la passivité *la paresse *l’imitation du blanc dans l’espoir de rassembler au maître. *la tentation de se blanchir même physiquement (en se poudrant, en s’enduisant de fards clairs, en se défrisant les cheveux) ou même biologiquement (chercher à épouser un européen pour avoir un enfant mulâtre). *l’abandon quasi général des coutumes et croyances africaines pour acquérir l’instruction, les religions, les habitudes et les objets européens. Tous cela traduit à quel point les noirs ont été ébranlés dans leur confiance en eux même ; jusqu’à quel point ils ont essayé d’échapper à la négritude. L’esclavage et la colonisation ont failli réussir un génocide culturel. Il faut donc essayer de comprendre que les manifestations d’agressivité raciste contre les blancs au Congo ou en Amérique, la susceptibilité parfois maladive des africains récemment décolonisés, les cris de révolte et la condamnation globale de l’Europe, y compris de sa civilisation, comme une réaction normale, peut-être même nécessaire, une vraie « légitime défense » contre ce génocide ; c’est ce que J.P. Sartre appelle « la négation de la négation du nègre ». J.P. Sartre ajoute : « puisqu’on l’opprime dans sa race et à cause d’elle, c’est d’abord de sa race qu’il lui faut prendre conscience. Ceux qui durant des siècles, ont vainement tenté (par ce qu’il était nègre), de le réduire à l’état de bête, il faut qu’il les oblige à le reconnaître pour un homme. Un juif blanc parmi les blancs, peut nier qu’il soit juif, se déclarer un homme parmi les hommes. Le nègre ne peut nier qu’il soit nègre, il est noir. Insulté, asservi, il se redresse, il ramasse le mot, « singe » qu’on lui a jeté comme une pierre, et se revendique comme noir face au blanc dans la fierté ». Circonstances de l’émergence de la négritude Pour asseoir une révolution efficace, les africains devaient d’abord se débarrasser de leur vêtements d’emprunt (ceux de l’assimilation) et affirmer leur tête, c'est-à-dire, leur négritude. Cependant, la négritude même définie comme un l’ensemble des valeurs culturelles de 2 l’Afrique noire, ne pouvait leur offrir que le début de la solution de leur problème, non la solution elle-même. Ils ne pouvaient plus retourner à la situation d’antan, à la négritude des sources. Ils étaient étudiants de Paris et du 20ème siècle dont une des réalités et certes l’éveil des consciences nationales, mais dont une autre, plus réelle encore, est l’indépendance des peuples et des continents. Peut-être vraiment eux-mêmes, il leur fallait incarner la culture négro-africaine dans les réalités du 20ème s. pour que leur négritude fût, il leur fallait la débarrasser de ses scories (déchets), et l’insérer dans le mouvement solidaire du monde contemporain. Le mouvement avait été préparé dès 1920 par la négro renaissance américaine, première affirmation de l’identité culturelle d’un groupe noir important. Il se définit en s’opposant à la théorie coloniale dite « de la table rase », (la mission civilisatrice, justifiée par un discours raciste, élaborant le mythe du bon sauvage et la théorie de la table rase qui faisait des terres colonisées des lieux sans Culture et sans Histoire, qu’il convenait de sortir de la nuit de la sauvagerie. Pour les colons, les terres et ressources naturelles sont largement disponibles et insuffisamment exploitées et mises en valeurs. D’où les théories de la table rase des terres vacantes et sans maitres), qui prétendaient justifier les apports de la civilisation occidentale en Afrique et l’assimilation des sociétés africaines. Léopold Sedar Senghor s’explique à ce sujet : « Dans quelles circonstances avons- nous, Aimé Césaire et moi, lancé dans les années 1933-1935 le mot de « négritude » ? Nous étions alors plongés, avec quelques autres étudiants noirs, dans une sorte de désespoir panique. L’horizon était bouché. Nulle réforme en perspective, et les colonisateurs légitimaient notre dépendance politique et économique par la théorie de la table rase. Nous n’avions, estimaient –ils, rien inventé, rien créé, rien écrit, ni sculpté ni peint ni chanté… » L’apport des ethnologues européens, dès le premier tiers du siècle, concernant la théorie de table rase a été de la combattre. Le premier, Frobenius qui déclare que les africains sont : « civilisés jusqu’à la moelle des os », « l’idée du nègre barbare, ajoute t-il, est une invention européenne ». Senghor reconnait bien cette idée : « c’est à paris qu’à la suite des ethnologues, nous redécouvrîmes la négritude, c'est-à-dire les valeurs culturelles de la civilisation négro-africaine ». Théodore Monod, suivant l’idée de Senghor, affirme dans la préface de Karim d’Ousmane Socé (1936) : « le noir n’est pas un homme sans passé, il n’est pas tombé d’un arbre avant-hier. L’Afrique est littéralement pourrie de vestiges préhistoriques et certains se demandent même depuis peu si elle n’aurait pas, contrairement à l’opinion courante vu naitre l’homme proprement dit… » Quelques appellations de la littérature africaine Faire l’histoire de la littérature africaine, c’est remonter le temps, c’est revisiter son passé afin de faire ressortir ses caractéristiques et suivre son évolution de sa naissance jusqu’à nos jours. Faire l’histoire de cette littérature, uploads/Litterature/ cours-pour-etudiants-master-1-litterature.pdf
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- Publié le Mai 08, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
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