Musset – On ne badine pas avec l’Amour – Acte I, scène 1 On ne badine pas avec
Musset – On ne badine pas avec l’Amour – Acte I, scène 1 On ne badine pas avec l’Amour, Alfred de Musset, Acte I, scène 1 Introduction L'extrait proposé est la scène d'exposition de la pièce de Musset On ne badine pas avec l'amour, écrite en 1834 et jouée pour la première fois en 1861. Cette pièce est une comédie romantique : on y trouve souvent un ton léger, et les milieux sociaux des personnages sont mêlés. Dans cette scène d'exposition, un chœur présente deux précepteurs : ceux de Perdican et Camille, deux jeunes gens brillants. Les paroles s'inscrivent dans un registre comique et suivent une structure très stricte. Alfred de Musset cherche à donner à son spectateur, sous une forme originale, les informations nécessaires au spectateur pour découvrir l'intrigue. ACTE PREMIER SCENE PREMIERE Une place devant le château. MAITRE BLAZIUS, DAME PLUCHE, LE CHOEUR LE CHOEUR Doucement bercé sur sa mule fringante, maître Blazius s'avance dans les bluets fleuris, vêtu de neuf, l'écritoire au côté. Comme un poupon sur l'oreiller, il se ballotte sur son ventre rebondi, et les yeux à demi fermés, il marmotte un Pater noster dans son triple menton. Salut, maître Blazius ; vous arrivez au temps de la vendange, pareil à une amphore antique. MAITRE BLAZIUS Que ceux qui veulent apprendre une nouvelle d'importance m'apportent ici premièrement un verre de vin frais. LE CHOEUR Voilà notre plus grande écuelle ; buvez, maître Blazius ; le vin est bon ; vous parlerez après. MAITRE BLAZIUS Vous saurez, mes enfants, que le jeune Perdican, fils de notre seigneur, vient d'atteindre à sa majorité, et qu'il est reçu docteur à 1 Musset – On ne badine pas avec l’Amour – Acte I, scène 1 Paris. Il revient aujourd'hui même au château, la bouche toute pleine de façons de parler si belles et si fleuries, qu'on ne sait que lui répondre les trois quarts du temps. T oute sa gracieuse personne est un livre d'or ; il ne voit pas un brin d'herbe à terre, qu'il ne vous dise comment cela s'appelle en latin ; et quand il fait du vent ou qu'il pleut, il vous dit tout clairement pourquoi. Vous ouvririez des yeux grands comme la porte que voilà, de le voir dérouler un des parchemins qu'il a coloriés d'encres de toutes couleurs, de ses propres mains et sans rien en dire à personne. Enfin c'est un diamant fin des pieds à la tête, et voilà ce que je viens annoncer à M. le baron. Vous sentez que cela me fait quelque honneur, à moi, qui suis son gouverneur depuis l'âge de quatre ans ; ainsi donc, mes bons amis, apportez une chaise, que je descende un peu de cette mule-ci sans me casser le cou ; la bête est tant soit peu rétive, et je ne serais pas fâché de boire encore une gorgée avant d'entrer. LE CHOEUR Buvez, maître Blazius, et reprenez vos esprits. Nous avons vu naître le petit Perdican, et il n'était pas besoin, du moment qu'il arrive, de nous en dire si long. Puissions-nous retrouver l'enfant dans le cœur de l'homme. MAITRE BLAZIUS Ma foi, l'écuelle est vide ; je ne croyais pas avoir tout bu. Adieu ; j'ai préparé, en trottant sur la route, deux ou trois phrases sans prétention qui plairont à monseigneur ; je vais tirer la cloche. Il sort. LE CHOEUR Durement cahotée sur son âne essoufflé, dame Pluche gravit la colline ; son écuyer transi gourdine à tour de bras le pauvre animal, qui hoche la tête, un chardon entre les dents. Ses longues jambes maigres trépignent de colère, tandis que, de ses mains osseuses, elle égratigne son chapelet. Bonjour donc, dame Pluche, vous arrivez comme la fièvre, avec le vent qui fait jaunir les bois. DAME PLUCHE Un verre d'eau, canaille que vous êtes ! un verre d'eau et un peu de vinaigre ! LE CHOEUR D'où venez-vous, Pluche, ma mie ? vos faux cheveux sont couverts de poussière ; voilà un toupet de gâté, et votre chaste robe est retroussée jusqu'à vos vénérables jarretières. DAME PLUCHE Sachez, manants, que la belle Camille, la nièce de votre maître, arrive 2 Musset – On ne badine pas avec l’Amour – Acte I, scène 1 aujourd'hui au château. Elle a quitté le couvent sur l'ordre exprès de monseigneur, pour venir en son temps et lieu recueillir, comme faire se doit, le bon bien qu'elle a de sa mère. Son éducation, Dieu merci, est terminée ; et ceux qui la verront auront la joie de respirer une glorieuse fleur de sagesse et de dévotion. Jamais il n'y a rien eu de si pur, de si ange, de si agneau et de si colombe que cette chère nonnain, que le Seigneur Dieu du ciel la conduise ! Ainsi soit-il. Rangez-vous, canaille ; il me semble que j'ai les jambes enflées. LE CHOEUR Défripez-vous, honnête Pluche, et quand vous prierez Dieu, demandez de la pluie ; nos blés sont secs comme vos tibias. DAME PLUCHE Vous m'avez apporté de l'eau dans une écuelle qui sent la cuisine ; donnez-moi la main pour descendre ; vous êtes des butors et des malappris. Elle sort. LE CHOEUR Mettons nos habits du dimanche, et attendons que le baron nous fasse appeler. Ou je me trompe fort, ou quelque joyeuse bombance est dans l'air d'aujourd'hui. Ils sortent. 3 Musset – On ne badine pas avec l’Amour – Acte I, scène 1 PLAN « On ne badine pas avec l’amour », Alfred de Musset, Acte I scène 1 I – Une scène d’exposition qui semble répondre à certaines des attentes du spectateur et remplit les fonctions espérées Importance de la scène d’exposition : doit renseigner sur le lieu, le temps, les personnages, l’intrigue. A – Le lieu et le temps - Didascalie : « devant le château » : lieu lié à la noblesse - Vocabulaire de la campagne : « bluets fleuris » (l. 2) = champs, « au temps des vendanges » (l. 6) = vignes - Epoque Ancien Régime : titres nobiliaires «notre Seigneur» (l14), «M. le Baron» (l25). - Epoque confuse : lexique médiéval : « nonnain » (l 61), le titre de « Dame » Pluche B – Les personnages - Le chœur : un groupe de paysans « manants » (l 54) - Maître Blazius : précepteur de Perdican - Perdican : élève de Blazius, fils du Baron, jeune noble, a une vingtaine d’années « vient d’atteindre sa majorité » (l 15), cultivé, a fait des études « docteur » de Paris (l 16), charmant, jeune homme idéal - Dame Pluche : gouvernante de Camille, apparence pleine de sécheresse, humeur désagréable : traite le chœur de « manants » (l 34), de « canailles », « malappris » et de « butors » (l 69). - Camille : belle, nièce du Baron, éducation très religieuse, bien éduquée, très croyante : pleine de « dévotion » C – L ’intrigue - Scène d’exposition : suggère actions sans les révéler, laisse spectateur dans l’attente - Suppositions : action va commencer avec la rencontre des deux jeunes gens, union envisageable - Portraits faits des 2 jeunes : faits l’un pour l’autre - Opposition portraits Dame Pluche et Blazius : va-t-on la retrouver chez Camille et Perdican ? II –Une scène d’exposition originale qui désarçonne le spectateur : s’agit-il d’une comédie ? A – Les éléments propres à la comédie - Personnages burlesques, termes comiques, familiers, vulgaires 1. Comique de situation - Scène sur un diptyque : Blazius sur une « mule fringante », pleine d’énergie, Dame Pluche sur un âne « essoufflé », épuisé 4 Musset – On ne badine pas avec l’Amour – Acte I, scène 1 - répartition des répliques : l 1 à 39 : arrivée de Blazius – 6 répliques chœur + Blazius, l 40 à 67 : arrivée de D Pluche – 6 répliques chœur + D Pluche 2. Comique de caractère - Blazius comique : embonpoint « ventre rebondi », se « ballotte », « triple menton », ivrogne « je ne croyais pas avoir tout bu », rappelle phonétiquement dieu du vin Bacchus/Blazius, traits de caractère d’un personnage jovial, heureux = caractéristique comédie - D Pluche elle aussi comique, ridicule, opposée de Blazius : maigre, apparence pas attirante ni sympathique «longues jambes maigres», «mains osseuses» (contraste avec Blazius), aspect négligé : «cheveux couverts de poussière», «toupet gâté», habillement ridicule : robe retroussée jusqu’à ses «jarretières» (ridicule pour elle), utilisation de 2 langages : langage pieux/langage vulgaire «couvent», «nonnain» , «que le Seigneur Dieu du ciel la conduise : ainsi soi-il !» / «manants», «canailles», «butors et malappris» (champ lexical de la religion/champ lexical de l’insulte) - Juxtaposition de deux personnages aussi différents : comique 3. Comique de mots ou de langage - Blazius comparé à un «poupon» dont la tête «ballotte sur l’oreiller», à une «amphore antique» (forme qui ressemble au ventre arrondi de Blazius, récipient conservant le vin = ivrognerie de Blazius) - D Pluche comparée uploads/Litterature/ acte-i-scene-1.pdf
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- Publié le Oct 28, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
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