L'onction du Christ ETUDE DE. THEOLOGIE BIBLIQUE « Dieu l'a oint de l'Esprit Sa
L'onction du Christ ETUDE DE. THEOLOGIE BIBLIQUE « Dieu l'a oint de l'Esprit Saint et de puissance » {Act-, X, 38). A deux titres différents, le Nouveau Testament nous invite à par- ler d'une onction du Christ. Certains textes disent formellement qu'il a été oint par Dieu ou par l'Esprit Saint, et le nom même de « Christ » signifie étymologiquement « oint ». Aussi comprend-on qu'on ait très souvent rattaché à ce nom la triple onction que Jésus a reçue comme roi, prêtre et prophète. Rappelons d'abord les données bibliques qui forment l'arrière^ fond indispensable pour cette étude. L'Ancien Testament connaît différents types d'onctions1. Ce rite, d'abord appliqué au roi, lui conférait un caractère sacré. C'est pourquoi on l'appelait l'Oint de Yahvé (7 Sam., XXIV, 7; XXVI, 9, 11, 23; I I Sam.,1, 14, 16; XIX, 22). Le grand- prêtre, lui aussi, recevait l'onction; plus tard, ce privilège fut même étendu, semble-t-il, à tous les prêtres {Ex., XXX, 30; XXVIII, 41; XL, 15; Lév., VII, 36; X, 7; Nomb., III, 3). Enfin il est question une seule fois de l'onction d'un prophète, quand Elle reçoit l'ordre d'oindre Elisée (/ Rois, XIX, 16). Mais le terme «oindre» est ame- né ici par le parallélisme avec l'ordre d'oindre Hazael comme roi d'Aram et Jéhu comme roi d'Israël3- Cette onction d'Elisée doit se comprendre au sens métaphorique : quand sa vocation est racontée un peu plus loin, il est simplement dit qu'Elie jeta sur lui son manteau et lui communiqua son esprit. Nulle part dans la Bible il n'est ques- tion d'une onction matérielle lors de la vocation d'un prophète. Si par- fois les termes « oints » et « prophètes » sont mis en parallèles (/ Chron., XVI, 22; PS. CV, 15), c'est uniquement à cause de la mission 1 . Voir D. Lys, L'onction dans la Bible, dans Etudes théol. et reîig., 1954/3, p. 3-54; iâ-, art. Onction, dans Vocabulaire biblique, Neuchâtel, 1954, p. 211-212- 2. R. de Vaux, Le livre des Rois, dans la Bible de Jérusalem, note in h.l. 226 I. DE Î.A POTTERIE, S. J. spéciale des prophètes, pour indiquer qu'ils ont reçu l'esprit prophé- tique, qui leur permettra de parler avec force au nom de Dieu. Mais l'Ancien Testament utilise encore le thème de l'onction, dans une perspective messianique. Le psaume II parle de la conspiration des rois de la terre «contre Yahvé et son Oint» (v.2). Ici, comme au PS. XLV (v. 8), l'Oint désigne le roi des temps messianiques, mais il n'est pas question de l'onction elle-même par laquelle il sera consacré roi. Le judaïsme prit de plus en plus l'habitude de donner au futur libérateur d'Israël le nom de Messie (= Oint), ou encore de Roi- Messie, de Roi, de Roi d'Israël, de Roi des Juifs3. Le terme «oint» était devenu un titre pour désigner l'Oint par excellence. Dans le Nouveau Testament, certains textes parlent explicitement d'une onction reçue par Jésus. Mais en quel sens? Ces dernières an- nées, on a souvent parlé de ce thème : théologiquement, on distingue volontiers une double onction du Christ, l'une au moment de l'Incar- nation, l'autre au baptême. Parfois même, on présente ces deux onc- tions comme étant tout à la fois royales, sacerdotales et prophétiques. Nous voudrions voir d'un peu plus près ce que le Nouveau Testa- ment lui-même nous enseigne à ce sujet. Distingue-t-il déjà plus d'une onction? Présente-t-il l'onction du Christ comme royale, sacerdotale ou prophétique? Et a-t-il déjà établi une connexion entre cette onc- tion et le nom même XOIOTÔÇ (== Oint) ? Sur ces points importants, on ne peut que gagner à mettre bien en lumière la pensée des auteurs inspirés. I. L'ONCTION DE JESUS AU BAPTEME Dans tout le Nouveau Testament, quatre passages seulement * nous parlent d'une onction du Christ qui ne soit pas à comprendre au sens matériel : Le, IV, 18; Act., IV, 27; X, 38; Hébr., ï, 9. Les trois premiers s'éclairent l'un l'autre, car, comme on va le voir, ils se réfè- rent tous les trois à l'onction du Christ au baptême. 1. Un détail frappe de prime abord : ces trois passages sont de 3. J. 'Bonsirven, Le Judaïsme palestinien au temps de Jésus-Christ, I, Pa- ris, 1934, p. 360-361; S t r a c k - B i l l e r b e c k , Kommentar sum Neuen Testa- ment aws Talmud und Midrash, I, 2° éd., Munich, 1956, p. 6-11. 4. Nous ne parferons pas de l'onction chez le Pharisien (Le, VII, 36-50) ni de l'onction de Béthanie (Mt., XXVI, 6-13; Me, XIV, 3-9; Joh.; XII, 1-11). Ces onctions matérielles sont d'ailleurs désignées par des verbes différents : [WeiÇsiv (Me, XIV, 8) ou oAeïcpsiV (Le, VII, 38, 46; 3 oh., XI, 2; XII, 3). Par contre, quand il s'agit de ce que D. Lys a heureusement appelé < Fonction-consécration », on trouve chaque fois le verbe Xpîtù. Qu'il s'agisse du Christ (cfr infra) ou des chrétiens (II Cor., î, 21), ce verbe a toujours un sens métaphorique dans le N.T.; il en va de même pour !e substantif XOÎcr)Aa (/ Joh., II, 20, 27). L'ONCTION DU CHRIST 227 Luc. Rappelons-nous l'orientation générale de sa théologie, car il est probable qu'à un moment important comme l'inauguration de la vie publique, Luc mettra en un relief tout particulier l'aspect du minis- tère de Jésus sur lequel il veut attirer l'attention. Or. comme plu- sieurs auteurs l'ont montré5, si saint Matthieu montre Jésus avant tout comme un nouveau Moise, comme le législateur de la loi nouvelle, le troisième évangile représente plutôt le Christ comme prophète. Plus souvent que dans les autres évangiles, Jésus y reçoit ce titre de pro- phète (IV, 24; VII, 16, 39; IX, 19; XIII, 33). Différents traits des anciens prophètes lui sont appliqués- Les disciples d'Emmaùs (Le, XIV, 19) voient en lui « un prophète puissant en œuvres et en pa- roles », désignation qui dans les Actes (VII, 22) est employée pour Moïse, comme figure de Jésus. Mais 'Luc insiste surtout sur le rapprochement entre Jésus et Elie. Suivant une remarque judicieuse de L. Vaganay6, il, conserve tous ces passages de Marc qui parlent d'Elie sans présenter Jean-Baptiste sous ses traits (Le, IX, 7-8, 18-19, 30-33), mais évite de reprendre les textes où le Baptiste lui est identifié (Mt., III, 4 = Me, I, 6, sur le vêtement du Précurseur; Mt., XI, 12-14; Mt., XVII, 10-13 = Me, IX, 13). Car, pour Luc, c'est le ministère de Jésus lui-même qui reproduit les traits majeurs de la mission du Thesbite, Plusieurs pas- sages du troisième évangile attestent une dépendance littéraire par rapport au récit du Livre des Rois. La résurrection du fils de la veuve de Naîm, rapportée par Luc seul (VII, 11-17), est décrite en fonc- tion de ï Rois, XVII, 8-24, où Elie rappelle à la vie le fils de la veuve de Sarepta. A la suite de ce miracle de Jésus, les assistants s'écrient : « Un grand prophète a surgi parmi nous et Dieu a visité son peuple » (Le, VII, 16). Il est remarquable que toutes les mentions explicites d'Elie pour Ïa vie publique T sont groupées dans les chapitres IV et IX (Le, IV, 25-26; IX, 8, 19, 30, 33, et une variante en IX, 54). Il faut se rappe- ler que le chapitre IX forme la grande charnière centrale de l'évan- gile : c'est là que Jésus, après la Transfiguration (IX, 28-36) enca- drée de deux annonces de la passion (IX, 22 et 44), entreprend son grand voyage, qui doit le conduire à Jérusalem (IX, 51). Pendant la Transfiguration, Moïse et Elie sont aux côtés de Jésus, et Luc seul (IX, 31) mentionne qu'ils «parlaient de son 'exode' qu'il allait,ac- 5. P. Dabeck, < Siehe, es erschîenen Moses und Elias» (Mt., XVII, 3), dans Bïbî., 23(1942), p. 175-189; J. Daniélou, Le Christ prophète, dans La Vie Spirituelle, 78(1948), p.'154-170; G. W. H. Lampe, Thé Hoîy Spirit m thé Wriîings of St. Luke, dans Studies m thé Gospels, éd. D. E. N i n e h a m, Ox- ford, 1955, p. 159-200; F. G il s, Jésus Prophète d'après les évangiles synopti- ques (Orient, et bibl. lovan., 2), Louvain, 1957, p, 26-27. 6. L. Vaganay, La question synoptique, Paris, 1952, p. 356; comp. F. Gils, o.c., p. 26-27. 7. Pour l'évangile de l'en-fance, cfr Le, I, 17, où il est dit que le Précurseur possédera «l'esprit et la puissance d'Elie». 228 I. DE LA POTTERIE, S. J. complir à Jérusalem». Le verset central IX, 51 est très significatif : il parle de l'approche du temps où Jésus devait être enlevé. Le sub- stantif uvd?;n[i"»piç, hapax de la Bible grecque et du Nouveau Testa- ment, est un terme technique de la littérature juive pour désigner l'enlèvement au ciel d'un homme de Dieua. C'est par le verbe âva^aufîdvgiv (au passif) que les LXX mentionnent l'enlèvement d'Elie (// Rois, II, 11; 7 Macch., II, 58; Sir., XLVIII, 9; comp. XLIX, 14 pour l'enlèvement d'Hénoch) et uploads/Litterature/ 1956-l-x27-onction-du-christ-etude-de-theologie-biblique.pdf
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- Publié le Sep 25, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
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