1994.02 Management et gestion de projet : une étude des mutations en cours. Vin
1994.02 Management et gestion de projet : une étude des mutations en cours. Vincent Giard * et Christophe Midler ** * Professeur à l’ IAE de Paris ** Directeur de recherches au CRG (Centre de Recherche en Gestion - Ecole Polytechnique et CNRS) Résumé : Une analyse comparative, menée du double point de vue du projet et de l’entre- prise, permet de mettre en évidence quelques tendances (crise du modèle “standard”, extension à l’industrie de masse) et de proposer quelques grilles d’analyse (fondées sur la place économique du projet dans l’entreprise, sur la place du projet dans l’organisation, sur la place du client par rapport au projet) qui expliquent largement les convergences et divergences observées dans le pilotage temporel et économique des projets. Mots-clés : Management de projet, gestion de projet. Abstract : A comparative study, led from the double point of view of project and firm, emphasizes some new trends (crisis of the “standard” model, extension to mass production) and has suggested some analysis grids (based on the economic place of the project in the firm, on the project place in the organization, on the customer place in the project) that largely explain the observed differences and convergences in time and economic monitoring. Key-words : Project management, Project control. Cet article présente quelques conclusions d’un travail collectif de 3 ans qui vient d’être publié 1 par un groupe d’industriels et de chercheurs qui ont analysé une dizaine de projets d’entreprises appartenant à différents secteurs, choisis parce qu’ils ont semblé constituer des cas exemplaires des tendances actuelles, et ce avec la participation directe des responsables de ces projets. Les conclusions de ce travail collectif animé par les auteurs de cet article ont été présentées à la 9° convention de l’AFITEP 2 ; ce texte a été publié dans la lettre trimestrielle de l’ENSPTT [5] et est reproduit avec son accord. L’AFITEP-AFNOR définit un projet comme “ une démarche spécifique qui permet de structurer méthodiquement et progressivement une réalité à venir ” et ajoute qu’“ un projet est défini et mis en oeuvre pour répondre au besoin d’un client (...) et implique un objectif et des besoins à entreprendre avec des ressources données ” (voir [1]). Le projet revêt donc deux formes : c’est un processus qui débouche sur un résultat que l’on appelle encore projet 3 et qui se caractérise à la fois par un ensemble de spéci- fications techniques, par un délai de réalisation et par un budget ; la définition du projet et de son suivi doit prendre en compte simultanément ces trois dimensions. Il n’est guère aujourd’hui de secteur industriel qui ne revendique de mettre en oeuvre des principes de gestion de projet, ou au moins d’être sur le point de le faire. Au delà du constat du phénomène de “mode managériale” facilement repérable, le groupe s’est interrogé sur le caractère durable de cet engouement. Cette étude a permis, au travers des cas, de repérer certaines formes typiques de gestion de projet, d’identifier certains problèmes et tendances, de tester l’intérêt de grilles d’analyse en les mettant à l’épreuve de la description de cas réels. Des éléments d’explication de la grande diversité des approches et outils utilisés permettent de 1. ECOSIP, sous la direction de Vincent Giard et Christophe Midler, Pilotages de projet et entreprises - diversités et convergences , Economica, novembre 1993. Le groupe ECOSIP avait déjà publié, en 1990, un ouvrage [3] faisant le point sur les nouvelles approches de contrôle de gestion et d’évaluation des performances. 2. Association Française des Ingénieurs et Techniciens d’Estimation, de Planification et de Projet. 3. Pour une présentation des principales techniques de gestion de projet, voir Giard, [4] . IAE de Paris (Université Paris 1 • Panthéon - Sorbonne ) - GREGOR - 1994.02 - 2 mieux saisir à quel point il est réducteur et dangereux de considérer le management et la gestion de projet comme une approche monolithique et transposable partout : si les composants de base sont communs (certains n’étant pas spécifiques à la gestion de projet), la pertinence des mécanos utilisés est avant tout une affaire de dosage judicieux. Avant de justifier cette affirma- tion, deux tendances profondes méritent d’être soulignées : - tout d’abord, le “modèle standard” de la gestion de projet semble en crise et l’on voit surgir de nouvelles pratiques de gestion de projet, mettant plus l’accent sur la respons- abilité et l’autonomie des individus à la base que sur la centralisation du contrôle et le respect de l’exécution de règles et de procédures standards ; - ensuite, on assiste à un développement massif de pratiques de gestion par projet dans des secteurs où elle était inconnue, en particulier dans l’industrie de masse, ce qui semble lié à l’apparition d’un nouveau modèle de concurrence, privilégiant rapidité de développe- ment et flexibilité. Introduire la notion de projet dans les entreprises, ce n’est pas uniquement introduire de nouveaux canaux de communication ou de décision, c’est essayer d’associer deux principes de coordination très différents. L’étude des mutations en cours a donc été conduite du double point de vue du projet et des entreprises. Une seconde grille de lecture a été combinée à la précédente dans cette étude, elle consiste à bien dissocier le cadre organisationnel de l’instrumentation des projets. Cet article se focalise plus particulièrement sur ce second aspect de l’étude, parce qu’il se prête plus facilement que le premier à une présentation succincte. On peut simplement indiquer que les démarches actuelles en matière de projet sont indissociables d’une évolution plus générale des entreprises vers des modèles d’organisation plus horizontaux. 1 Quelques grilles de lecture de la diversité des projets 1-1 La place économique du projet dans l’entreprise Un premier facteur d’explication est la place économique du projet dans l’entreprise (ou dans les entreprises qui y participent), ce qui a conduit à proposer la typologie illustrée par la figure suivante. Le type A correspond à une configuration où une entreprise dominante, pouvant mobiliser d’autres entreprises, est impliquée dans quelques très “gros” projets vitaux pour sa survie (lesquels feront l’objet d’une décomposition en sous-projets). C’est typiquement le cas de l’industrie automobile 1 . Les régulations en place dans l’entreprise vont alors structurer de manière forte l’organisation du projet. Le problème clé est la question de l’autonomie et de la spécificité de l’organisation du projet par rapport à ces régulations. Avec le type B , c’est le projet qui est au centre de la régulation : c’est l’identité la plus forte, dotée d’une personnalité juridique et financière. Les entreprises impliquées rendent compte à la Direction générale du projet alors que, dans la configuration précédente, c’est plutôt le projet qui rend compte à la Direction Générale de l’entreprise dominante. Les entreprises et les acteurs que le projet coordonne n’ont pas l’habitude de travailler ensemble. Le grand projet unitaire est 1. Pour une analyse des nouvelles démarches de gestion de projet dans l’automobile, voir Midler, [6] . Type A Type B Type C LÉGENDE Entreprise Projet IAE de Paris (Université Paris 1 • Panthéon - Sorbonne ) - GREGOR - 1994.02 - 3 l’occasion, parfois unique, de cette coopération. C’est dans ce second type que le formalisme classique de l’ingénierie est le plus prégnant : aucune organisation ni culture d’entreprise ne s’imposant aux autres, toutes doivent adopter les “spécifications managériales” du projet pour pouvoir se coordonner correctement. Le secteur du bâtiment se rapproche aussi de ce modèle pour les opérations importantes, même s’il offre une variante, autour d’un double projet : l’étude en amont et le chantier en aval. Dans le type C , qui peut être illustré par le cas de la pharmacie, on a affaire à une entreprise qui gère un nombre élevé de “petits” projets, relativement indépendants les uns des autres, et dont aucun ne met en cause, à lui seul, sa pérennité. Dans ce cas, les projets s’inscrivent dans les procédures en usage dans l’entreprise, l’autonomie du projet est plus réduite que dans le premier type. Il n’a pas forcément d’organisation spécifique, la fonction de chef de projet pouvant se cumuler avec une autre. 1-2 La place du projet dans l’organisation de l’entreprise Le groupe a utilisé une typologie de Clark, Hayes et Wheelwright qui ont proposé 4 config- urations typiques différentes de la situation de l’acteur-projet par rapport aux acteurs-métiers. Bien évidemment, plusieurs de ces structures peuvent coexister dans une même entreprise. Ces différentes structures sont illustrées dans le schéma ci-dessous. Dans le projet en struc- ture fonctionnelle, aucun individu n’a la responsabilité du processus global ; ce sont les respon- sables hiérarchiques métiers qui assurent l’allocation et la coordination des différentes ressources mobilisées dans le projet. Le “coordinateur de projet” (“lightweight project manager”) est un acteur responsable de la coordination des activités qui n’a pas d’accès direct aux acteurs métiers intervenant sur le projet. Il consolide les informations fournies par les hiérarchies métiers ou, parfois, des correspondants chargés d’assurer la coordination des acteurs impliqués sur un même projet au sein de chaque métier (notion de “chef de projet-métier”). Son rôle est d’animer des instances de uploads/Ingenierie_Lourd/ management-et-gestion-de-projet 1 .pdf
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- Publié le Nov 21, 2021
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