l’actualité chimique - mai 2004 - n° 275 Sécurité et environnement 33 Le rempla
l’actualité chimique - mai 2004 - n° 275 Sécurité et environnement 33 Le remplacement du mélange sulfochromique Brigitte Diers et Frédérique Mazé-Coradin Le mélange sulfochromique (K2Cr2O7, Na2Cr2O7… dans H2SO4 concentré [1]) est encore régulièrement utilisé dans nos laboratoires pour nettoyer la verrerie. Ce mélange, d’une efficacité remarquable contre les résidus tenaces, se révèle être très corrosif et surtout très toxique (les sels de chrome VI sont classés cancérogènes catégories 1 et 2 pour l’Homme par l’Union européenne [2]) et dangereux pour l’environnement (en particulier pour les organismes aquati- ques) [3]. Ce mélange ne doit plus être utilisé au laboratoire. Cet article propose différentes solutions pour le remplacer : ces méthodes sont tout aussi efficaces et évitent l’emploi de produits génotoxiques comme les sels de chrome hexavalents. Parmi celles-ci, l’emploi de solutions commerciales de détergents [4] tels que TFD4 (de Franklab), RBS (VWR International), DECON 90 (Decon Laboratories, revendu par Poly-Labo) contenant des agents tensioactifs comme les alkylbenzènesulfonates, permet de débarrasser la verrerie des impuretés. Ces détergents ont à l’état concentré un caractère fortement alcalin et corrosif et ils sont irritants pour la peau, même après leur dilution (voir tableau I). De plus, ils ont un effet dégraissant sur la peau saine. Ils peuvent également provoquer des dermites de contact et exercer, en cas d’exposition réitérée, une action sensibilisante (allergie). Quelle que soit la forme employée (poudre ou solution), il est nécessaire de porter une blouse, des gants et des lunettes de sécurité. Des solutions détergentes [5] (exemple TFD4) sont également disponibles pour le nettoyage dans les bains à ultrasons. Cet appareillage permet un lavage complet et une décontamination de la verrerie de laboratoire en peu de temps. Les cuves à ultrasons sont de diverses tailles, ce qui permet un nettoyage adapté de la verrerie volumineuse [6]. Il existe d’autres alternatives à l’emploi du mélange sulfochromique. Notamment, des solutions d’acides forts tels que l’acide nitrique à 50 % [7] dans l’eau ou de bases fortes telles que la potasse dans l’éthanol (C = 1,7 M) [8] peuvent être utilisées. Ces solutions sont très corrosives, même diluées [9] et peuvent provoquer des brûlures graves (yeux et peau). Dans ce cas, les moyens de protection sont le port de la blouse, des lunettes de sécurité et des gants adaptés. Le nettoyage de la verrerie doit être effectué sous la hotte, ainsi que le stockage des solutions. Les bains de potasse permettent d’enlever facilement les résidus de graisse de silicone, mais une immersion prolongée du matériel conduit à une attaque du verre. Plus simplement, un lavage rapide au dichlorométhane (CH2Cl2) ou au n-heptane permet d’éliminer les résidus de graisse des rodages de la verrerie. Cependant, il ne faut pas oublier le pouvoir nocif du solvant chloré et donc se protéger en conséquence [10]. D’autres mélanges peuvent également être préparés : - Le mélange de peroxydisulfate de diammonium (ou persulfate d’ammonium) et de H2SO4 [11] concentré. Le persulfate [12] est un peroxyde, peu stable, explosif par chauffage, choc et friction, libérant des oxydes de soufre, irritants et corrosifs. Par ailleurs, l’acide concentré présent dans le mélange est corrosif. Cette solution est toutefois plus Tableau I - Quelques caractéristiques de détergents utilisés en laboratoire. a : VWR International, 201 rue Carnot, 94126 Fontenay-sous-Bois Cedex. Tél. : 01 45 14 85 00. b : Poly-Labo, 10 rue de la Durance, BP 36-Parc, 67023 Strasbourg. Tél. : 03 88 65 80 20. c : Franklab SA, 41 avenue du Manet, 78180 Montigny-le-Bretonneux. Tél. : 01 39 44 93 40. d : Vasse Industries, Zone Industrielle Verte, BP 74, 59175 Templemars. Tél. : 03 17 45 23 20. Nom commercial Composition Dilution d’emploi Phrases de risques Phrases de conseils de prudence DECON 90 (VWR internationala) d. anioniques + non ioniques, soude < 3 %, adjuvants (pH 13) 2 % Xi, irritant R 36/38 S 24/25/26 RBS 35 (Poly-Labob) d. anioniques + non ioniques, soude < 0,9 %, chlore actif < 0,3 % adjuvants (pH 13) 2 % Xi, irritant R 36/38 S 26-37/39 TFD 4 (Franklabc) d. anioniques + non ioniques, potasse < 5 %, adjuvants (pH 13,5) 2 - 5 % C, corrosif R 34 S 26-37/39 ALCONOX (Vasse Industriesd) d. anioniques (pH 9,5) 1 % Irritant pour les muqueuses et les yeux 34 l’actualité chimique - mai 2004 - n° 275 Sécurité et environnement stable que le mélange « Piranha » (H2O2/H2SO4 : 1/4 ou 5) qui devient très explosif avec l’évaporation de l’acide [13]. Il existe dans le commerce des solutions stabilisées de mélange de sels de persulfate comme le « NoChromix » [14-15] (Godax Laboratories), comportant moins de risque pour l’utilisateur et son environnement. - L’eau régale (HCl/HNO3 : 2/1 en volume), utilisée en chimie minérale ou dans l’industrie de traitement des surfaces. Cette solution dissout les métaux nobles et précieux, mais elle est très agressive. Un tel mélange est capable de réagir avec des composés organiques résiduels de la verrerie, ou des composés plus inattendus tels que le papier essuie-tout ou le bois, pour former des substances nitrées très instables et explosives comme le nitrométhane, ou la nitrocellulose. Le mélange libère des vapeurs toxiques de chlorure de nitrosyle (NOCl) toxique. La préparation et l’utilisation de ce mélange doivent se faire exclusivement sous sorbonne. Les produits de remplacement ne sont pas exempts de risques, mais évitent la manipulation et la dispersion d’un produit fortement génotoxique. Ils doivent être utilisés avec les protections individuelles adaptées. Certains d’entre eux sont, à l’état de poudre, des irritants puissants des yeux, de la peau et des voies respiratoires (ex : NoChromix, Alconox). Avant tout nettoyage de verrerie, il convient donc de lire attentivement les précautions d’emploi et la fiche de données de sécurité, de faire des essais préliminaires sur de petites quantités de solution de lavage pour ne retenir que la solution de remplacement qui allie efficacité et sécurité. Il faut également considérer qu’on ne gagne pas à utiliser des concentrations de produits dépassant les spécifications d’emploi données par le fournisseur et qu’il ne faut pas mélanger des détergents de familles différentes sous peine de réduire leur efficacité et de créer de nouveaux risques. Remerciements Les auteurs remercient Michel Boisset, chargé de mis- sion risque chimique à l’Inserm, pour ses conseils d’expert. Note Cet article a été initialement publié dans la Lettre des Sciences Chimiques n° 80 du CNRS en septembre 2003. Références [1] http://www.faqs.org/faqs/sci/chem-faq/part4/section-1.html [2] http://ecb.jrc.it/classification-labelling/, onglet « search classlab ». [3] Banque de données, HSDB, n° 1238, n° 6769, mai 2001 ; Banque de données, ChemInfo, n° 3383, n° 3361, mai 2001 ; Base de données EINECS, n° CE 215-607-8, 231-906-6 et 234-190-3 ; Fiche de données de sécurité Merck. [4] Dossier de prévention n° 1 « Remplacement du mélange sulfochromi- que », Inserm, janvier 1988. [5] Fiche de sécurité des détergents http://www.labomoderne.com/Fiches/ suivi de tickoR33.HTM, ou tickoR27.HTM, ou stamR.HTM, ou stam23.HTM, ou tickoRW77.HTM, ou tickoTR23.HTM. [6] Hancock J., Blue Wave Ultrasonics, vol. 5 : Surface Engineering, 1999. http://www.bluewaveinc.com/reprint.htm [7] Banque de données, HSDB, n° 1665, mai 2001 ; Banque de données, ChemInfo, n° 292, mai 2001. [8] http://yarchive.net/chem/chromate_cleaner.html ; Fiche toxicologique INRS n° 35. [9] Bretherick’s Handbook of Reactive Chemical Hazards, 5th ed., 1995, vol. 1, p. 1463. [10] Fiche toxicologique INRS n° 34. [11] Banque de données, HSDB, n° 1811, février 2001 ; Banque de données, ChemInfo, n° 122, mai 2001. [12] Banque de données, ChemInfo, n° 3351, février 2001 ; Base de données EINECS, n° CE 231-786-5. [13] CNF Laboratory Usage and Safety Manual, 8th ed., 2001, p. 31 ; Dobbs D.A., Bergman R.G., Theopold K.H., Chem. Eng. News, 1990, 68 (33), p. 2. [14] http://www.medicine.uiowa.edu/biochemstores/Pages/msdsnochromix.htm [15] http://www.ucalgary.ca/~ucsafety/waste/wasteproc.htm#alternatives Séparation par chromatographie. Flash d’un mélange de tétrathiafulvalènes (chimie moléculaire à l’Institut des Matériaux de Nantes). Photo : Claude Delhaye, © CNRS Photothèque. Brigitte Diers est directrice de l’Unité de prévention du risque chimique au CNRS* et chargée de mission hygiène et sécurité au Départe- ment des sciences chimiques du CNRS. Frédérique Mazé-Coradin est docteur en chimie organique et ingé- nieur d’étude au CNRS. Elle est spécia- liste du risque physico-chimique dans l’Unité de prévention du risque chimique*. * Unité de prévention du risque chimique, CNRS-Bât. 11, Avenue de la Terrasse, 91198 Gif-sur-Yvette Cedex. Tél. : 01 69 82 32 67 (secr.). Fax : 01 69 82 33 35. Courriels : brigitte.diers@cnrs-dir.fr frederique.maze-coradin@icsn.cnrs-gif.fr B. Diers F. Mazé- Coradin uploads/Industriel/ 2004-275-mai-diers-p-33.pdf
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- Publié le Oct 26, 2021
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