Colloque international – Pitesti – 5 et 6 décembre 2009. JEUDY Aymeric – Univer

Colloque international – Pitesti – 5 et 6 décembre 2009. JEUDY Aymeric – Université Nancy2 Dracula – image, mythe, mystification Vlad Tepes, une icône au destin volé ? Naissance d’un mythe qui devint réalité Etudier l’histoire, l’histoire des civilisations européennes, c’est s’intéresser aux grandes figures comme aux petites, et aux mythes qui en découlent, aux stéréotypes, aux images que les sociétés produisent sur leurs voisins, sur eux-mêmes. L’image de la Roumanie en France fait l’objet de notre intérêt. Nous nous interrogeons, perplexe parfois, devant les clichés et les stéréotypes qu’on lui afflige. La Roumanie souffre d’une image souvent calomnieuse et irréelle auprès de ses voisins européens. Heureusement les choses changent et les a priori sont peu à peu bousculés, repensés. Cependant ces représentations ne sont pas à montrer du doigt, elles représentent des images, parfois dangereuses certes, mais elles sont présentes dans les mémoires, le quotidien. Elles sont le fruit de processus qui se trouvent au carrefour de la sociologie, de la philosophie, de l’histoire culturelle. Evoquer un fait médiéval à la lumière de notre monde contemporain, c’est s’intéresser au traitement qu’il a subit pour arriver jusqu’à nous, c’est rappeler un fait qui aujourd’hui n’a plus grand-chose à voir avec son aspect originel. Point de convergence de notre intérêt pour l’histoire culturelle, les civilisations européennes et la culture roumaine en particulier, notre sujet, à l’aune de la construction européenne, cherche à montrer comment Dracula est-il devenu ce qu’il est aujourd’hui, au cours d’un long processus. J’établirai pour ma part, un contour modeste de cette approche en m’attardant sur le stéréotype qu’il représente aujourd’hui, sur la réalité d’un mythe qui a dépassé la réalité. En France, en Europe et dans le monde, à l’évocation de la Roumanie, on accole tout un nombre d’images, de représentations, de stéréotypes à la Roumanie. Ce phénomène propre à toutes les sociétés en dit long sur les époques et les sociétés qui ont forgé ces images. Le stéréotype, qui renseigne sur l’époque plus que sur le pays qu’il brocarde aujourd’hui nous éclaire sur la méconnaissance à l’égard du voisin. Méconnaissance que l’Union Européenne à pour objectif de combattre, grâce à une politique de promotion de nos pays, de nos images. A l’heure où le processus de construction européenne est un stade avancé, il convient de ne pas fustiger ces stéréotypes mais plutôt de les comprendre, peut être même de les utiliser sous leur meilleur angle afin de forger le « vivre ensemble » européen. Il convient aussi de comprendre comment de telles images on pu apparaitre. Introduction : Evoquer le mythe de Dracula est évidemment très intéressant, c’est remémorer la légende qui est née d’une réalité historique. Le passage de cette réalité au mythe renvoie à cinq siècles d’histoire. Le regard que porte l’homme d’aujourd’hui sur cette icône médiévale est marqué par les images déformées qu’il a pu en recevoir. Dans cette Europe qui se transforme, certains stéréotypes ont la vie dure et finissent même, dans le respect de leur définition, par s’ancrer dans le paysage de manière durable. Bravant les changements culturels, les orientations sociétales, les mentalités. Certains objets évoluent avec ces modifications et traversent le temps. Sont-ils immuables ? Le premier janvier 2009, lors de la présidence Tchèque de l’Union Européenne, et selon la coutume, le pays ayant en charge la présidence de notre Union pour six mois1 David Černý , expose une création au cœur du Conseil Européen. L’artiste a exposé une sculpture représentant de manière satirique les 27 pays européens. Portrait des nations, il dépeint ses voisins en leur attribuant l’image la plus prégnante qui leur colle à la peau. Même si la sculpture a fait débat, nous nous garderons de faire des commentaires et de porter un jugement de valeur sur une œuvre d’art, cependant il est intéressant de voir comment la Roumanie a été représentée. Elle est incarnée par un Dracula. Rien de bien original en ce qui concerne les poncifs européens, beaucoup imaginent encore que la Roumanie est peuplée de vampires. La persistance de cette icône légendaire pose question. Dracula est aujourd’hui une réalité, un mythe, une légende, qui au fil des siècles s’est installée dans l’imaginaire européen. Noyée dans un tissu d’œuvres littéraires, cinématographiques ce mythe a peu à peu gommé l’existence réelle et historique de Vlad Tepes, l’a-t-il tué ? Est-il aujourd’hui un stéréotype fâcheux pour la Roumanie ? Cette image s’enracine dans l’histoire, et représente comme les autres pays européens, une nation par une image. Cette vision simpliste dénuée d’informations renvoie à la complexité de l’Europe, à la difficulté prégnante de connaitre tous nos voisins. Conseil de l'Europe - ENTROPA / AFP - Roumanie - ENTROPA2 1 Cet article a été écrit pendant le processus de ratification du traité de Lisbonne et fait référence à la présidence tournante de l’UE qui prévalait jusqu’alors. 2 ENTROPA est le nom de la statue de l’artiste David Černý. Un cliché vampirique Cet article peut s’articuler autour de la citation « Une idée fausse est un fait vrai » formule que Raymond Aron attribue vraisemblablement à Edgar Faure. Développée par Jean- Noel Jeanneney lors d’un colloque sur les stéréotypes européens3 , cette idée s’impose aujourd’hui comme une des bases de l’histoire culturelle. Le colloque de Jean-Noel Jeanneney pose les jalons d’une réflexion poussée et brillante sur les stéréotypes à l’échelle européenne. La question du stéréotype dans ce cas est évidente, les voisins européens, l’autre en général, collent à la Roumanie le visage de Dracula comme l’autre colle au français le béret et la baguette. Tiré de l’idée qu’on se fait de Vlad tepes et de l’évolution de sa représentation, il passe tantôt d’un sanguinaire barbare, à un héros de roman romantique, il affiche aujourd’hui sa bonhommie autrefois visage de l’horreur, dans toutes les boutiques de souvenirs sur des horloges, des bibelots et autres objets parfois plus cocasses. La question n’est pas de savoir si les stéréotypes sont à éliminer, ils sont propres à chaque société, inhérent à la construction des nations, ils sont indescriptibles, tachons de les rendre profitables. Nous ne porterons pas de jugement sur le bien ou le mal du stéréotype et de l’objet Dracula, il existe c’est un fait, sa représentation évolue, elle peut évoluer dans le bon sens, pourquoi pas ? Ainsi profitons qu’un Dracula, hérité d’une réalité historique moyenâgeuse véhicule, l’histoire de la Transylvanie, de la Roumanie. En effet cette image actuelle de roman à frisson nous renseigne sur la vérité qu’elle déforme, un stéréotype ne flotte pas sur rien et nous pouvons exploiter le cheminement de son parcours à des fins scientifiques moins futiles que la simple vision qu’on s’en fait aujourd’hui. Finalement la figure de Dracula a totalement changé au fil des siècles, tout en conservant la même iconographie. Aujourd’hui la figure de Vlad Tepes n’est donc pas seulement un sujet attaché à la question médiévale, son iconographie du 16ème siècle est utilisée de manière presque surabondante. Sans changer un seul trait on exploite l’iconographie médiévale réelle et vraie à des fins légendaires modernes. Voyons donc si le Dracula mythique a cloué au pilori son cousin historique. 3 Jean-Noël Jeanneney, Une idée fausse est un fait vrai, les stéréotypes nationaux en Europe, Editions Odile Jacob, 2000. Vlad Tepes, de l’icône médiévale au mythe draculeen Nous ne reviendrons pas ici sur l’histoire de Vlad Tepes ou encore sur la création de Bram Stocker, depuis des dizaines d’années, on écrit, on publie et on vend sur le dos de cette histoire. Voïvode du Moyen Age, cruel certes mais reconnu pour sa bravoure et sa valeur politique, Vlad Tepes s’est transformé au cours des siècles en porte parole sanglant d’un monde médiéval sombre et obscur. Des dizaines de films, une bibliographie incommensurable, des colloques, des débats, pourquoi ce prince valaque est il devenu un monstre inoubliable, alors qu’à l’époque les pratiques qu’on lui reproche son monnaie courante, que dans la lutte contre les non catholiques l’église a utilisé des procédés bien pires et que personne ne pourrait dénoncer une barbarie loin d’être terminée aujourd’hui. Parce que de son vivant déjà son histoire à été utilisée, extrapolée à des fins politiques, détournée et enjolivée pour des querelles de pouvoir. Puis au fil des années ce personnage exhumé de l’histoire a servi d’une part à alimenter la mémoire collective roumaine et dans un second temps à alimenter tous les filons de la littérature et de la cinématographie qui touchaient à l’horreur, à la peur, à la science fiction. Ce personnage réel a donné lieu à un mythe, qui s’apparente à une légende pour les quelques traits véritables qu’il conserve. Mais cette création est aujourd’hui un fait vrai. Cette image, Dracula, a aujourd’hui une existence exploitée et reconnue. Dramatiquement assimilé à la vraie histoire dans la majeure partie des cas. Redoutablement assimilé à une image tronquée de la Roumanie. L’apparition des identités nationales avec la naissance de l’état nation a aussi une part d’explication dans l’émergence d’image stéréotypée de héros tel que Dracula. Paradoxe, alors que l’image de Dracula fait place à la réelle image moyenâgeuse de Vlad Tepes, uploads/Histoire/ dracula-colloque-pitesti.pdf

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  • Publié le Mar 11, 2021
  • Catégorie History / Histoire
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