Chapitre 1 : Histoire et mémoires des conflits. Introduction : La mémoire et l'
Chapitre 1 : Histoire et mémoires des conflits. Introduction : La mémoire et l'histoire sont deux notions qui cheminent ensemble mais doivent être distinguées. Elles sont à la fois complémentaires et en tension, réfléchir sur l'usage de l'une ou de l'autre revient à poser la question de la place de l'historien dans la société et le débat public. Les conflits et leur histoire sont gravés dans la mémoire collective des sociétés et dans les mémoires individuelles. Entre récit officiel des gouvernements, poids du contexte politique, volonté d'oubli et mémoires antagonistes des acteurs, le travail de l'historien est essentiel. La Première Guerre mondiale (1914-1918) et la guerre d'Algérie (1954-1962), qui ont fait l'objet d'une multitude de travaux historiques, ont alimenté de nombreux débats dont les enjeux sont à la fois politiques et mémoriels. Comment les conflits et leur histoire s'inscrivent ils dans les mémoires des populations ? I. Les causes de la Première Guerre mondiale : un débat historique et ses implications politiques https://mediaserver.univ-nantes.fr/videos/stanislas-jeannesson-les-origines-de-la-premiere-guerre-mondiale-les-enjeux- dun-debat-historiographique/ Jalon pages 190-191 Doc 1 : Quels différents moments d’interprétation historique des causes de la guerre Gerd Krumeich énonce-t-il ? Krumeich explique d’abord que le débat commence au lendemain de la guerre aussi chez les historiens. Il cite Pierre Renouvin, l’un des plus éminents historiens des relations internationales, qui pointe la responsabilité allemande d’abord mais nuance son propos quelques années plus tard en admettant une responsabilité multilatérale. Il revient ensuite sur le bruit fait par l’ouvrage de Fritz Fischer en 1961, historien allemand cette fois qui, lui, n’hésite pas non seulement à charger l’Allemagne, mais à établir une filiation directe entre la Grande Guerre et le nazisme. Il est vrai qu’entre-temps, la Seconde Guerre mondiale a eu lieu, avec son lot de violences et barbarie et que l’Allemagne des années 1960 est en proie à un véritable sentiment de culpabilité. À ce moment, les causes de la guerre deviennent donc un enjeu mémoriel de grande importance en Allemagne Doc 2 : Comment l’idée d’une volonté guerrière allemande est-elle affirmée dans cette une ? L’idée s’impose par le biais de la caricature et du caractère contradictoire et comique de la scène représentée. L’empereur Guillaume II chevauche un canon et est lui-même bardé d’armes avec, à ses pieds, des barils de poudre à canon. Pour autant, les armes crachent des slogans de paix et lui-même, sous les traits d’un guerrier prêt au combat, semble porter un appel à la paix. D’où le titre du dessin : « Chant de paix, œuvre de guerre » qui ne fait que mettre en mots le propos de l’image : sous des dehors et de beaux discours pacifistes, Guillaume II prépare en réalité son peuple à la guerre et la méfiance est de mise. Doc 3 : Pourquoi le livre de Fischer crée-t-il une polémique en Allemagne ? Dans son livre, Fritz Fischer décrit le chancelier Bethmann Hollweg comme ayant volontairement pris le risque de déclencher une guerre mondiale pour créer un empire allemand étendu sur toute l’Europe centrale. Or, au même moment, un autre ouvrage de l’historien Egmont Zechlin paraît et décrit le chancelier comme un homme de paix. Deux versions s’affrontent alors, l’enjeu est important puisqu'il s’agit de la responsabilité de l’Allemagne dans le déclenchement du conflit et de ses suites dans la mise en place du nazisme. La controverse est donc liée à ces deux interprétations contradictoires. Elle a mobilisé quasiment l’intégralité des historiens allemands, c’est dire son importance. Doc 4 : Comment expliquer l’acceptation enthousiaste par les Allemands de la thèse de Christopher Clark ? Pour Bérénice Zunino, il y a un lien évident entre la chute du mur de Berlin, la redécouverte de la nation et l’enthousiasme pour les thèses de Christopher Clark. En effet, la disparition des deux Allemagnes s’est accompagnée, selon elle, d’une « redécouverte de la nation » et surtout du sentiment de fierté nationale. Cela fait suite à des années de honte, de culpabilité collective et d’acceptation à l’idée d'une responsabilité allemande dans le déclenchement de la guerre, une explication notamment de la montée du nazisme. L’ouvrage de Christopher Clark arrive à ce moment de déculpabilisation collective et conforterait la société allemande dans sa conviction d’avoir été injustement punie et dans sa nécessité de retrouver son orgueil de nation. Tout cela accompagne par ailleurs l’affirmation économique et politique d’une Allemagne réunifiée dans le monde, une affirmation qui nourrit la fierté nationale et le sentiment de reprendre la main sur sa propre histoire. Mise en relation des documents : Etude Critique de documents « Les enjeux politiques des causes de la premières guerres mondiales » (Docs 3 et 4 page 191) Plan : I. La réception des thèses de Renouvin à Fischer en contexte de forte culpabilité allemande. Dès le lendemain de la guerre, l’historien Pierre Renouvin a affirmé la responsabilité de l’Allemagne dans le déclenchement de la guerre mais a nuancé ses propos quelques années plus tard. En 1961, après la Seconde Guerre mondiale, l’historien allemand Fritz Fischer publie un ouvrage qui réinsiste sur la responsabilité allemande, ouvrage qui provoque une forte controverse scientifique et médiatique. Il faut attendre ensuite 2013 et Les somnambules de Christopher Clark pour que cette thèse soit à nouveau revisitée et que soit réaffirmée la responsabilité collective des États européens et notamment celle de la Serbie dans la marche vers la guerre. II. Le succès des Somnambules dans le cadre de la période post-réunification. L’évolution du débat historique sur les causes de la guerre est à mettre en relation avec le rapport entretenu à son passé de la société allemande. En effet, dès les lendemains de la guerre et plus encore après la période nazie, l’Allemagne porte une lourde charge de culpabilité collective qui est favorable à l’acceptation de sa responsabilité dans le déclenchement de la Grande Guerre, d’où l’accueil des thèses favorables de Fritz Fischer. En revanche, en 2013, la situation est très différente : depuis la chute du mur de Berlin (1989) et la réunification (1990), l’Allemagne retrouve une place centrale économiquement et politiquement dans le monde. Ce regain de fierté nationale est, selon Bérénice Zunino, favorable à une déculpabilisation et contribue à expliquer le succès de la thèse défendue par Christopher Clark dans Les somnambules, une thèse qui minore la responsabilité allemande dans les causes de la guerre. Cours : A. L’été 1914 ou le suicide de l’Europe L'attentat de Sarajevo est l'engrenage des alliances nouées entre les membres de la triple Entente (France, Russie, GB) et ceux de la triple Alliance (Allemagne, AH, Italie) ont entraîné l'Europe dans un conflit dans l'ampleur et la longueur n'avait été imaginées par aucun gouvernement. La question des responsabilités dans le déclenchement du conflit se pose dès le début. La guerre s’éternisant, chaque pays belligérant tente de rejeter la faute sur l'ennemi et se présente comme l’agressé. L'armistice une fois signé (11 novembre 1918), il s'agit de construire la paix et de faire les comptes. En 1919, l'article 231 du traité de Versailles déclarent l'Allemagne et ses alliés coupables des pertes et dommages subis par les alliés, justifiant ainsi de très lourdes réparations. Aussi la dimension culpabilisante de cet article n’échappe ni aux vainqueurs ni aux vaincus. L'idée défendue par les Britanniques de juger Guillaume II comme criminel de guerre est finalement abandonnée en 1920, face au refus des Pays-Bas d’extrader le souverain déchu. Les historiens français s’interressent alors au mouvement pangermaniste ou « Alldeutsch » qui aurait influencé la politique extérieure allemande. Le gouvernement impérial aurait ainsi fait la pour réaliser par la force brutale ses désirs de domination du monde. B. Responsabilité ou culpabilité ? Dès lors, les historiens s'emparent de la question des causes de la guerre, devenue éminemment politique. En France, le traité de Versailles est accueilli comme une revanche sur le militarisme allemand le récit élaboré par des acteurs (dirigeants politiques et militaires) et par des historiens anciens combattants défend la thèse de la culpabilité d'allemande. Histoire diplomatique « vue d’en haut », elle se focalise sur le jeu des responsables politiques et militaire. En 1925, l’historien Pierre Renouvin propose un glissement sémantique en étudiant les Origines immédiates de la guerre, mais continue d’exonérer la France dans le déclenchement du conflit (Document 1 page 190). Jules Isaac (Un débat historique. Le problème des origines de la guerre, 1933-Voir document 4 dans le cours) souligne quant à lui la responsabilité de tous les Etats. A la fin des années 1920, les théories marxistes, qui analysent la marche à la guerre de l’été 1914 comme le choc inévitable des impérialismes européens, se développent dans les milieux pacifiques. En Allemagne, le « Diktat » de Versailles nourrit un fort sentiment d'injustice. Les historiens dénoncent « le mensonge de la culpabilité allemande » (« Kriegsschuldluge ») et insistent au contraire sur la responsabilité franco-russe, accordant tout au plus que leur pays, encerclé, s'était laissé glisser dans la guerre. Cette vision est largement encouragée sous le nazisme car elle sert la dénonciation du traité de Versailles par le nouveau pouvoir. Après 1945, l'essentiel des travaux des historiens se uploads/Histoire/ chapitre-1.pdf
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- Publié le Nov 07, 2022
- Catégorie History / Histoire
- Langue French
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