Les Cahiers du Centre de Recherches Historiques Archives 21 | 1998 1. Pour une
Les Cahiers du Centre de Recherches Historiques Archives 21 | 1998 1. Pour une histoire comparée du voeu // 2. Les Cagots Du vœu royal au vœu national Une histoire du XIXe siècle Miguel Rodriguez Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/ccrh/2513 DOI : 10.4000/ccrh.2513 ISSN : 1760-7906 Éditeur Centre de recherches historiques - EHESS Édition imprimée Date de publication : 1 novembre 1998 ISSN : 0990-9141 Référence électronique Miguel Rodriguez, « Du vœu royal au vœu national », Les Cahiers du Centre de Recherches Historiques [En ligne], 21 | 1998, mis en ligne le 20 avril 2009, consulté le 19 avril 2019. URL : http:// journals.openedition.org/ccrh/2513 ; DOI : 10.4000/ccrh.2513 Ce document a été généré automatiquement le 19 avril 2019. Article L.111-1 du Code de la propriété intellectuelle. Du vœu royal au vœu national Une histoire du XIXe siècle Miguel Rodriguez 1 Dans la dévotion au Sacré Cœur, le concept de vœu est fondamental, en tant que « promesse faite à Dieu ». De la relation spirituelle des mystiques avec Dieu au « vœu national », en passant par la fondation d'ordres se réclamant du Sacré Cœur, l'histoire de la dévotion montre que le vœu assumé, vis-à-vis de cette figure, peut être, aussi bien un comportement individuel qu'une manifestation de foi collective : il va associer au XIXe siècle un engagement religieux et des pratiques laïques. Le vœu au Sacré Cœur semble correspondre au cadre définitionnel proposé pour le projet d'une histoire comparée du vœu : […] une norme surérogatoire par rapport aux normes communes, qui entend former une excellence des individus ou des groupes limités et qui se noue devant une instance transcendante, divine ou éthique1. 2 La dévotion au Sacré Cœur, qui existe au Moyen Âge sous la forme des cinq plaies du Christ, atteint son épanouissement avec Jean Eudes, puis avec Marguerite-Marie d'Alacoque, dans la seconde moitié du XVIIe siècle : c'est avec elle que la symbolique du culte prend ses traits durables – presque jusqu'à nos jours – et, c'est sous cette forme qu'elle atteint les horizons les plus vastes. Ainsi il sera question ici du Sacré Cœur dans le sens qui lui a été donné à partir de Paray-le-Monial, où vécut Marguerite-Marie d'Alacoque. 3 La sainte rapporte de nombreuses visions surnaturelles entre 1673 et sa mort, en 1690 : il s'agit d'un échange constant avec Jésus-Christ qui se montre devant la religieuse avec ses cinq plaies, en découvrant son cœur : […] voilà ce cœur qui a tant aimé les hommes… 4 Lors de ces apparitions, selon les écrits de Marguerite-Marie d'Alacoque, le Christ réclame les pratiques qui vont constituer la dévotion au Sacré Cœur. 5 Parmi ces demandes on ne traitera ici que celles qui sollicitent une dévotion collective, une reconnaissance publique : c'est le sens de ce qui a été appelé le message pour Du vœu royal au vœu national Les Cahiers du Centre de Recherches Historiques, 21 | 2009 1 Louis XIV. Il semblerait que la sainte en prenne connaissance à la fin de sa vie, en 1689, le vendredi après l'octave du Saint-Sacrement, si l'on en croit la lettre qu'elle écrit à la mère de Saumaise – celle qui fut sa première supérieure : […] ce divin cœur désire donc, ce me semble, entrer avec pompe et magnificence dans la maison des princes et des rois, pour y être honoré autant qu'il y a été outragé, méprisé et humilié en sa Passion et pour qu'il reçoive autant de plaisir de voir les grands de la terre abaissés et humiliés devant lui, comme il a senti l'amertume de se voir anéanti à leurs pieds. Et voici les paroles que j'entendis sur ce sujet : « Fais savoir au fils aîné de mon sacré Cœur – parlant de notre roi – que, comme sa naissance temporelle a été obtenue par la dévotion aux mérites de ma sainte Enfance, de même il obtiendra sa naissance de grâce et de gloire éternelle par la consécration qu'il fera de lui-même à mon Cœur adorable, qui veut triompher du sien, et par son entremise de celui des grands de la terre. Il veut régner dans son palais, être peint dans ses étendards et gravé dans ses armes, pour les rendre victorieuses de tous ses ennemis, en abattant à ses pieds ces têtes orgueilleuses et superbes, pour le rendre triomphant de tous les ennemis de la sainte Église »2. 6 En août 1689, une autre lettre rapporte une nouvelle révélation qui vient compléter la demande au Prince : […] le Père éternel voulant réparer les amertumes et angoisses que l'adorable cœur de son divin Fils a reçues dans la maison des princes de la terre, parmi les humiliations et les outrages de sa Passion, veut établir son empire dans le cœur de notre grand monarque, duquel il veut se servir pour l'exécution de ce dessein qu'il désire pour voir s'accomplir en cette manière, qui est de faire faire un édifice où serait le tableau de ce divin cœur pour y recevoir la cour et les hommages […]3. Un antécédent, le vœu de louis XIII 7 En 1638, pendant les guerres franco-espagnoles, Louis XIII fait le vœu de placer, dans la cathédrale de Paris, une image de la Vierge Marie qui tienne dans ses bras son fils descendu de la Croix. Voilà sans doute l'origine du célèbre tableau de Philippe de Champaigne, où l'on voit, agenouillé devant cette mater dolorosa, le Roi orné des insignes royaux, faisant don de sa couronne et de son sceptre à la Vierge : […] « nous avons déclaré et nous déclarons que prenant la Très-Sainte et la Très- Glorieuse Vierge pour Patronne spéciale de notre royaume, nous lui consacrons particulièrement notre Personne, notre Couronne et nos sujets, la suppliant de nous vouloir inspirer une sainte conduite et défendre avec tant de soin ce royaume contre l'effort de tous ses ennemis que, soit s'il souffre le fléau de la guerre ou jouisse de la douceur de la paix, nous demandons à Dieu de tout cœur qu'il ne sorte pas des voies de la grâce qui conduisent à celles de la gloire »4. 8 Le vœu, rendu public en février 1638, est renouvelé par une procession à Notre-Dame de Paris le 15 août de cette même année, quelques jours seulement avant la naissance du dauphin, si longtemps attendu : la littérature qui traite de ce fait insiste sur l'interdépendance entre la continuité de la monarchie et la publication du voeu, dont le caractère institutionnel transparaît clairement dans le tableau officiel de Philippe de Champaigne. Ce n'est pas seulement sa personne ni sa famille que le roi veut placer sous la protection de la divinité par l'intermédiaire d'une image et une pratique rituelle, mais le royaume tout entier5. Du vœu royal au vœu national Les Cahiers du Centre de Recherches Historiques, 21 | 2009 2 Le vœu de louis XIV 9 Il en va tout autrement de l'engagement du successeur de Louis XIII. Il n'est plus question de la figure mariale mais de celle, christologique, du Sacré Cœur dont Marguerite-Marie d'Alacoque veut être la propagatrice. Cette nouvelle dévotion, qui se développe pendant le XVIIIe siècle, est alors d'ordre intime. Elle est fondée sur une pratique spirituelle individuelle qui n'engage, à la limite, que la collectivité organisée dans une congrégation religieuse. Le jésuite Jean Croiset, qui publie au lendemain de la mort de Marguerite- Marie une première biographie fréquemment rééditée et traduite tout le long du XVIIIe, ne souffle mot du message adressé à Louis XIV. Il n'en est rien, non plus, dans la célèbre histoire de Jean-Joseph Languet qui a connu les écrits originaux et les témoignages des contemporaines de la sainte à Paray-le-Monial, publiée pour la première fois en 1729. 10 Enfin, le classique6 de Joseph de Galliffet, Excellence de la dévotion au cœur adorable de Jésus- Christ, publié en latin en 1726, demande instamment la concession d'une fête particulière à la nouvelle dévotion, d'un office et une messe propre aux royaumes d'Espagne que Philippe V avait demandés comme un privilège au pape Benoît XIII. Mais dans ce texte il n'est pas question d'une communication d'ordre surnaturel entre Dieu et le Prince, dans la perspective d'un vœu collectif d'un peuple. En citant des extraits de quelques lettres de Marguerite-Marie d'Alacoque, Galliffet parle plutôt d'un […] projet d'un vœu de perfection héroïque formé et exécuté par la Vénérable Mère, pour s'unir plus étroitement au Sacré Cœur et s'engager à répondre à ses révélations : […] m'engager indispensablement à ce qu'il me fait connaître désirer de moi. Par ailleurs, Galliffet montre que nombreux sont ceux qui ne croient pas à ces révélations puisque l'un des premiers chapitres de son ouvrage veut prouver leur caractère véridique. 11 Les révélations de 1689 et l'appel au roi ne seront connus publiquement que lors de la publication, en 1867, des écrits de Marguerite-Marie d'Alacoque, dans la foulée de sa béatification qui a lieu en 1864. Au milieu du XIXe la dévotion vit son plein épanouissement : un moyen important de diffusion de uploads/Histoire/ ccrh-2513.pdf
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- Publié le Apv 22, 2021
- Catégorie History / Histoire
- Langue French
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