\{! Quand,le théâtre s'en mele PAR NANCY DELHALLE D'Anrsropn.qNE À BERToLT BREC
\{! Quand,le théâtre s'en mele PAR NANCY DELHALLE D'Anrsropn.qNE À BERToLT BRECHT, DU MÉLoDRAME A U T H É Â T R E - A C T I O N , L E S C o M B A T S P O L I T I Q U E S S E R E F L È T E N T s o u v E N T s u R L E S P L A N C H E S . L ' e N c l c E v r N T s E T R A D U T T D A N S L E S T E X T E S , M A I S A U S S I D A N S L A R E P R E S E N T A T I O N . Poun ÉoueurR, ÉMANCTIER, MoBtLrsER LE puBl-rc r I I I \ NaNcY DELIaLLE est docteur en phllosoph e et lettres, chercheuse et maître de conférences à ItJniversité de Liège (Collectif interuniversl- taire d étLrde du littéraire - ulg Communauté françâise de Be g que). Elle est membre du comité de rédaction d Alternatives fhéâtftles. Comme spectacle vivant, le théâtre ne se réalise complètemenr qu'en présence d'une assemblée de spectateurs. Par cette caractéristique fonda- mentale, il oscille tout au long de son histoire entre un statut de produit, de technique et d'art. Les immenses salles du XIX'siècle, dirigées par des entrepreneurs, accueillaient des vedettes dans des décors fastueux et des pièces destinées à plaire au plus grand nombre. En réaction à cette tendance qui sacrifiait I'art au commerce, des artistes renforcèrenr Ia recherche d'un théâtre exclusivement centré sur des préoccuparions artistiques, cn dépit de l'objectif du succès popularre. Le théâtre, parce qu'il s'adresse à un audi- toire présent ;rbysiquement et assez vasre - du moins avant J'apparition du cinéma et de la télévision a été un relais important lorsqu'il s'agissait de persuader les masses ou d'agir sur' un public-cible. Dans ce dernier cas, il était uti- liçé.omme un outil de propaganJ<. que ce soir en faveur de I'Eglise, dans les mystères au Moyen-Age; de la Révolution française, lors des . fêtes révolutionnaires, ; du nazisme ou des révolutions socialistes au XXe siècle, avant qre la Seconde Guerre mondiale nc rende désor- mais suspecte l'action sur et par les masses. S'inventant entre ces trois pôles ploduit, technique, art -, le théâtre a constitué long- temps un vecteur privilégié de l'engagement parce que! dans I'essentiel de la cradition occi- dencale du moins, il repose surtour sur un rexre dialogué oir I'auteul tend à effacer sa présence. Il peut dès lors donner à voir, sans rnédiarion trop apparente, les groupes en présence et les antago- nismes. Dès I'Anriquiré grecque, Aristophane, dans ses comédies, prend ainsi parti dans les l8 avril 2004. Dix ans iour pour i0ur après le génocide, une foule nombreuse esl venue assister au spectacle du Groupov, Âwa,rda 94, ioùé sur les collines. A l'endroit même où a eu lieù le massacre de Bisesero. T ENJELI)( rNTËnNATtoNA!{ N to 25 débats et les conflits oui divisaient Athènes en arraquanr des personnilités en place ou des diri- geants poliriques. Totalemenr ancré dans I'ac- tualité de son époque, il fi-rstige notamment les démagogues qu il accuse de favoriser la guerre pour accroître leur popriarité. Dans Les Guêpes, par la bouche du coryphée, Aristophane repro- che même aux specrareurs de ne pas saisir toure la portée de son engâgement pour le bien de la Ciré (l). En somme. le théâtre qui, dès ses origines. émane de la Cité et en retour s'adresse à elle, peut donc être à la fois un lieu ou un outil d'enea- gemenr. Si la Révolution fiançaise a généré àes oièces - oubliées du réoenoire - célébrant ses marqts et ses héros, elle à aussi suscité un rhéâtre plus populaire d'où émanera le mélodrame. S'emparant du genre pour entrecroiser son idéal révolutionnaire et son combat en laveur des femmes, Olympe de Gouges (1748-1793) fur dire à l'un de ses personnages: "[...Jfaisouplus aujourd'hui que les bommes; cornbattons pour dzfendrc lean droits, et uengeons en mêue temps notre sexe dan tyrannique prQxgé. [...] et qu'ils apprennent enfn que les femmet peuuent mourir à har côté pour lrt carce commune de lt patrie, et Ia destruction des tyrans \2) . " PBENDBE PARTI Bien que le thEârre n ait pas toujours connu la relative autonomie par rappon aux pouvoirs poli- rique et économique que lui permet le subven- rionnement public au )C(' siècle. nombreux sont les auteurs qui prendront position dans les débats de leur temps, en faveur d'un camp politique, d'un groupe social ou d'une vision du monde incarnê dans une doctrine politique. Georg Bûchner (1813-1837) ouwe ainsi la voie d'un théâtre matérialiste en mettant en scène avec lYqxtch, un repr6entant des classes populaires socialement aliénées. Daru la seconde moitié du XD(' siècle, marquée par les débua de la société industrielle et les inégalités quelle engendre, Hauptmann ( I 862- I 946) élabore un theâtre natu- raliste critiquant la bourgeoisie et lâ société alle- mande sous Guillaume I" et Bismarck. Influence par Zola, son drame social, lzs Tisserdnds evoquela misère des ouvriers du rextile, non sans refléter son engagement socialisre et susciter l'opposirion des conservateurs, C'est au )C(' siècle que le couple n rhéâtre et engagement, va se manifester sous les formes les plus diverses. Comme usage du théâtre à des fins de militantisme politique, I'agitation- propagande reste communément associée à la poussée révolutionnaire des années 1920 en Allemagne et en URSS. Requise pour diffuser informations et analyses, I'agit-prop vise en outre, à I'origine, la participation active du public (soldats, ouvriers...) à l'édification de Ia culrure. Ce théâtre d'intervention - oui se survit aujourd'hui dans le théâtre-action, un rhéâtre. pauvre, qui entend rendre ( les gens D acteun et auteurs de leur propre culture - est déterminé, dans son fond et dans sa forme, par le message quil entend faire passer ou par l'impact quil veut avoir sur le public ciblé. A l'exploration des formes, il oppose donc le plus souvent une oarole efficace aui doit conduire l'individu à aglr sur la soclete. - Lun des grands praticiens et théoriciens du theâre d'intervenrion, Augusto Boal (1931), n a-r- il pas ainsi dweloppé son n rhéârre de l'opprimé , en un u théâtre législatif" ? Travaillant au Bresil avant de fuir la dicarure, Boal a mis au poinr la technique du " rhéârre-forum " dans liquel le public, à un moment donné du spectacle, prend la place de I'acteur et propose sa propre solution à la situation d'oppression présentée. A l'objectif de faire réfléchir puis agir le public, sur la scène er ensuite dans la société. Boal. une fois revenu au Brésil et engagé dans la vie politique comme député, ajoute la possibiliré pour le public de devenir législateur et de déposer, au terme du spectacle, des projets de loi. Historiquement, des artistes professionnels comme le metteur en scène Meyerhold (1874- 1940) onr collaboré au théâtre d'agit-prop. lavaillanr le décor et le jeu de l'acteur pour qu'ils s'articulent aux idéaux et aux objectifs communistes, Meyerhold monte notamment les pièces de Mar'akovski (1893-1930), auteur et militanr comme lui en recherche d'un art révo- lutionnaire. Mais si avec La Punazsa Malakovski s'inscrit dans les avant-gardes de son temps (frrrurisme er constructivisme), il dénonce aussi. par la satire de l' apparatchih, les espoirs déçus de la r&olution. Tiop désillusionné ou menacé par la monrée du stalinisme, il se suicide en 1930 randis que Meyerhold sera fusillé en 1940. UNE DIMENSION DIOACTIOUE Benok Brecht ( I898- 1956), quanr à lui, conjugue Ies oratioues sans les assonir d'un militantisme ^.rrri ".til. Réfléchissant sur l'écriture drama- tique, I'art de l'acteut la mise en scène et même sur le fonctionnement global du théârre, il éla- bore un théâtre épique pour parler de son époque de manière cririque. Il met ainsi au point la technique de la distanciation pour empêcher que le spectateur ne soit envoûté par ce qu il voit sur scène er exerce, au conrraire. son esprit cri- tique, Ses oièces dénoncent l'absence de réacdon à ia prisé de pouvoir d'Hirler (La résittiblz , scension dArturo [/r) ou, transposant I'analyse marxiste, sont plus ,, didactiques o (hinte Jeanrc ô I {1) Voir ABIST0PHANE, Les Guêpes, dans Théâùe conplel Ed. GarnierFlammarion, Paris, 1966, p.26?. {2) G0UGES 0lympe de, L'Entée de Dunouriez à Bruxelles, dans Théâtre politique, Côté-femmes éditions, Paris,199l, p.240. (3)L0uVEIJean, Co nversation e n Walloni e, Labor, coll. Espace Nord, Bruxelles, 1997, p.73. 26 ENJ EUX rNTÊBNÀ10NAUX - N'ro fÈ \qte But..o.le 7 avril2{n4. Beprés6ntation de Swarda 94, un spectacle qui â soscilé de vives controve6es. destinées à un théâue d'intervention (Celai qui dh oui, celui qui di non). C'est l'influence de Brechr en France qui y détrônera. dan: les années 1950, la conceprion sartrienne de I'engagement, appliquée au rhéâtre. En effet, dès sa première pièce, Let Moxches en 1943 - oir, par le détour du myrhe d'Oreste, il dénonce la uploads/Histoire/ 20201120130630z-2010-enjeux-internationaux-n-10.pdf
Documents similaires










-
43
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Apv 18, 2022
- Catégorie History / Histoire
- Langue French
- Taille du fichier 1.0163MB