la lettre n02/ 2001 de l’Académie des sciences l’ au la matière première du XXI
la lettre n02/ 2001 de l’Académie des sciences l’ au la matière première du XXIème siècle 1 D’après un extrait de la Séance solennelle du18 juin2001 Editorial L e traité de Rome, signé en 1957, organisait l’Europe de l’Ouest. La loi sur la décen- tralisation (1982) créait 22 régions en France. Depuis lors, ces deux voies se sont renforcées et ont bouleversé la relation entre les citoyens et les pouvoirs publics notamment l’ensei- gnement supérieur et la recherche publique. Fortement centralisés, ceux- ci reçoivent de l’État le budget de leur masse salariale. Certes, les universités sont autonomes (1968) mais les diplômes et les programmes sont nationaux ; les emplois sont créés par l’État ; leurs ressources propres sont rares et les Établissements publics, comme le CNRS, le CEA, l’INRIA, ou l’INSERM, qui sont tous régis nationalement par des structures fortes, décident et orga- nisent la politique de recherche; tous signent des contrats quadriennaux avec l’État. Cet état de fait a évolué très rapide- ment. Toutes ces transformations, n’ont d’ailleurs pas toujours été perçues: certaines favorisent la diver- sité de la recherche, d’autres inter- viennent dans la programmation des équipes. La plupart des laboratoires publics associent universités et établissements de recherche. L ’évolu- tion actuelle de leur financement retentit donc sur leur programmation. Les salaires, la maintenance des locaux et des gros équipements relè- vent de l’État seul, alors que les crédits de fonctionnement, c’est à dire ceux qui accompagnent la programmation, relèvent de plus en plus, et de l’Europe, des régions et des industries. Ces crédits de fonctionnement sont les seuls à dépendre directement des chercheurs qui doivent s’adapter pour en bénéficier. Ainsi, au sein des laboratoires, de petites équipes très efficaces, nova- trices et souples acquièrent une forte autonomie. C’est l’une des rares voies qui permettent, en France, à de jeunes scientifiques de devenir rapidement des animateurs et des gestionnaires. Le pilotage de la recherche des établissements nationaux devient de plus en plus difficile et pour contre- balancer l’attrait des contrats euro- péens, régionaux et industriels, chacun d’eux tend à attribuer lui aussi ses crédits sur contrats. Le volume des financements sur programme croît et les crédits de base diminuent, ce qui nuit à la recherche libre. Le rôle des régions grandit, ce qui implique deux mouvements parfois antagonistes: - d’une part les universités et les écoles doivent présenter un ensemble régional lisible, - d’autre part les établissements natio- naux de recherche s’efforcent de régio- naliser leurs centres de décision et non plus seulement leurs centres de gestion. Cette nouvelle structure de la Recherche devrait favoriser le développement de la science mais il doit d’abord gagner l’ad- hésion populaire et celle des élus. Les scientifiques en s’insérant dans le réseau de la communication régionale, y font connaître leurs travaux, leurs méthodes de travail, leurs hésitations, leurs bloc- ages. Le prestige d’un savoir lointain ne suffit plus à justifier l’adhésion des citoyens. Si nous n’y remédions pas, l’ac- tivité scientifique fera peur . Pour l’éviter, les scientifiques eux-mêmes devront se rendent disponibles, pour une mission consubstantielle de notre métier de chercheur, faire connaître l’évolution scientifique, ses possibilités, ses limites, ses dangers. Voilà donc une nouvelle manière de vivre notre vocation qu’imposent les liens nouveaux tissés entre l’État, la région et l’Europe. Ce bouleversement est une chance à saisir : ou bien la science est acceptée par le citoyen, ou bien, la société craindra la Recherche et la freinera. La peur ne doit pas s’ins- taller, l’espoir doit éclater, la vocation de l’Académie est d’y contribuer. Jean Dercourt Secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences Sommaire Éditorial La Recherche en France, ses liens avec l’État, les régions et l’Europe Jean Dercourt page2 Dossier L’eau du XXIème siècle, objet de toutes les ingénieries, miroir de tous les égoïsmes Ghislain de Marsily page 3 L’eau, la matière première du XXIème siècle Entretien avec Claude Allègre page 8 L’eau et la santé Jean Dausset page 10 Questions d’actualité Les nanotechnologies Claude Weisbuch page11 Perspectives des piles à combustible Michel Pouchard page 13 Un supraconducteur conventionnel à haute température critique: MgB2 Hélène Raffy page 14 La vie des commissions Du passé au présent: les plis cachetés Pierre Buser page 15 La vie de W. Doeblin et le pli cacheté 11668 Bernard Bru et Marc Yor page 16 Le Comité de l’environnement Jean-Yves Chapron page 17 La vie de l’Académie Energies et climat Claude Lorius et Bernard Tissot page 19 Création d’un Conseil Académique Européen Yves Quéré page 19 Visite du Bureau de la Royal Society Yves Quéré page 19 L ’immunité innée Jules Hoffmann page 20 Risques potentiels pour la santé associés aux progrès de la technologie Jean-François Bach page 20 La recherche en France, ses nouveaux liens avec l’État, les régions et l’Europe 1 2 la lettre n02/ 2001 de l’Académie des sciences 3 Dossier mation domestique. Jusqu’au XVIIIème siècle, elle était prise sur place ou là où elle était naturellement abondante, et distribuée par aqueduc, fontaines ou corvée d’eau. Quelques rares machines utilisaient l’énergie hydraulique pour remonter l’eau vers les points hauts (béliers, roues…). Dans les pays arides, des citernes collectant l’eau pluviale étaient très répandues. Au XIXème, la dégradation de la qualité des eaux des rivières par l’activité industrielle nais- sante et le développement de grandes épidémies transmises par l’eau, telle que le choléra, dans les grands centres urbains (Londres, Paris.) ou dans les pays calcaires ont conduit à la mise en place de longues adductions d’eau potable que l’on allait rechercher là où elle était naturellement pure (captage des sources de la Vanne dans l’Yonne et construction de l’aqueduc les amenant à Paris, par exemple). Au début du XXème siècle, avec la découverte du pouvoir stérilisateur de l’eau de Javel, la fourni- ture d’eau potable est revenue aux prises d’eaux locales, en rivière ou en nappe. Depuis, on a pris le parti de faire de l’eau potable avec de l’eau polluée: on admet qu'il suffira de faire évoluer les techno- logies de traitement avec la nature des polluants rencontrés, et avec la sévérité des normes de potabilité, dès que des polluants ou micropolluants nouveaux auront été détectés. Les techniques de traitement de l’eau ont dès lors fait des progrès considérables. Les sources de polluants, d’abord locales et d’origine urbaine et industrielle, sont peu à peu devenues diffuses et d’origine agricole, en raison de la fertilisation sans contraintes et l’emploi généralisé des Par Ghislain de Marsily 1 O n dit que le XXIème siècle sera celui de l’eau. Oui, mais quelle eau? A l’échelle de la planète, celle-ci est avant tout la cause principale de la transfor- mation continuelle de l’écorce terrestre, et le véhicule des produits de cette trans- formation. Je n’en parlerai pas. A l'échelle humaine, l'eau est devenue un objet aux mains des ingénieurs. Elle est, ici ou là, utile ou néfaste, enjeu de pouvoir et source de conflits. Si les civilisations avaient jusqu’alors su s’accommoder de son abondance ou de sa rareté, force est de constater aujourd’hui que la crois- sance démographique et les change- ments climatiques programmés ont rompu ces équilibres; il appartient aux ingénieurs de tenter de les rétablir, en harmonie avec les rapports parfois très différents que les diverses civilisa- tions ont établi avec l’eau. Cela constituera mon sujet principal. L ’eau est, enfin, un bien des milieux naturels, une nécessité pour la vie et la diversité des écosystèmes, un dernier bastion de la nature préservée. Cet aspect prend de plus en plus de place dans les processus décisionnels d’aménagement mais, là encore c’est l’ingénierie des territoires qui aujourd’hui façonne, maintient ou développe les écosystèmes ” naturels “. L'eau potable dans les pays industrialisés Pour la Société, l’eau utile remplit quatre fonctions principales: 1- la satisfaction des besoins de l'homme en eau domes- tique, agricole, industrielle, et mainte- nant en activité de loisir; 2- l’élimination des déchets et sous-produits de l’acti- vité humaine par l’assainissement, 3- un chemin pour le transport par bateau, 4- une source d’énergie. Ces quatre domaines sont entièrement sous le contrôle de la technologie. Prenons l'exemple de l'eau destinée à la consom- phytosanitaires en agriculture ou des antibiotiques, anabolisants, et autres éléments à usage sanitaire en élevage. Cette politique possède quelques travers; par exemple, trente ans après les avoir sereinement distribuées, on s’est aperçu que les eaux chlorées trop tôt avant l’élimination de la matière orga- nique naturelle, produisait des organo- chlorés cancérigènes… Aujourd’hui on s’interroge sur les effets sanitaires potentiels de ce qu’on appelle pudique- ment des ” perturbateurs endocriniens “, dont la présence est constatée dans les eaux distribuées, mais dont les effets sont encore inconnus. Ils sont issus de l’emploi de certains médicaments, de la dégradation de certains pesticides, de l’altération de certains plastiques… Une autre crainte, qui semble pourtant peu préoccuper les acteurs, est l’éventuelle transmission des prions dans l’environ- nement via l’eau. Tel Maire de telle commune de l’Ouest, alerté de la pré- sence d’un abattoir ayant traité des viandes contaminées à l’amont de la prise d’eau de sa commune, n’a pas jugé bon de la déplacer… uploads/Geographie/ lettre-2.pdf
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- Publié le Apv 22, 2021
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