Saggi /Ensayos/Essais/Essays N. 1 – 03/2009 18 Fragments de modernité urbaine:

Saggi /Ensayos/Essais/Essays N. 1 – 03/2009 18 Fragments de modernité urbaine: formes de régénération et rénovation parisiennes par Dino Gavinelli INTRODUCTION Paris est une des toutes premières villes mondiales et, à ce titre, ses activités, populations et infrastructures ont souvent été comparées à celles des autres villes de son rang (Londres, New York, Tokyo). Son insertion dans le réseau des capitales contemporaines est très importante. Mais une ville ne se limite pas à un nœud dans un réseau mondial. Elle s’inscrit dans des territoires qui ont leurs logiques propres (Beaverstock et al. 2000). Paris est une grande concentration d’hommes et d’activités dont l’espace est organisé suivant une logique commune. L’étalement urbain dessine ainsi non seulement un centre et des banlieues mais aussi une grande région urbaine aux contours et aux modes d’organisation flous. Un espaces et un paysage historiquement monocentriques deviennent, progressivement, polycentriques et les logiques d’organisation spatiale qui apparaissent, dépassent largement le cadre de la simple agglomération ou même de la région urbaine. Pour beaucoup, la métropole parisienne est donc paradoxale. On croît tout connaître de cet énorme ensemble urbain familier, ne plus rien avoir à apprendre de la force de son centre, de la puissance du système des transports franciliens et de son influence sur l’accessibilité urbaine, des disparités est-ouest et centre banlieues, etc. On sait aussi que l’influence de Paris dépasse très largement les seules limites de son agglomération ou de son aire urbaine et ouvre sur un réseau mondial d’échanges matériels et immatériels. Les géographes parlent d’une région métropolitaine intégrée qui s’organise autour de la capitale, des longs déplacements quotidiens, de l’existence de groupes industriels similaires et plaident pour l’existence d’une région fonctionnelle intégrant plusieurs régions administratives (Cattan et al. 1999). Saggi /Ensayos/Essais/Essays N. 1 – 03/2009 19 De plus, l’organisation économique et sociale de cette région fait apparaître une spécialisation des territoires doublée d’une concentration des activités sans que cela signifie, bien au contraire, que la région soit à appréhender uniquement de manière hiérarchique, économique ou sociologique (Frémont 2002). En effet, on sait bien que la marmite métropolitaine bouillonne depuis trente ans sur les flammes de la mondialisation et de la modernisation technique et qu’à Paris rien n’est plus comme avant. La métropole parisienne évolue mais il est très difficile de dessiner un tableau complet des transformations, de mesurer tous les changements, de décrire les parcours de régénération et de rénovation car de nombreux aspects sont à considérer. D’ailleurs on ne prétend pas ici à l’exhaustivité. Autant dire que la grande synthèse reste à faire. Mais peu importe, les éclairages divers des prochaines pages essaieront de mettre en lumière quelques fragments de modernité urbaine et l’essentiel, nous l’espérons. La métropole parisienne n’est pas figée: les changements sont multiples, parfois lourds de sens car il faut se positionner au cœur des réseaux internationaux, développer l’importance de l’hinterland, intégrer les espaces locaux pour maintenir un espace interrégional fonctionnel, organiser des espaces vécus à l’aide des migrations et de la mixité sociale, gérer différents niveaux de cohérence territoriale et sociale, supporter des pôles technologiques, financiers et scientifiques, dessiner la ville et les espaces du futur tout en gardant ses permanences historiques et géographiques. Cependant tous ces changements sont, peut-être, encore insuffisants pour déstabiliser une structure, une architecture et un urbanisme métropolitains hérités de l’histoire et de la géographie et sur lesquels un Etat puissant continue de veiller. LE CŒUR DE PARIS : UN PAYSAGE URBAIN HERITE DU PASSE ET CONNU DANS LE MONDE ENTIER Les paysages urbains de Paris sont le reflet de réalités plus ou moins complexes et le résultat de vies humaines associées dans une project plus ou moins accentué. Ils sont aussi en même temps le résultat de contextes éthiques et synergiques et, comme tels, ils deviennent un espace concret de l’action humaine, des réalités possibles de délibération, de transformation et d’évolution. Les leçons anciennes et puissantes de l’histoire et de la géographie sont donc écrites dans l’esthétique diffuse et dans l’esthétique recueillie de l’espace parisien, résultat de transformations, des effets de la liberté humaine qui réussit à créer, modeler, façonner et modifier, à travers la connaissance, le paysage d’une ville devenue célèbre dans le monde entier. Capitale d’un Etat-nation, un des plus anciens dans le monde, la géographie et l’architecture de Paris montrent l’importance de cette ville, son aspect d’espace accompli, dûment maîtrisé, délimité et dominé. Les édifices, les bâtiments, la monumentalité de ses perspectives et les signes dans ses arrondissements montrent un Paris à la fois royal (Notre-Dame, Conciergerie, Louvre), impérial (Arc de Triomphe, colonne Vendôme, Opéra Garnier, église de la Madeleine) et républicaine (Tour Eiffel, Opéra Bastille, Grande Arche de la Défense, Institut du Monde Arabe). Saggi /Ensayos/Essais/Essays N. 1 – 03/2009 20 La Seine, les bois, les parcs, les jardins, les collines qui l’entourent complètent cet ordonnancement. Même l’urbanisme de la ville montre la présence d’un espace rationnel, d’une reconstitution orbitale d’un monde en réduction, avec ses îles bien aménagées (Ile de la Cité, Ile Saint Louis, Promenade des Cygnes), ses Grands boulevards voulus par Napoléon III et exécuté par le Baron Haussmann, les Champs- Élysées et les grandes voies qui ouvrent des perspectives célèbres dans le monde entier, le remodelage: vu le niveau de transformations, tu pourrais parler de “reconstruction”des quartiers (Montparnasse, Les Halles, La Villette, Bercy). Par ses signes urbanistiques et architecturaux, par ses souvenirs des grands triomphes français, Paris rassemble toutes les traces et les images d’un pouvoir politique qui s’exprime pleinement dans le territoire. Il ne faut pas cependant oublier les changements, la patrimonialisation, la gentrification et la muséification du centre parisien et aussi la fonction résidentielle, le développement commercial et universitaire périphériques des dernières décennies. Dans l’ordre des permanences, le maintien de la monocentralité politique et économique de Paris sur l’espace français apparaît comme une évidence et la présence de centres secondaires en région Ile-de-France, environs 67, et en France (Lille, Lyon, Marseille) est encore trop faible pour parler d’un vrai polycentrisme. De façon générale les forces d’inertie pèsent très lourds mais Paris est aussi l’une des premières destinations touristiques mondiales, et cela pèse dans la patrimonialisation et la muséification du cœur métropolitain. Les quartiers parisiens ne sont sans doute plus ce qu’ils étaient, mais le Quartier Latin garde une nette identité, etc. (Saint-Julien, Le Goix 2007). Il ne faut pas, non plus, sous-estimer que le hasard peut intervenir dans le bouleversement des équilibres de l’aire métropolitaine, que les événements naturels et sociaux sont dans l’ordre des choses, que les effets de la mondialisation économique se font sentir, que les liens entre cultures, technologies et ressources sont en éternelle dialectique et en transformation continue. Dans ce cas précisément, il faut se protéger contre les imprévus de chaque jour poursuivant une correcte gouvernance de la ville. Celle-ci porte sur l’élargissement de l’art et de l’esthétique architecturale qui deviennent urbanisme et développement durable, sur les interventions paysagères, sur la création du ‘vert’ urbain, et porte à inventer des nouveaux mots ou à redonner sens à de plus anciens, puisque le monde de la modernité crée de nouvelles réalités. LES PERIPHERIES PARISIENNES: BANLIEUES DU DESEQUILIBRE, PAYSAGES DE LA MIXITE ET LIEUX DE LA SEGREGATION SPATIALE A coté d’un Paris connu dans le monde, ville lumière, espace de fête, lieu de spectacle et rassemblement de chaque jour, il y a aussi un Paris des contraintes, de la ségrégation et des conflits multiples selon les différents intérêts de ses habitants: ce grand espace métropolitain rassemble mais aussi oppose ses fragments humains, symboliques et spatiaux. Saggi /Ensayos/Essais/Essays N. 1 – 03/2009 21 D’autres paysages, monuments et quartiers l’affirment, notamment dans les périphéries populaires et dans les banlieues. Vives se manifestent donc les oppositions sociales, politiques et territoriales, déjà à partir des années 80, lorsqu’une succession d'émeutes urbaines révélait le mal-être de certains quartiers et de certaines banlieues. Ces territoires coïncidaient souvent avec ceux des “grands ensembles” (barres, immeubles) tels qu'ils s'étaient développés au cours des années 50 et 60. Il s'agissait alors de traiter une situation d'urgence mais ces grands ensembles se sont par la suite dégradés et ont fini par concentrer les populations en difficulté (étrangers, groupes socialement fragilisés, familles monoparentales, etc.), en raison du départ des catégories moyennes assurant, à l'origine, une certaine mixité sociale. Ainsi se sont-ils constitués autant de cercles vicieux de plus en plus difficiles à briser. Depuis lors, différentes politiques se sont succédées rapidement en Région parisienne, avec des succès inégaux, certainement insuffisantes à résoudre l'ensemble des problèmes socio-économiques et des déséquilibres territoriaux rencontrés: entre 1983 et 1989, un Fonds social urbain (FSU) a permis d'améliorer l'image de certaines banlieues en les aménageant (Orly par exemple) et la politique de Développement social des quartiers (DSQ) est née; le Ministère de la ville est créé en 1990; à partir de 1994, les Grands projets urbains (GPU) concentraient les actions sur des sites particulièrement difficiles. Le Pacte de relance pour la ville (PRV) de 1996 a alors pris le relais de la Loi d'orientation sur la ville (LOV) de 1991 (dont la mise en œuvre avait avorté), en uploads/Geographie/ fragments-de-modernite-urbaine-formes-de-regeneration-et-renovation-parisiennes.pdf

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