1 Aux Origines de la Féerie Olivier Legrand (2004) Un Peu d’Etymologie Le mot "

1 Aux Origines de la Féerie Olivier Legrand (2004) Un Peu d’Etymologie Le mot "fée" est, à lui seul, une petite curiosité. Aujourd'hui simple nom commun féminin, il était, autrefois, également utilisé comme adjectif : on pouvait ainsi parler d'un anneau fé (ou faé) pour désigner un bijou enchanté, ou d'un bois faé pour désigner une forêt située à la lisière de l'Autre Monde... Selon les linguistes, le mot "fée" provient du latin fata, lui-même issu de fatum : la destinée. Les "fées" seraient ainsi nommées car elles veillent et influent sur le destin des simples mortels. Cette étymologie témoigne de l'aspect tutélaire des fées, celles-là mêmes qui, dans les contes, se penchent sur le berceau des nouveau-nés pour lui donner bonne ou mauvaise fortune : bien avant La Belle au Bois Dormant, de nombreux récits populaires ou légendaires faisaient état de cette vocation protectrice (ou malveillante !) des fées fata, agentes et porteuses des puissances de la destinée. Il serait toutefois sacrilège de cantonner nos fées à ce seul rôle, et il est intéressant de remarquer que dans les cultures où le nom que nous traduisons par "fée" ne provient pas de cette racine latine, comme c'est le cas en Irlande, au Pays de Galles ou en Scandinavie, les vocations et les motivations attribuées aux fées sont beaucoup plus diversifiées et les mythes qui les mettent en scène plus nombreux et plus riches... Pris dans son acception la plus large, le terme fées ne désigne pas seulement les porteuses de bonnes ou de mauvaises fortunes, mais tout un ensemble de créatures enchantées, le plus souvent anthropomorphes, issues d'un monde existant aux frontières du nôtre, et qui entretiennent avec les simples mortels des rapports complexes faits d'attirance, de curiosité, de méfiance et de malice. Si l'on suit cette définition, on s'aperçoit bientôt que les fées sont présentes sous une forme ou sous une autre dans presque toutes les cultures du globe, des sidhe gaéliques aux apsara d'Inde, en passant par les mimi australiens, les alf nordiques ou les kitsune nippons. Il faudrait au moins trois ouvrages comme celui-ci pour recenser les fées du monde entier, aussi nous cantonnerons nous plus modestement au champ déjà très étendu des traditions et mythologies d'Europe occidentale. Les Trois Dons A l'origine, il semble que la figure de la fée se structure autour de trois grandes caractéristiques, qui déterminent une triple vocation : premièrement, le pouvoir de prophétiser ou d'influencer les destinées humaines; deuxièmement, un lien essentiel avec les puissances de la Nature; troisièmement, enfin, le don d'enchanter les mortels, c'est à dire de les ensorceler ou de leur permettre d'accomplir de grandes choses. La Fée originelle tient donc à la fois de la Déesse tutélaire, de la Nymphe et de la Muse, un triple héritage qui mérite d'être examiné en détail, à la lumière de différentes traditions mythiques. Fatae et Fées Tutélaires A l'origine, une des principales vocations de la fée est de présider au fatum, c'est à dire à la destinée. Cette attribution les rapproche clairement des trois Parques grecques (Clotho, Lachésis et Atropos) et de leurs homologues scandinaves, les Nornes (Urd, Verdandi et Skuld), qui filent sur leur quenouille la vie de chaque être humain : la première déroule le fil, la deuxième décide de sa longueur et la troisième le coupe, répétant inlassablement le même cycle naissance-existence-mort. On retrouve ce 2 motif de la fileuse dans la description de certaines fées, comme la vieille fileuse Habetrot, toujours représentée avec un rouet ou une quenouille. A la figure quelque peu inquiétante de la fata fileuse de destin, la tradition populaire a peu à peu substitué celle de la marraine bienveillante, comme dans le célèbre conte de Cendrillon. Ce rôle de marraine devient encore plus marqué lorsque la fée se fait dispensatrice de dons innés : selon la tradition féerique populaire, les fées ont coutume de prodiguer dons, talents et fortunes à certains nouveau-nés : pour cela, il leur suffit, suivant l'expression consacrée, de se pencher sur le berceau de l'enfant. S'ensuit alors une véritable cérémonie rituelle où dons et bons présages sont distribués par les fées comme autant de cadeaux de baptême. Dans le cas de nourrissons particulièrement favorisés par le destin, on assiste ainsi à un véritable défilé de fées; leur nombre correspond presque toujours à un chiffre symbolique ou réputé "magique" : trois, cinq, sept, neuf ou douze. Il est également capital que toutes les fées aient été invitées et correctement accueillies par leurs hôtes; l'harmonie représentée par le chiffre magique est, hélas, presque toujours rompue par l'irruption d'une mauvaise fée, que personne n'avait songé à inviter et qui se venge des mortels indélicats en ajoutant une malédiction ou une sinistre prophétie à la liste des dons et des bonnes fortunes du nouveau-né. Dans le conte bien connu de La Belle au Bois Dormant, trois bonnes fées se sont penchées sur le berceau de la princesse, mais la maléfique Carabosse survient et jette un mauvais sort (c'est à dire un "mauvais destin") à l'enfant : s'il advenait qu'elle se pique à une aiguille, elle sombrerait dans un sommeil de cent ans... Selon certains spécialistes de la mythologie celtique, cette distribution de dons et de présages trouverait son origine dans l'antique coutume celte des gessa, véritables tabous magiques révélés ou imposés par les druides et les devineresses à la naissance d'un enfant ou lors de l'initiation d'un jeune garçon. La promulgation d'un geiss ou de plusieurs gessa s'accompagnait souvent de présages concernant la destinée du jeune sujet et les dons qu'il ne manifesterait en grandissant. Comme dans la Belle au Bois Dormant, la transgression de l'interdit représenté par le geiss expose l'individu à des conséquences terribles : on ne contrarie pas impunément les puissances qui président aux destinées humaines... Nymphes et Esprits de la Nature Parmi les êtres mythiques ayant contribué à forger, au fil des siècles, l'image traditionnelle des fées, les Nymphes occupent une place de première importance : incarnations féminines des beautés et des puissances de la Nature, elles sont les cousines helléniques de toutes les fées et déesses des forêts, des cavernes, des lacs et des rivières. Les nymphes les plus connues sont sans doute les Dryades, gardiennes et protectrices des forêts sacrées de chênes, arbres dont elles possèdent la vitalité et la longévité. Selon certaines traditions, chaque chêne était protégé par une Dryade particulière, vivant en étroite communion avec son arbre. Il semble toutefois qu'une Dryade puisse quitter son arbre et sa forêt pour épouser un beau jeune homme ou, mieux encore, un beau demi-dieu : Eurydice, la promise du célèbre Orphée, appartenait à l'origine au peuple des dryades. Mi-femmes, mi-arbres, les Dryades symbolisent le règne végétal et la dimension féminine de la Nature, un peu comme les Satyres, mi-hommes, mi-bêtes, en représentent l'aspect animal et masculin. A côté des Dryades, on trouve une multitude d'autres Nymphes, soigneusement répertoriées et classifiées par la mythologie grecque : les Néréides (nymphes de la mer), les Naiades (nymphes des rivières et des eaux vives), les Méliades (nymphes des bois de frêne), les Hamadryades (nymphes des bois en général), les Oréades (nymphes des montagnes), les Alséides (nymphes des bocages), les Napées (nymphes des vallons)... Mais la mythologie grecque n'est pas la seule à nous montrer des esprits de la Nature s'incarnant sous les traits de jeunes femmes à la beauté enchanteresse : citons les Dames Vertes qui règnent sur les bois et les forêts des contrées celtiques, les cruelles et envoûtantes Rusalki, maîtresses des rivières et des 3 torrents de Russie, les Ondines et les Princesses Elfes des mythes germaniques ou encore les mystérieuses Dames du Lac des légendes arthuriennes... En dehors de leur extrême beauté et de leur lien essentiel avec la Nature, toutes les familles de Nymphes possèdent les deux autres dons caractéristiques des fées : le don de prophétiser les destinées humaines, faculté qu'elles partagent avec les Parques et les fées tutélaires, et le don d'inspirer les mortels, de leur donner le désir d'accomplir de grandes choses, faculté que possèdent également, à un degré certes plus élevé, leurs lointaines cousines les Muses. Muses et Fées Inspiratrices Dans la mythologie grecque classique, les Muses étaient des déesses présidant aux différents Arts et dont l'influence bénéfique pouvait conférer inspiration, génie et talent à ceux qui étaient assez audacieux pour les courtiser. Ainsi, Calliope gouvernait l'éloquence, Melpomène le chant, Terpsichore la danse etc. Cette vocation d'inspiratrice se retrouve chez certaines races de fées celtiques, notamment la Leanan Sidhe irlandaise, mélange de muse, de vampire et de femme fatale : sous l'apparence d'une femme à la beauté surnaturelle, la Leanan Sidhe séduit les poètes, les artistes et autres rêveurs. Tant qu'ils demeurent sous son emprise, ces mortels se voient gratifiés d'une créativité et d'un talent hors du commun mais, à mesure que leur génie se révèle, leur vie s'étiole, consumée par la Leanan. Les malheureux sombrent bientôt dans la démence et vieillissent de plusieurs années en quelques jours, jusqu'à ce qu'ils tombent en poussière ou que la fée maléfique soit chassée. Comme uploads/Geographie/ feerie.pdf

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