Revue des Études Grecques Les inscriptions de Grammata (Albanie) Arben Hajdari,

Revue des Études Grecques Les inscriptions de Grammata (Albanie) Arben Hajdari, Johany Reboton, Saïmir Shpuza, Pierre Cabanes Abstract The cliffs of Grammata Bay, located in the Acroceraunian Mountains, West of Vlora (Albania), have kept a lot of inscriptions, which were carved in the rock by sailors from the Ilird Century BC to the present. These epigraphs look like those found in a number of caves on the Southern Résumé La baie de Grammata, située dans les falaises de la presqu'île des monts Acrocérauniens, à l'Ouest de Vlora, en Albanie, a conservé de très nombreuses inscriptions sur le rocher, entre le 111e siècle avant J.-C. et nos jours. Elles font penser à celles qui sont gravées dans les grottes de la côte d'Italie méridionale. Les auteurs, après Cyriaque d'Ancône en 1434, H. Daumet en 1861 et C. Patsch en 1900, ont pu, en 2005, en relever plus d'une centaine. Les inscriptions grecques antiques, gravées par des marins en difficulté, invoquent les Dioscures en faveur de tel ou tel de leurs proches. Au Moyen Âge, les inscriptions demandent au Seigneur « de venir en aide à son serviteur » ; l'une d'entre elles mentionne, en 1369, le passage de l'Empereur byzantin, Jean V Paléologue. Citer ce document / Cite this document : Hajdari Arben, Reboton Johany, Shpuza Saïmir, Cabanes Pierre. Les inscriptions de Grammata (Albanie). In: Revue des Études Grecques, tome 120, fascicule 2, Juillet-décembre 2007. pp. 353-394; doi : https://doi.org/10.3406/reg.2007.7870 https://www.persee.fr/doc/reg_0035-2039_2007_num_120_2_7870 Fichier pdf généré le 19/04/2018 Arben HAJDARI, Joany REBOTON, Saïmir SHPUZA, Pierre CABANES LES INSCRIPTIONS DE GRAMMATA (Albanie)1 Résumé. - La baie de Grammata, située dans les falaises de la presqu'île des monts Acrocérauniens, à l'Ouest de Vlora, en Albanie, a conservé de très nombreuses inscriptions sur le rocher, entre le 111e siècle avant J.-C. et nos jours. Elles font penser à celles qui sont gravées dans les grottes de la côte d'Italie méridionale. Les auteurs, après Cyriaque d'Ancône en 1434, H. Daumet en 1861 et C. Patsch en 1900, ont pu, en 2005, en relever plus d'une centaine. Les inscriptions grecques antiques, gravées par des marins en difficulté, invoquent les Dioscures en faveur de tel ou tel de leurs proches. Au Moyen Âge, les inscriptions demandent au Seigneur « de venir en aide à son serviteur » ; l'une d'entre elles mentionne, en 1369, le passage de l'Empereur byzantin, Jean V Paléologue. Abstract. - The cliffs of Grammata Bay, located in the Acroceraunian Mountains, West of Vlora (Albania), have kept a lot of inscriptions, which were carved in the rock by sailors from the Ilird Century BC to the present. These epigraphs look like those found in a number of caves on the Southern 1 Cette étude est le fruit de l'expédition conduite sur ce site, du 16 au 22 août 2005 par Saïmir Shpuza, Arben Hajdari, Joany Reboton et Pierre Cabanes. Elle s'inscrit dans le cadre de la préparation du quatrième volume du Corpus des inscriptions grecques d'lllyrie méridionale et d'Épire, au sein de la Mission archéologique et épigra- phique française en Albanie et en collaboration avec l'Institut archéologique d'Albanie. La numérotation des inscriptions a été établie, panneau après panneau, en commençant par les falaises du côté Sud, le panneau A étant directement au-dessus de la mer, les panneaux suivants s'éloignant progressivement de la grève, en remontant la vallée ; les inscriptions du côté septentrional sont marquées de la même façon en précisant Nord A 5 ou Β 2. Nous remercions Philippe Lenhardt, architecte de la Mission franco-albanaise d'Apollonia, pour l'excellente carte qu'il a fournie pour localiser Grammata. REG tome 120 (2007/2), 353-394. 354 A. HAJDARI, J. REBOTON, S. SHPUZA, P. CABANES [REG, 120 met lagune adriatique deNarta- " Vlora \ * baie de Vlora orikos . / V -• baie de Grammata himaraîs; mer ionienne 0 15 km mmmmmJmmm<, Fig. 1. — Carte de localisation de la baie de Grammata. 2007] LES INSCRIPTIONS DE GRAMMATA 355 Fig. 2. — Vue de l'arrivée par mer vers la baie. Fig. 3. — Les falaises Sud, anciennes carrières. 356 A. HAJDARI, J. REBOTON, S. SHPUZA, P. CABANES [REG, 120 Coast of Italy. After Cyriac of Ancona in 1434, H. Daumet in 1861 and C. Patsch in 1900, the authors of this article have studied more than one hundred of them. The inscriptions of the Greek antiquity invoke the Dios- cure in favour of a relative. Those of the Middle Ages call upon the Lord for his help. One of them even mentions the presence of the Byzantine Emperor, John V Palaeologus, in the region. La baie de Grammata est située au pied du versant occidental, extrêmement raide, du Karaburun (les monts Acrocérauniens de l'antiquité), dans une zone vide d'habitants et qui était interdite, même aux bergers, durant la dictature hoxhiste ; c'était jusqu'en 1992 une zone militaire depuis le pied de la route descendant vers le Sud du col de Llogara, jusqu'à l'extrémité septentrionale de la presqu'île qui s'avance vers le Nord-Ouest, protégeant l'entrée de la baie de Vlora. Depuis Dhermi, et au-delà du cône de déjection du torrent de Palasa, la côte est inhospitalière, le plus souvent constituée de couches calcaires en pente très forte, qui descendent depuis la crête qui avoisine 1 500 m d'altitude (mont Shenilliut à 1 498 m) ; la végétation y est clairsemée, très peu d'arbres sauf dans quelques vallons, une herbe rare et souvent un vent violent. La côte est presque rectiligne, sans aucune crique, jusqu'à la hauteur de Grammata, qui constitue vraiment un point d'abri pour des navires en difficulté le long de cette côte redoutable par gros temps. La falaise s'interrompt sur une faible largeur, pour donner accès à une petite baie encombrée de récifs dangereux pour des bateaux imprudents, récifs qui affleurent aujourd'hui, mais qui devaient sortir nettement de la mer lorsque le niveau marin était inférieur à celui d'aujourd'hui, comme c'était le cas dans l'Antiquité. Une plage de galets, à pente forte, d'environ 50 mètres de largeur, permet de prendre pied au fond de la baie, tandis qu'en arrière une gorge étroite assure l'écoulement, en période de pluie, d'un torrent à pente très raide qui descend de la montagne. Ce mauvais chemin est manifestement utilisé aujourd'hui par des chèvres et des moutons nombreux et par des mulets, si l'on en juge par les déjections animales déposées en arrière de la plage. Celle-ci est encombrée des restes d'un navire italien coulé au large, pendant la Deuxième Guerre mondiale, échoués au fond de la baie et progressivement ensevelis sous les galets. La baie de Grammata a été, d'abord, un centre d'exploitation de la pierre locale, en grandes carrières, dont les traces subsistent sur les deux versants, au Nord et au Sud de la crique. Ce n'est, d'ailleurs, pas le seul site antique de carrières dans cette zone du Karaburun ; plusieurs d'entre elles sont bien visibles sur la côte orientale de la presqu'île, du côté de la baie de Vlora ; 2007] LES INSCRIPTIONS DE GRAMMATA 357 la carrière de Mermer, c'est-à-dire le marbre, a été exploitée plus que les autres, en raison de la qualité de la pierre. La falaise était exploitée sur une hauteur de 130 mètres, sur 100 mètres de longueur ; les blocs détachés étaient, ensuite, transportés par bateau pour approvisionner les grands chantiers urbains, peut-être à Orikos, — mais le site ne manque pas de pierre sur place —, sûrement à Épidamne-Dyrrhachion et à Apollonia ; on voit mal, en revanche, comment effectuer le transport de tels blocs vers Amantia par de mauvais chemins et sur une longue distance, et même vers Byllis, à moins d'utiliser, pour gagner cette ville, la navigation fluviale sur l'Aôos ; de plus, les carrières exploitées pour la construction de Byllis ont été maintenant bien identifiées à proximité même de la ville. Il n'est pas impossible que ces carrières aient aussi été exploitées pour la construction des villes importantes de la côte méridionale de l'Italie, dans la région de Brindisi2, Lecce. À Grammata, les carrières ont été exploitées surtout sur le versant méridional : à l'entrée de la crique, des falaises de 30 mètres de hauteur et d'une longueur d'une centaine de mètres témoignent de cette exploitation en carrière directement au-dessus de la mer. Plus loin, déjà sur le rivage, une carrière était exploitée sur une hauteur de 50 mètres sur deux parois formant un angle droit. Ce qui est certain, c'est que l'exploitation de ces carrières est antérieure aux inscriptions qui ont été gravées sur ces falaises, sinon les inscriptions auraient été détruites et ne nous seraient pas parvenues. On peut estimer que l'exploitation des carrières remonte au début de l'urbanisation, notamment dans les fondations coloniales, par conséquent à partir du VIe siècle avant J.-C, et notamment durant la grande phase de construction aux ive-rae siècles avant notre ère, comme c'est le cas notamment à Apollonia. Il est donc probable qu'aucune inscription n'est antérieure au me siècle avant J.-C. Ce nom de Grammata, qui fait évidemment référence aux inscriptions gravées dès l'Antiquité sur les falaises entourant la baie, n'est pas uploads/Geographie/les-inscriptions-de-grammata-albanie-cabanes-2007.pdf

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