Diane Chenaouy Jeudi 8 Janvier 2009 Di ss er tati on Vendredi ou les limbes du

Diane Chenaouy Jeudi 8 Janvier 2009 Di ss er tati on Vendredi ou les limbes du Pacifique Michel Tournier Vendredi ou les limbes du Pacifique de Michel Tournier, écrit en 1967, est une réécriture de Robinson Crusoé de Daniel Defoe qui lui a été écrit en 1719, soit un siècle et demi plus tôt. Ils décrivent la solitude totale sur une île expérimentée par un Occidental, mais plus tard survient un « sauvage » : Vendredi. Or la relation des deux Robinson avec ce dernier évolue de manière très différente, bien qu’à son arrivée, ils se pensent tous deux supérieurs et héritiers d’une civilisation détenant la vérité. De fait, Tournier explique que « l’idée que Robinson eût quelque chose à apprendre de Vendredi ne pouvait effleurer personne avant l’ère de l’ethnographie » —l’ethnographie étant l’étude des différents peuples —et que « pour Daniel Defoe [...Vendredi était] une bête [...] qui attend[ait] de recevoir son humanité de [...] l’homme occidental, seule détenteur de tout savoir» ainsi cet autre Robinson, s’il tente d’éduquer Vendredi, échoue, et le contraire se déroule : Vendredi se fait, selon les termes même de Tournier, « à la fois guide et accoucheur à l’homme nouveau ». Jusqu’au XVIIIème siècle, siècle des lumières et période où les voyages devenaient plus communs entre l’ancien et le nouveau monde, on croyait communément que les non Européens n’étaient pas des hommes. Après seulement les intellectuels et les voyageurs commencent à remettre en question le présupposé d’une supériorité Européenne. Qu’est-ce que l’étude des cultures dîtes sous ou non civilisées a apporté au monde occidental ? Nous verrons d’abord comment la société européenne est remise en question grâce aux études des autres sociétés, et ensuite nous nous demanderons qu’est-ce qu’un « sauvage » peut apporter à cette dernière. Dès le seizième siècle, des voyageurs commencent à rapporter des récits de voyage. Parfois l’observation et l’étude des autres cultures poussent ces voyageurs à comparer avec leur propre société, et donc la critiquer. Le cannibalisme et la connotation effroyable de cette pratique fait partie des idées toutes faites qui trône dans l’esprit des occidentaux. Considéré comme un acte de barbarie et tout comme la couleur de leur peau, leur fait penser que les Noirs et les Indiens sont des créatures du diable, ou au moins sans âmes. Pourtant André Thevet décrit dans son livre Singularités de la France Antarctique de 1557 un rituel où un soldat ennemi est préparé pour être manger par les vainqueurs et tout leur village. Ainsi, grâce à une grande rigueur et l’invention de cannibales « méchants » qui vivent ailleurs, il montre cet acte de façon objective et prouver qu’il n’est pas mauvais par lui-même. Vingt ans plus tard Jean de Lery s’interroge sur la nation de barbarie, dans Histoire d’un voyage en la terre du Brésil , après avoir décrit certains actes de grande cruauté de la part des populations locales, raconte des scènes bien pires qui se sont passées en Europe même et finit ainsi : « Parquoi, qu’on n’abhorre plus tant désormais la cruauté des sauvages anthropophages, c'est-à-dire mangeurs d’hommes ! Car, puisqu’il y en a de tels, voire d’autant plus exécrables et pires au milieu de nous, qu’eux qui, comme il a été vu, ne se ruent que sur les nations qui leur sont ennemies [...] il ne faut pas aller si loin [...] pour voir choses si monstrueuses ». L’auteur Montaigne constitue une étape importante vers la création du mythe du « bon sauvage » avec son récit « Des cannibales » où il dit que les nations brésiliennes sont proches de la « naïveté originelle », évoquant le mythe de l’âge d’or, il se demande si leur condition plus proche de la nature que n’importe quel autre homme qui vit en société occidentale n’est pas meilleure moralement. Ce que l’on reproche à la société occidentale, c’est son rapport à l’argent, le matérialisme. En effet, dans quel but accumuler des biens, toujours rechercher plus de profit ? L’absurdité de cela est bien illustrée par Tournier dans son Vendredi ou les limbes du Pacifique lorsque Robinson gère l’île administrée et conserve ce qu’il produit de façon compulsive : cela n’a aucun sens. D’ailleurs l’existence de l’argent entraîne forcément une structure particulière de la société, et donc des lois précises. Mais ces lois peuvent être vues comme une barrière à l’homme : elles l’empêchent d’être libre, alors qu’à l’ « état naturel », celui peut faire absolument ce qu’il veut. En 1703 dans son roman Dialogue avec un sauvage, le baron de La Hontan le souligne en faisant parler un Huron qui montre les défauts de la Loi et de la Justice européennes : « Au reste, il est faux [...] que le mot de lois signifie parmi vous les choses justes et raisonnables puisque les roches s’en moquent et qu’il n’y a que les malheureux qui les suivent » et il dénonce aussi l’arbitraire du colonialisme : « Qui vous a donné tous les pays que vous habitez ? De quel droit les possédez-vous ? » tout comme Diderot, soixante-dix ans plus tard dans le Supplément au voyage de Bougainville fait dire à un indigène à un Occidental « Tu n’es ni un dieu, ni un démon : qui es-tu donc pour faire des esclaves ? ». Rousseau va plus loin en déclarant dans son Discours sur l’origine de l’inégalité (1753) que les hommes ont tous vécu « libres, sains, bons et heureux » sans la société et que l’état des « sauvages » et celui de la « véritable jeunesse du monde », mais lui ne se préoccupe pas vraiment de la vie des populations indigènes et ne les a pas vraiment étudier, il les prend plutôt d’un point de vue théorique de peuple pur, jamais corrompu par la société. Il déclare dans un autre livre Emile que il ne ferait lire à son élève fictif que Robinson Crusoé mais avant l’apparition de Vendredi : en effet ce qui lui plait dans le roman c’est l’expérience humaine sans société, mais il ne considère pas Vendredi comme un véritable humain, pour lui Robinson n’a rien à apprendre de lui. Or c’est cet apprentissage, ce glissement de point de vue qui est marquant : à partir d’une vision de l’étranger comme celui d’un animal simiesque sans âme dont on peut faire ce qu’on veut comme posséder ses terres et le réduire en esclavage on passe à une vision d’eux comme des êtres certes inférieurs, mais pas totalement mauvais, puis à encore une autre vision, celle de ceux-ci comme des êtres humains primitifs, semblables à eux dans les premiers temps de leur évolution, et qui apportent un nouvel indice à la recherche du bonheur. Dans le roman Vendredi ou les limbes du Pacifique, Robinson dans son île est totalement seul. À travers des épreuves initiatiques, il évolue. Lorsque Vendredi arrive, il se remet de sa plongée dans la souille, la boue, semblable à de la drogue, qui le maintenait dans un état proche de la mort, en tenant l’île de façon absurdement organisée, administrée : il veut montrer son pouvoir sur la nature, qu’il la domine mais aussi veut écarter l’angoisse de perdre son humanité. Il est ici l’héritier de sa culture européenne de manière presque caricaturale tellement la situation est poussée à l’extrême. Si Robinson nie dans un premier temps à Vendredi la qualité d’être humain à part entière, c’est non seulement parce que c’est un « Indien mâtiné de nègre » — on comprend dans cette expression la portée du racisme de Robinson — mais aussi car il n’est qu’un enfant. La relation entre civilisé et sauvage est modelée sur la relation adulte-enfant de l’époque, où l’enfant avait un rôle peu important et où on ne le considérait pas comme un individu avec des pleins droits mais comme un adulte en devenir. Tout comme les enfants, Vendredi apporte de l’ingénuité à Robinson, de l’innocence : il est désintéressé et sensuel, il n’a pas les problèmes qu’a eu Robinson, il est heureux car il ne se remet pas en question, il n’évolue pas et ne vit que dans le moment présent. Il va détruire le travail « colonial » de Robinson en faisant sauter l’île et à partir de cet événement, vécu comme l’annihilation de tout ce qui restait de culture européanisée sur l’île, que l’homme civilisé va pouvoir, encore une fois, repartir de zéro. Vendredi est en harmonie avec la nature, tandis que Robinson cherche à la dominer, et échoue. Il est naturellement beau, semble s’intégrer parfaitement dans l’île : en harmonie avec la forêt, il se déguise en homme plante, proche des animaux, il dort avec le chien Ten qui lui est pourtant inconnu, et plus tard est décrit ainsi par Robinson : « cette chaire luisante et ferme, ces gestes de danses ralentis par l’étreinte de l’eau, cette grâce naturelle et gaie ». Toutes ces aptitudes des hommes qui ont vécu plus proches de la nature que les occidentaux, on les retrouve dans les uploads/Geographie/ dissertation-vendredi-ou-les-limbes-du-pacifiques-ethnographie-michel-tournier.pdf

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