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HAL Id: halshs-00077234 https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00077234 Submitted on 17 Feb 2010 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. L’homosexualité comme phénomène social Régis Dericquebourg To cite this version: Régis Dericquebourg. L’homosexualité comme phénomène social. CNRS. L’homosexuel(le) dans les sociétés civiles et religieuses., Cerdic Publications, pp.145-163, 1985, Recherches institutionnelles. ￿halshs-00077234￿ L’Homosexualité comme phénomène social. Par Régis Dericquebourg Il peut paraître étrange de présenter l’homosexualité comme un phénomène social. En effet, l’orientation dans le choix sexuel apparaît d’abord comme un phénomène psychologique personnel. Hesnard la définit de ce point de vue. « L’homosexualité consiste en une attirance érotique, préférentielle ou absolue, envers un partenaire sexuel de son propre sexe » et Haverlock Ellis, dans le chapitre : « L’inversion sexuelle» (1), débat de la question de l’orientation personnelle comme l’ont fait plus tard Hesnard dans sa Psychologie homosexuelle (2) et en partie H. Giese dans L’homosexualité de l’homme (3). Le problème étant celui des causes, différentes selon les auteurs. Mais en dehors du cas d’abstinence sexuelle, l’homosexuel a affaire à l’autre comme partenaire ou comme homophobe et, si l’on veut bien considérer que l’unité de base des phénomènes sociaux est le lien social ou l’interaction même, on fait entrer l’homosexualité dans l’ordre des phénomènes sociaux. Il n’est donc pas nécessaire d’inventer l’homosexualité en tant que réalité sociale, comme le fit Durkheim à propos du suicide lorsqu’il montre qu’un fait individuel isolé est aussi, au regard du sociologue, un fait social. Il suffit simplement de concevoir qu’il donne lieu à une multiplication d’interactions sociales. De toute façon, un fait individuel peut aussi être un fait collectif comme le montre S. Freud dans sa Psychologie collective et analyse du moi (4), lorsqu’il détruit l’idée qu’il existe une opposition profonde entre une psychologie collective et une psychologie individuelle en ces termes : « L’opposition entre la psychologie individuelle et la psychologie sociale ou collective, qui peut à première vue paraître très profonde, perd beaucoup de son acuité lorsqu’on l’examine de plus près. Sans doute, la première a pour objet l’individu et recherche les moyens dont il se sert et les voies qu’il suit pour obtenir la satisfaction de ses désirs et besoins, mais dans cette recherche, elle ne réussit que rarement, et dans des cas tout à fait exceptionnels, à faire abstraction des rapports qui existent entre l’individu et ses semblables. C’est qu’autrui joue toujours dans la vie de l’individu le rôle d’un modèle, d’un objet, d’un associé ou d’un adversaire, et la psychologie individuelle se présente dès le début comme étant en même temps, par un certain côté, une psychologie sociale, dans le sens élargi, mais pleinement justifié, du mot ». Cette citation nous rappelle aussi que tout sujet qui désire ou qui aime est placé sous le signe de l’altérité. Parce qu’il a affaire à l’autre et aux autres, l’homosexuel qui agit conformément à son orientation sexuelle, entre dans le champ des interactions sociales. Mais, il y a plus, à partir de ces interactions, les homosexuels ont constitué des formes collectives complexes, qu’on peut peut-être qualifier de culturelles. Notre propos est de montrer, à partir d’une revue de textes, l’évolution de la condition homosexuelle du fait individuel au phénomène collectif, c’est-à-dire comment l’homosexuel est passé de l’interaction duelle à des formes complexes de sociabilité. Le livre de Kruithof : L’amour, phénomène social (5), montrant qu’un sentiment amoureux n’est pas seulement un fait psychologique individuel, mais est aussi un fait social, nous montre la voie à suivre pour expliciter notre thèse. 1. Le style de vie homosexuel De nos jours, un certain nombre d’homosexuels affirment ouvertement leur orientation sexuelle, soit dans leur famille, soit auprès de leurs collègues de travail, soit encore auprès du voisinage ou dans leur communauté religieuse. L’aveu, la demande de reconnaissance, et la réaction des personnes concernées constituent déjà des éléments de l’interaction sociale, comme nous le verrons plus loin. Certains homosexuels écrivent ou confessent leur expérience à des journalistes. Ces écrits présentent l’avantage de montrer comment l’homosexualité est vécue par ses acteurs. Le livre du journaliste Paul-François Léonetti, fait d’interviews d’homosexuels : Je suis homo… comme ils disent (6), en fournit un exemple. Les confessions recueillies montrent que le lien entre l’homosexuel et les hétérosexuels est souvent un lien tragique puisque, pour ceux-ci, l’homosexuel porte la marque d’une différence difficile à accepter. Pour cette raison, les homosexuels interrogés revendiquent tous, personnellement, la fin de la distinction entre eux et les hétérosexuels dans la mentalité de ces derniers. Le livre de Geneviève Pastre : De l’amour lesbien, appartient au même registre (7). Ces livres décrivent aussi la quête de partenaire, soit en vue de relations éphémères, soit en vue d’une vie de couple, comme chez les hétérosexuels. Ces livres abordent toujours la question de l’attitude des Églises, des partis politiques et de la justice envers ce lien social. Ici, apparaît un troisième terme à la relation duelle : le système social représenté par ses institutions. Le livre d’Alain Bouchard : Nouvelle approche de l’homosexualité, style de vie (8) apporte un éclairage plus théorique sur les phénomènes qu’on entrevoit dans les récits autobiographiques précédents. L’auteur, un psychologue canadien, conçoit l’homosexualité, non comme une maladie mais comme un style de vie qui doit se manifester par une socialisation et une officialisation. La socialisation de l’homosexualité consiste à l’inscrire pleinement dans le système social, l’officialisation résulterait d’une modification des mentalités et des lois, les plus contraignantes et notamment le mariage entre homosexuels devrait être possible comme ils devraient pouvoir adopter des enfants. Sur le plan psychologique, Alain Bouchard souhaite que l’on libère l’homophile de la culpabilité née de ses tendances. Ce livre situe correctement l’option personnelle et le phénomène social dans l’homophilie. La première est ramenée au désir de l’homologue, le second est rapporté à l’intervention du système social dans l’expression de ce désir. L’auteur propose aux homophiles de se rendre plus heureux grâce à l’affirmation de leur identité sexuelle (le coming out) et grâce à l’acculturation c’est-à-dire la fréquentation et la conformisation aux normes des groupes d’homosexuels ainsi que par la « normalisation » c’est-à-dire en se concevant comme normal, sans vouloir changer. Mais surtout, Alain Bouchard conseille aux urianistes d’accentuer leurs liens sociaux, non seulement avec un partenaire mais aussi dans des formes de sociabilité telles que les groupes homosexuels (groupes de rencontre, associations homophiles…) qu’il qualifie de «sous-culture», terme sur lequel nous nous interrogerons plus loin. Le livre d’Alain Bouchard est intéressant dans la mesure où il ne réduit pas l’homosexualité à des liens duels mais à des formes de vie communautaire conçues comme nécessaires. Celles-ci constituent une autre dimension du lien social. Toutes ces thèses sont reprises sous une forme plus psychologique dans un autre de ses ouvrages : Le complexe des dupes (9). La recherche d’un partenaire peut se faire à l’intérieur d’un autre phénomène social informel : la prostitution. Le livre de Robbin Lloyd, Les garçons de nuit (10), montre l’existence de ce phénomène. Un numéro spécial du bulletin du Centre du Christ Libérateur: Prostitution fait de même (11) et Kenneth N. Ginsburg s’interroge sur les aspects psychologiques de ce phénomène dans The « MeatRack», A study of the male homosexual Prostitute» (12). On le voit, il est difficile de concevoir une homosexualité pratiquée sous l’angle strictement personnel. Même le lien social fondamental qu’est la quête d’un partenaire prend une dimension sociale. Ici l’analogie entre le lien homosexuel et l’amour hétérosexuel comme phénomène social est parfaite si l’on admet la démonstration que donne Kruithof. Il en va de même du style de vie homosexuel qui nécessairement entre en interaction avec le système social. C’est à l’analyse de ce lien social de base que nous invitent William Simon et John Gagnon dans leur article : Homosexuality: The formulation of a sociological perspective (13). Ceux-ci prônent l’analyse des phases de la vie socio-sexuelle de l’homosexuel ainsi que la recherche des causes personnelles et sociales de l’adoption d’un style de vie plutôt qu’un autre, étant entendu que l’homosexuel peut vivre sa vie de plusieurs façons. Il s’agit là d’une perspective sociologique trop restreinte mais elle présente néanmoins l’intérêt de placer le lien homosexuel dans le registre social. 2. Lien social et système social Dans le paragraphe précédent nous avons montré que l’homosexuel qui n’est pas abstinent, entre dans le domaine des interactions sociales conformes à son désir. Nous avons vu aussi que très vite il rencontrait un troisième terme de ses interactions : le système social par le biais de la réprobation collective ou de la répression. La littérature sur l’homosexualité aborde aussi ce troisième élément. C’est le cas du livre d’Alain Bouchard puisque celui-ci conseillait d’affronter le discours uploads/Finance/ l-homosexualite-phenomene-sociale-hal.pdf

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  • Publié le Oct 25, 2021
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