B) Cas pratique Énoncé Votre ami, M. CAREME, actionnaire de la société PRISTI,

B) Cas pratique Énoncé Votre ami, M. CAREME, actionnaire de la société PRISTI, société anonyme au capital de 500 000 euros, dont il détient 3% du capital social, vient vous trouver le 1er juin. Il a reçu, dans les délais légaux et réglementaires, une convocation à l'assemblée générale ordinaire des actionnaires de la société qui doit se tenir le 5 juin. M. CAREME et quelques autres actionnaires de la SA PRISTI (représentant quant à eux 1,85% du capital social) sont particulièrement mécontents de la manière dont cette société est dirigée. Leur colère se tourne surtout vers M. ROBIN, le président du directoire, également détenteur de quelques actions de la société. Ce qui inquiète le plus M. CAREME est que la révocation de M. ROBIN n'a pas été inscrite à l'ordre du jour. Il espère cependant que l'assemblée pourra se prononcer sur cette question. L'actionnaire a par ailleurs entendu dire que les amis de M. ROBIN, qui seraient susceptibles de s'opposer à sa révocation, ne seraient pas physiquement présents mais seraient réunis au siège de la filiale finlandaise de la société, dans une salle de visioconférence. Les statuts de la SA PRISTI, rédigés il y a 20 ans maintenant, et jamais modifiés depuis, ne prennent pas en compte cette modalité d'intervention aux assemblées générales. Enfin, M. CAREME s'est vu confier par un actionnaire important de la société PRISTI, M. PIC, la mission de le représenter à l'assemblée et de voter en son nom. Il ne sait cependant pas s'il est en mesure de voter la révocation de M. ROBIN au titre des droits de vote de M. PIC, et il craint que ce mandat soit contesté par M. ROBIN. M. CAREME vous informe cependant du fait qu'il a transmis à la société la procuration reçue de M. PIC 7 jours au moins avant l'assemblée, comme les statuts de la société lui en faisaient l'obligation. Il faut reprendre point par point, après les avoir mises en évidence, les questions juridiques soulevées par la situation qui vous est soumise. Les questions posées sont toutes relatives à la tenue de l'assemblée générale de la société PRISTI, qui est une société anonyme à directoire. Question 1 : le problème de la non-inscription à l'ordre du jour de la révocation du président du directoire Les membres du directoire de la SA sont nommés par le conseil de surveillance qui donne à l'un d'eux la qualité de président (C. com., art. L. 225-59). T outefois, l'assemblée des actionnaires est compétente pour révoquer les membres du directoire, y compris le président (C. com., art. L. 225-61). L'assemblée ne pouvant délibérer sur une question qui n'est pas inscrite à l'ordre du jour (C. com., art. L. 225-105, al. 3), les inquiétudes de M. CAREME apparaissent légitimes. Une première possibilité pour M. CAREME pourrait consister à demander l'inscription à l'ordre du jour d'un projet de résolution visant la révocation de M. ROBIN de son poste de membre du directoire (et par là même de président de cet organe). Cette possibilité apparaît cependant doublement fermée. L'article L. 225-105, alinéa 2 du Code de commerce subordonne en effet la demande d'inscription de projets de résolution à l'ordre du jour à la détention de 5% au moins du capital. Or il apparaît que M. CAREME (3 %) et ses alliés (1,85 %) ne totalisent que 4,85% du capital social. Par ailleurs, l'article R. 225-72 impose de respecter un délai de 25 jours avant la date de l'assemblée réunie sur première convocation. Or il n'y a plus que 5 jours entre le moment où M. CAREME vient vous trouver et la date à laquelle doit se tenir l'assemblée. Cependant, il existe une dérogation importante à la règle selon laquelle une assemblée ne peut statuer que sur un point inscrit à l'ordre du jour. Cette dérogation, également prévue par l'article L. 225-105, alinéa 3, porte sur la révocation d'un ou plusieurs administrateurs ou membres du conseil de surveillance, mais pas sur celle des membres du directoire. Des juridictions du fond ont pu se prononcer sur la question. La cour d'appel de Paris a ainsi jugé, par un arrêt en date du 17 janvier 2003, que l'assemblée avait la possibilité de statuer sur la révocation d'un membre du directoire, même en l'absence de toute inscription préalable à l'ordre du jour (Paris, 17 janv. 2003, JCP E 2003. 1334, obs. J.-J. Caussain, F . Deboissy et G. Wicker). La cour d'appel de Lyon a quant à elle jugé que l'article L. 225-105, al. 3 devait s'interpréter restrictivement, et que le projet de révocation d'un membre du directoire devait être inscrit à l'ordre du jour (Lyon, 15 déc. 2005, JCP E 2006. 784). Il faut cependant réserver le cas de l'application de la théorie des incidents de séance (théorie jurisprudentielle dont l'art. L. 225-105, al. 3 du C. com. est la consécration légale), et si les discussions tenues au cours de l'assemblée font apparaître que la révocation du membre du directoire est envisageable, l'assemblée pourra se prononcer sur cette question sans que soit nécessaire la convocation d'une nouvelle assemblée. Il appartiendra donc à M. CAREME d'orienter les discussions sur cette question, le jour de l'assemblée. Cette manière de procéder n'est cependant pas parfaitement sure, en ce qu'elle ne met pas les actionnaires ou la société à l'abri d'une contestation de la révocation, fondée sur le caractère artificiel de l'extension de l'ordre du jour ainsi opérée. Question 2 : le vote des amis de M. ROBIN par visioconférence Cette question sera d'autant plus importante que le nombre des droits de vote détenus par les amis de M. ROBIN sera élevé. Ces actionnaires peuvent-ils participer à l'assemblée par le biais d'un dispositif de visioconférence ? Leur intervention dans les débats est sans doute possible, et ils pourront de cette manière, peut-être, influer sur les décisions qui seront prises par l'assemblée. En revanche, il est important de noter que la participation à une assemblée par visioconférence ne permet de réputer présents les actionnaires concernés, pour le calcul du quorum et de la majorité, que si les statuts de la société le prévoient, aux termes de l'article L. 225-107, II du Code de commerce. Il serait plus efficace pour les amis de M. ROBIN de participer aux discussions par le biais de la visioconférence, tout en donnant mandat à un autre actionnaire, à M. ROBIN par exemple, afin qu'il exerce les droits de vote attachés à leurs actions. Si cette organisation n'a pas été prévue avant la tenue de l'assemblée, il ne sera cependant plus possible d'y recourir, les statuts de la SA PRISTI prévoyant l'obligation de transmettre à la société les procurations reçues 7 jours au moins avant l'assemblée. Question 3 : le mandat donné par M. PIC à M. CAREME En sa dernière rédaction, résultant de l'ordonnance du 9 décembre 2010, l'article L. 225-106 du Code de commerce dispose que, dans les sociétés non cotées, un actionnaire peut se faire représenter par son conjoint ou par le partenaire partie à un PACS, mais également par un autre actionnaire. M. CAREME peut donc, en qualité d'actionnaire, valablement représenter M. PIC. La question de l'étendue de ces pouvoirs de représentation doit cependant être posée. On pourrait considérer que les pouvoirs donnés au mandataire doivent être interprétés de manière restrictive, et que les questions non inscrites à l'ordre du jour, en l'occurrence la révocation d'un membre du directoire, en sont nécessairement exclues. T outefois, l'extension de l'ordre du jour aux questions relatives à la révocation des dirigeants est prévue par la loi, au moins s'agissant des administrateurs et des membres du conseil de surveillance. Ce n'est donc qu'en présence d'une restriction expresse apportée au mandat que le mandataire devra s'interdire de voter sur cette question, ainsi que le juge la Cour de cassation dans un arrêt de la chambre commerciale en date du 1er juillet 2008 (Bull. Joly 2009. 244, note B. Dondero). On pourra simplement émettre une réserve, qui tient au fait que l'article L. 225-105, alinéa 3 pourrait ne pas s'appliquer à la révocation d'un membre du directoire. Si c'est alors seulement par la théorie jurisprudentielle des incidents de séance que la question est évoquée lors de l'assemblée, il existe un risque que le juge saisi considère que le mandat ne pouvait implicitement porter aussi sur cette question. uploads/Finance/ cas-pratiques-droit-special-des-societes.pdf

  • 62
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager
  • Détails
  • Publié le Dec 12, 2021
  • Catégorie Business / Finance
  • Langue French
  • Taille du fichier 0.0259MB