Une loi sur les secrets des affaires en vue ? 04 T R I M E S T R E 4 N U M É R
Une loi sur les secrets des affaires en vue ? 04 T R I M E S T R E 4 N U M É R O S P É C I A L - D É C E M B R E 2 0 1 4 B U L L E T I N D U D R O I T D E S S E C R E T S D ’ A F FA I R E S C omme les marins ayant navigué loin de leur port d’attache depuis plusieurs mois, après s’en être remis aux caprices des vents, aux grés des flots et aux astres, nous serions désormais tenté de saluer la nouvelle initiative sur le secret des affaires comme une terre hospi talière symboliquement soulignée par un cri heureux et salvateur de la vigie : « terre en vue !! ». S’il reste encore beaucoup d’écueils à évi ter, notamment politiques et juridiques, pour parvenir à une sanctuarisation objective du secret des affaires en droit positif français, nous pouvons saluer cette nouvelle initiative qui a su, jusqu’à cet instant, traverser bien des vicissitudes. En premier lieu, ne boudons pas notre plai sir à reconnaître que le législateur a su s’inspirer des seules normes indépassables et incontournables telles que contenues dans les Accords sur les Droits de Propriété Intellectuelle liés au Commerce (ou « ADPIC » - notamment l’article 39.2), formant annexe au Traité de Marrakech instituant l’OMC en 1994, à laquelle la France a adhéré. Il était impératif, ainsi que l’Union Européenne l’a rappelé quant à elle dans son projet de directive rendu public le 28 novembre 2013, de s’inscrire dans cette disposition supra nationale, laquelle forme la « seule fenêtre de tir » possible pour entreprendre une telle législation sur le secret des affaires. Nous l’avions toujours souligné et porté dans les travaux et groupes de travail auxquels nous avons contribué. Dont acte. Cette exigence de conformité doit être approuvée. Alors certes, on pourra s’étonner qu’une loi de transposition soit adoptée avant la Directive elle-même censée imprimer le cap. A cet égard, on comprendra aisément que l’initiative française soit attentivement suivie par Bruxelles. Toutefois, pour la France, le temps presse car – ainsi que nous le rappelle la CCI France, se prêtant à l’exercice com paratif que nous avions nous-même pratiqué pour la Revue Internationale d’Intelligence Economique – la France demeure un des derniers pays à n’avoir pas de loi protégeant le secret des affaires. Elle est démunie et le besoin d’adopter un tel référentiel est criant. En second lieu, avons le plaisir d’accueillir dans nos colonnes la tribune de Madame Claude REVEL, Déléguée Interministérielle à l’Intelligence Economique. Nous lui faisons la faveur toute légitime de revenir sur certaines dispositions emblématiques. Afin de nourrir la réflexion sur ce sujet majeur, nous nous autorisons une analyse constructive faisant néanmoins apparaître des omissions dans la proposition de loi que les travaux à venir pourraient combler. Et pour conclure notre propos, nous laissons le philosophe s’exprimer sur un sujet aussi sensible : « Entre secret et divulgation, une tension per manente traverse en fait notre époque, plus intensément qu’aucune autre. Nos moyens de tout surveiller, de recouper les informa tions, de pister les trajectoires se démulti plient. La nécessité de préserver l’anonymat, la vie privée, les secrets personnels ou industriels devient à la fois plus impérieuse et plus malaisée à mettre en œuvre. On se prend à rêver d’un nouvel art de la dissimu lation, d’une sorte de cachotterie bien tem pérée. Quelques règles de base pourraient y présider. Cesser de croire, par exemple, que toute occultation cache un acte délictueux. Il y a bien évidemment des ombres légitimes et des opacités vertueuses. Il ne serait pas malvenu de nous souvenir que le secret a ses vertus. » Soyons donc vertueux ! BSA « Dire le secret d’un autre est une trahison, dire le sien est une sottise » Voltaire. Sommaire Editorial P.1 Tribune P.2 Analyse P.4 Focus P.7 A vrai lire P.10 EDITORIAL Par Olivier de MAISON ROUGE Avocat –Docteur en droit Rédacteur en chef du BSA 1 Olivier de MAISON ROUGE « La protection des secrets d’affaires à l’étranger : exercice de droit comparé », Revue Internationale d’Intelligence Économique, Série Publications Numériques, Janvier 2012. 2 DROIT Roger-Pol, « Dangereuse transparence », in Les Echos, n°21046 du 26 octobre 2011 L a mondialisation irrigue aujourd’hui tous les secteurs de notre économie. Ce mouvement est stimulant pour la production et la diffusion de savoir-faire de nos entreprises, mais recèle également des risques. La captation et l’utilisation d’informations qualifiables de secrets d’affaires en font partie. Ce sujet est d’autant plus sensible que le lien est fort entre les notions de secrets d’affaires et d’innovation. Or, l’innovation est un facteur potentiel essentiel de croissance pour l’Union européenne et pour la France en particulier. Ce concept induit une dynamique de création, le développement d’une démarche de recherche et développement ainsi que de stratégies commerciales. Ce qui génère une circulation d’informations qui sont des sources de compétitivité mais aussi des cibles possibles pour des concurrents souvent bien armés juridiquement. Alors que le numérique est présent dans notre quotidien à tous, les menaces qui pèsent sur nos entreprises sont devenues plus diffuses et plus immatérielles. Dans ce cadre, la proposition de loi déposée le 16 juillet 2014 conjointement par les dépu tés Jean-Jacques Urvoas, président de la Par Claude REVEL et Sophie SALAÜN, Délégation interministérielle à l’Intelligence économique TRIBUNE n°04 N U M É R O S P É C I A L - T R I M E S T R E 4 - D É C E M B R E 2 0 1 4 Secret d’affaires, un texte très attendu 2 © Portail de l’IE - 2012 - www.portail-ie.fr Commission des lois et Bruno Le Roux consti tue pour l’avenir un socle juridique essentiel. Ce texte contribuera à mieux protéger les intérêts de nos entreprises. Mais ce projet va au-delà de la protection, il a pour ambition de placer nos acteurs économiques, de grande ou de petite taille, à égalité avec des concur rents originaires de pays dont les systèmes juridiques disposent de ressources qui ne sont pas forcément en vigueur dans les pays de droit continental. Ces concurrents peuvent user de règles de droit qui énoncent certes l’ambition de pro mouvoir une plus grande transparence mais peuvent aussi devenir une arme redoutable pour qui ambitionne de capter sans se placer en infraction des informations d’autant plus difficiles à protéger qu’elles sont souvent détenues sur des supports immatériels. La Délégation interministérielle à l’intelligence économique s’est fortement impliquée dans les réflexions qui ont permis d’aboutir à la présente proposition de loi relative au secret des affaires. Ces réflexions ont été d’autant plus fruc tueuses que des acteurs très divers (notam ment du monde des affaires et de l’entreprise, des juristes et universitaires spécialisés, des responsables d’administration,…) y ont contri bué. Pourquoi un texte spécifique ? Parce qu’il est nécessaire d’identifier explicitement le secret des affaires dans notre corpus législatif, dans un souci de visibilité et d’efficacité. Il n’existait pas de définition de cette notion essentielle et le risque était grand, en l’insérant dans un dispositif déjà existant, d’aboutir à des confu sions. Ce domaine particulièrement exposé méritait qu’il lui soit consacré un texte propre. D’autres Etats en disposent déjà, comme la Suède qui s’est dotée en 1990 d’une loi exclusivement consacrée à la répression des atteintes aux secrets d’affaires (loi 1990:409 du 31 mai 1990 relative à la protection des secrets commerciaux). Aux Etats-Unis, le Congrès s’est mobilisé sur ces sujets. Une proposition de loi intitulée « The Defend Trade Secret Act » a été déposée au Sénat le 29 avril 2014. Il y est notamment proposé de faire remonter les contentieux pénaux et civils au niveau fédéral en faisant, en matière pénale, du vol des secrets d’affaire un crime fédéral. Le texte propose également de renforcer en matière civile les mesures pouvant être prises par le juge fédéral pour enjoindre de ne pas utiliser les secrets ainsi volés. Il vise par ail leurs à permettre aux victimes d’obtenir des dommages et intérêts punitifs plus importants que ce qu’elles pourraient percevoir en éva luant le manque à gagner qu’elles auraient perçu si elles avaient permis à un tiers d’ex ploiter leurs secrets. La proposition de loi française a su tirer les enseignements de précédents projets rela tifs à ce sujet sensible et, en s’articulant de manière parfaitement cohérente avec le projet de directive européenne en cours de discus sion. Elle propose un dispositif robuste, nova teur et réellement opérationnel. Ce texte est discuté, et parfois contesté. On ne peut que s’en féliciter, la vivacité des débats démontrant l’actualité du sujet abordé. C’est en effet dans ce contexte stratégique que la Commission européenne a présenté le 28 novembre 2013 un projet de directive sur « la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulguées, dits secrets d’affaires contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illi cites ». Cette initiative s’inscrit uploads/Finance/ bulletin-du-droit-des-secrets-d-x27-affaire.pdf
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- Publié le Fev 19, 2021
- Catégorie Business / Finance
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