Colloque international sur « La mise en œuvre du gouvernement ouvert », organis

Colloque international sur « La mise en œuvre du gouvernement ouvert », organisé par le Ministère de la Fonction publique et de la Modernisation de l’Administration et l’OCDE, le 8 novembre à Rabat Le droit d'accès à l'information : état des lieux et perspectives à la lumière de la nouvelle constitution Abdallah Harsi Professeur de droit public Membre du Conseil National de Transparency Maroc Introduction Réclamée depuis longtemps par de nombreuses composantes de la société civile marocaine, la constitutionnalisation du droit d’accès à l’information a enfin eu lieu à l’occasion de la promulgation de la constitution de 2011. L’article 27 de la constitution pose le principe, et renvoie à la loi pour les modalités et conditions de mise en œuvre. Pour saisir la portée de cette réforme, il convient de la placer dans son contexte général, en rappelant notamment l’état du droit antérieur (dominé par une interdiction de principe de divulguer l’information), le référentiel international en la matière, le droit comparé, avant d’analyser le contenu de l’article 27 et indiquer quelques pistes de travail pour l’élaboration d’une loi sur l’accès à l’information. I. L’interdiction de principe du droit d’accès à l’information avant la constitution du 1er juillet 2011 Contenu de l’article 18 du statut général de la fonction publique En droit administratif marocain, la règle générale est l’interdiction de principe faite aux fonctionnaires et agents publics de fournir des informations ou transmettre des pièces ou documents administratifs à autrui. Cette règle découle de l’article 18 du dahir du 24 février 1958 portant Statut général de la Fonction publique. De nos jours, cette règle est largement dépassée, mais l’interdiction peut toujours être mise en avant pour refuser à quiconque l’accès 2 à l’information et aux documents administratifs, sauf dans les cas prévus par voire règlementaire. Cet article distingue deux cas. Le premier est celui du secret professionnel, tel que régi et sanctionné par le Code pénal. Le second a un aspect administratif : celui de l’obligation de discrétion professionnelle, avec une interdiction formelle de communiquer des documents administratifs aux tiers. Ces dernières obligations s’inscrivent dans le cadre du au statut général de la fonction publique. Voici les termes de l’article 18 : « Indépendamment des règles instituées dans le Code pénal en matière de secret professionnel, tout fonctionnaire est lié par l’obligation de discrétion professionnelle pour tout ce qui concerne les faits et informations dont il a connaissance dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions. « Tout détournement, toute communication contraire au règlement de pièces ou documents à des tiers sont formellement interdits. En dehors des cas prévus par les règles en vigueur, seule l’autorité du ministre dont dépend le fonctionnaire peut délier celui-ci de cette obligation de discrétion ou le relever de l’interdiction édictée ci-dessus. ». Le renvoi au code pénal : le secret professionnel C’est une question que le Code pénal (Dahir du 26 novembre 1962) aborde – de manière incidente et sans entrer dans les détails - dans l’article 446. Or, une lecture attentive de cet article fait apparaître qu’il concerne surtout le domaine médical (avortement), les actes criminels, les mauvais traitements ou les privations à l’endroit des mineurs, ou d’un des conjoints à l’endroit de l’autre, ou contre une femme… tous des cas où il est fait obligation à toute personne qui en a eu connaissance à l’occasion de l’exercice de sa profession ou sa fonction d’en informer qui de droit. Il n’existe pas, dans le Code pénal, de dispositions spéciales expresses sanctionnant clairement les fonctionnaires d’une manière générale pour non respect du secret professionnel Toutefois, l’article 446 interdit également à toute personne qui, en raison de ses fonctions permanentes ou temporaires, est dépositaire de secrets professionnels, de révéler ces secrets, et sanctionne les contrevenants d’une peine d’emprisonnement et d’une amende. Mais on ne peut déduire que ces dispositions s’appliquent également aux fonctionnaires de 3 l’administration, étant donné l’esprit général de cet article. Il faut mentionner une autre disposition, formulée en général, et qui ne concerne pas directement les fonctionnaires. Il s’agit de l’article 181 qui dispose à l’égard de tout marocain coupable de violation des secrets de la défense nationale. Malgré l’ambigüité de la loi pénale, on peut penser qu’elle demeure applicable aux agents du service public, mais uniquement dans les cas où un texte législatif ou réglementaire le prévoit expressément. Exemples : les articles relatifs au secret professionnel de la loi des finances pour l’exercice 2005 (art. 38) et du décret du 5 février 2007 relatif aux marchés publics (art. 93). Le secret professionnel ne se définit donc pas d’une manière générale, mais il y a secret professionnel chaque fois que le législateur l’impose expressément pour une activité administrative donnée, et pour une catégorie de fonctionnaires déterminée. Inversement, l’obligation de discrétion professionnelle et de non communication des documents administratifs, qui découlent de l’article 18 du Statut général de la fonction publique, ont une portée beaucoup plus générale et constitue un véritable frein à la promotion du droit d’accès à l’information. Le véritable sens de l’obligation de discrétion professionnelle Selon l’article 18 précité, tout fonctionnaire est tenu de garder secrets (ou confidentiels) les informations professionnelles qui parviennent à sa connaissance pendant l'exercice de ses fonctions. Il s'agit non pas du "secret professionnel" au sens du Code pénal, mais de la simple obligation de "tenir sa langue", soit ne pas divulguer oralement ce qui se produit dans l’administration où le fonctionnaire exerce ses fonctions. Les auteurs de droit administratif conviennent à ce propos de considérer qu’une telle obligation s'applique à la vie privée du fonctionnaire, c'est-à-dire en dehors de l’administration. L’interdiction de principe de communiquer les documents administratifs à autrui D'un autre côté, le même article 18 interdit formellement à tout fonctionnaire de communiquer à d'autres personnes des documents ou autres pièces administratives de façon non réglementaire, c’est-à-dire non conforme aux dispositions d'un texte réglementaire. Ce qui ne débarrasse pas ce passage de son ambiguïté. Il est donc possible de considérer que ce passage accorde au fonctionnaire la permission de délivrer des documents ou pièces dans le cas où il existe un texte qui le permet. Auquel cas, il est clair qu'il ne s'agit pas là d'un droit d'accès à l'information ou de consultation des documents administratifs (la question ne se 4 posait pas ainsi en 1958, date où le Statut de la Fonction publique a été rédigé et promulgué), mais d'une simple mention de la catégorie de documents qu'il faut délivrer et qui relève des compétences des différentes administrations, tels que les autorisations et les attestations administratives. Les exceptions prévues L’article 18 dispose, par ailleurs, qu'il n'est pas permis de délier un fonctionnaire de l'obligation de discrétion professionnelle ou de lever l'interdiction qui lui est faite de communiquer des documents à de tierces personnes sans décision du ministre dont relève ledit fonctionnaire, sauf dans les cas où les textes en vigueur en disposent autrement. Et, là aussi, la mention ne manque pas d'ambiguïté. On pourrait l'interpréter comme une disposition accordant le dernier mot en la matière au ministre tant qu'il n'y a pas d'autre texte législatif ou réglementaire accordant une telle prérogative à une autre autorité administrative supérieure ou subalterne. Pour une reconnaissance de principe du droit d’accès des citoyens à l’information et aux documents administratifs Le contenu de l’article 18, rédigé en 1958 et jamais modifié, est actuellement largement dépassé par la pratique administrative. De nombreuses administrations mettent à la disposition du public un ensemble de documents sous forme d'études, de rapports, de circulaires, de statistiques, etc., dans des centres de documentation ou des bibliothèques propres à ces administrations, ou par des moyens de communication électroniques. Cette pratique doit être légalement consacrée, précisée et élargie. L’accès à l’information et aux documents administratifs est devenu, de nos jours, un droit lié à celui de l’accès au service public. Il est donc nécessaire de remanier le contenu de cet article afin d'accompagner ces développements. Les interdictions imposées aux fonctionnaires doivent rester exceptionnelles, alors que le droit des citoyens à l'information et l'accès aux documents administratifs faire l’objet d’une reconnaissance de principe par la promulgation d’une loi spécifique. Autrement, en l'absence d'une telle loi, l’article 18 peut s'avérer un fondement sérieux pour toute administration qui refuse de délivrer des informations, documents et pièces aux administrés, les privant ainsi de l’un des droits fondamentaux reconnus actuellement aux usagers du service public. La promulgation de la constitution de 2011 qui reconnait le droit d’accès à l’information modifie substantiellement l’état du droit marocain en la matière. Mais avant d’analyser les dispositions constitutionnelles et explorer à leur lumière de nouvelles pistes de travail, il 5 convient d’exposer le référentiel international en la matière, ainsi que quelques expériences étrangères de reconnaissance du droit d’accès à l’information. II. Le référentiel international en la matière Le droit d’accès à l’information a été considéré parfois restrictivement comme étant un droit d’accès aux documents administratifs. C’est le cas, par exemple, de la loi française du 17 juillet 1978. Toutefois, ce droit est désormais reconnu au niveau international comme étant intrinsèquement lié et découlant du uploads/S4/le-droit-dai.pdf

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  • Publié le Nov 12, 2021
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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