DIRE LE DROIT EN AFRIQUE FRANCOPHONE Faculté des sciences juridiques et politiq

DIRE LE DROIT EN AFRIQUE FRANCOPHONE Faculté des sciences juridiques et politiques de Dakar Centre toulousain d’histoire du droit et des idées politiques DROIT SENEGALAIS n° 11 – 2013 DIRE LE DROIT EN AFRIQUE FRANCOPHONE sous la direction de Mamadou Badji, Olivier Devaux et Babacar Gueye Presses de l’Université Toulouse 1 Capitole 6 Copyright et diffusion : 2013 Presses de l’Université Toulouse I Capitole 2 rue du doyen Gabriel Marty 31042 Toulouse cedex ISSN : 1958-3419 ISBN : 978-2-36170-052-2 REVUE DROIT SENEGALAIS Directeur de publication : M. le doyen de la Faculté des sciences juridiques et politiques Comité scientifique : - Ndiaw DIOUF - Mamadou BADJI - André CABANIS - Abdoullah CISSE - Aminata CISSE NIANG - Olivier DEVAUX - Madjiguène DIAGNE - Françoise DIENG - Seydou DIOUF - Alioune Badara FALL - Ismaïla Madior FALL - Babacar GUEYE - Ibrahima LY - El Hadj MBODJ - Isaac Yankhoba NDIAYE - Paul NGOM - Abdoulaye SAKHO - Alioune SALL - Moussa SAMB - Sylvain SANKALE - Filiga-Michel SAWADOGO - Joseph ISSA-SAYEGH - Amsatou SOW SIDIBE - Demba SY - Samba THIAM 8 Comité de lecture : - MM. les professeurs Mamadou BADJI - André CABANIS - Françoise DIENG - Alassane KANTE - Ibrahima LY - Demba SY TABLE DES MATIERES DIRE LE DROIT EN AOF AUX 19e ET 20e SIECLES : ENTRE IDEAL DE JUSTICE ET STRATEGIE COLONIALE. par Mamadou Badji………………………………………………….. 11 LE LEGISLATEUR SENEGALAIS FACE A LA BIOETHIQUE par Patrice Badji……………………………………………………... 51 DIRE LE DROIT OU LA RE CRÉATION DE LA PAIX EN AFRIQUE NOIRE TRADITIONNELLE par Séraphin Néné Bi Boti………………………………………… 83 DIRE LE DROIT CONSTITUTIONNEL EN AFRIQUE FRANCOPHONE par André Cabanis et Babacar Gueye……………………………….. 103 DIRE LES DROITS EN AFRIQUE. LES PARAJURISTES ET LES DEFIS LINGUISTIQUES par Riccardo Cappelletti …………………………………………….. 123 ETUDE CRITIQUE DE L’IMPOSSIBILITE MORALE DANS LA PREUVE DES ACTES JURIDIQUES EN AFRIQUE NOIRE FRANCOPHONE par Abdoul Aziz Diouf………………………………………………. 155 DIRE LA COUTUME DANS L’ANCIENNE FRANCE ET EN AFRIQUE COLONIALE : QUELQUES ELEMENTS COMPARATIFS AU TRAVERS DE LA PROCEDURE DE REDACTION par Béatrice Fourniel et Olivier Devaux…………………………….. 187 DIRE LE DROIT DE LA SANTE EN AFRIQUE DE L’OUEST par Joseph Mendy…………………………………………………… 207 Table des matières 10 LA REPRESSION DU DELIT D’ESCLAVAGE AU SENEGAL PAR LE JUGE COLONIAL FRANCAIS par C.A.T. Ndiaye…………………………………………………… 223 PROLEGOMENES POUR UNE EPISTEMOLOGIE DU DROIT EN AFRIQUE par Aboudramane Ouattara………………………………………… 249 ECRIRE, DIRE ET COMPRENDRE LE DROIT ADMINISTRATIF EN AFRIQUE. UNE APPROCHE JURIDIQUE ET SOCIOLOGIQUE par Demba Sy……………………………………………………… 291 RAPPORT DE SYNTHESE par André Cabanis…………………………………………………… 303 DIRE LE DROIT EN AOF AUX 19e ET 20e SIECLES : ENTRE IDEAL DE JUSTICE ET STRATEGIE COLONIALE par Mamadou Badji, professeur titulaire Université Cheikh Anta Diop de Dakar Le XIXe siècle marque l’apogée de l’Empire colonial français1 et apparaît, dans une large mesure, comme celui de la mise en sourdine de la « politique de la canonnière ». C’est en effet l’époque où « la colonisation française substitue à son fondement initial qu’est la force un fondement juridique »2, par le transbordement outre-mer des principes du droit français. Au plan de l’histoire du droit, ce siècle est déterminant en ce qu’il ouvre un processus de maîtrise du sol et d’affirmation de la « puissance d’Etat »3 dans les colonies, se concrétisant dans la mise en place d’institutions tant administratives que judiciaires. Tributaires de cette conjoncture, les positions de politique coloniale, alors en gestation doctrinale4, laissent poindre des principes fortement articulés5, oscillant entre des convictions 1 En réalité, ce résultat n’a été atteint qu’à partir des années 1880 et le début du XXe siècle : l’époque correspond à la fin de l’expansion coloniale républicaine et l’Empire français atteint son extension maximale dans les années 1910, avec la création de l’AEF (1910), l’achèvement de la conquête du Tchad (1912) et le protectorat sur le Maroc (1912). 2 M. KAMTO, Pouvoir et Droit en Afrique noire. Essai sur les fondements du constitutionnalisme en Afrique noire francophone, Paris, LGDJ, 1987, p. 208. 3 Au sens où l’entend R. CARRE DE MALBERG, dans sa définition de la souveraineté, in Contribution à la théorie générale de l’Etat, t. 1, chap. II. 4 H. LABOURET, « A la recherche d’une politique coloniale », in Le monde colonial illustré, 82 (juin 1930), p. 133. 5 J. DE LANESSAN, Principes de colonisation, Paris, 1897 : « Dominés par l’esprit juridique romain, qui est au fond de toutes nos institutions métropolitaines, nous n’avons pas de souci plus grand que celui de transplanter dans nos établissements coloniaux tout l’appareil administratif et judiciaire de la Mère Patrie (…) ». Mamadou Badji 12 assimilationnistes et des intuitions liées à la nécessité d’une adaptation aux « localités ». Toutefois, le bouleversement que provoque la consécration de possessions coloniales6, tant en Indochine qu’en Afrique occidentale française, imprime à l’institution judiciaire une direction particulière. La mission de celle-ci se confond désormais avec celle du pouvoir politique : le juge devient un instrument de stratégie7 coloniale. Pour comprendre le sens de cette orientation, il n’est pas inutile d’avancer que les solutions imaginées s’inscrivent dans le cadre d’une République devenue impériale qui, « tout en accompagnant l’installation des colons, doit garantir l’application du droit, suppléer à la rareté des juges, introduire le droit français et satisfaire au respect des coutumes, favoriser l’implantation des grands principes de justice sans pour autant entamer l’autorité coloniale ni dépouiller les gouverneurs de leur autorité nécessaire au maintien de l’ordre, éviter l’indépendance judiciaire ou les charges trop lourdes pour le budget, grand écart qui va placer ceux qui doivent rendre la justice entre le souci de participer à l’ordre colonial et celui de porter l’offre de justice »8. Nombreux sont les textes juridiques qui y pourvoient. En Afrique occidentale française, en un siècle à peine, de 1887 à 1940, apparaîtront les premiers grands textes relatifs à l’architecture de l’organisation judiciaire9. On peut signaler les décrets du 5 septembre et du 22 septembre 1887. Le premier créait le corps des administrateurs des colonies, le second leur confiait, entre autres attributions, des fonctions judiciaires. D’autres textes suivront, dont le décret du 15 mai 1889, maintenant sans aucune précision les tribunaux indigènes existant. Il fut suivi, entre autres, du décret du 11 août 1889 modifié par celui du 10 octobre 1902, créant au chef-lieu de la colonie 6 Dès la fin du XIXe siècle, la constitution de gouvernements généraux consacre la notion de possessions coloniales et, donc l’impossibilité de penser une justice proche de la justice métropolitaine. La justice coloniale est une justice particulière. 7 Pour aller dans le même sens, voir B. DURAND, Le droit et la justice, instruments de stratégie coloniale, Rapport au GIP mission recherche droit et justice, Montpellier, 2001, p. 5 et s. La stratégie postule un vaste dessein, une volonté systématique, consciente et délibérée, impliquant une logique capable de faire état de doctrines arrêtées en la matière. 8 B. DURAND, « La justice coloniale sous la Troisième République : entre République et Empire », in J.-P. ROYER et al., Histoire de la justice en France, Paris, PUF, 4e édition revue et mise à jour, 2010, p. 803-868, particulièrement p. 806- 807. 9 Sur l’architecture de cette organisation judiciaire, cf. G. MANGIN, « Les institutions judiciaires de l’AOF », in : CH. BECKER, S. MBAYE, I. THIOUB, AOF : Réalités et héritages. Sociétés ouest-africaines et ordre colonial, 1895-1960, Dakar, Direction des Archives nationales du Sénégal, 1997, p. 139-152. Dire le droit en AOF aux XIXe et XXe siècles 13 un tribunal spécial d’homologation devant ratifier toute condamnation supérieure à un an de prison, prononcée par les juridictions indigènes. Par touches successives, l’architecture de l’organisation judiciaire initiale fut modifiée, et on parvint à l’installation de la justice indigène dans tout le territoire10 de l’AOF11, parallèlement à un appareil judiciaire de droit commun, calqué sur le modèle métropolitain12. Cette activité législative s’inscrit donc dans le cadre d’une politique expérimentale. Comment évaluer la fonction de juger dans cette évolution générale ? Comment saisir le rôle du magistrat colonial, à une époque où son office peine à s’affirmer et où la faiblesse de ses décisions ne fait pas de doute ? C’est la réponse à ces questions que sera consacrée la présente étude. Pour l’heure, il ne nous paraît pas inutile de relever que le territoire de l’AOF était, à l’instar de Bourbon13, un point d’observation idéal pour méditer les mécanismes de rapprochements entre colonies et s’interroger sur la capacité à concilier une justice convenable et les moyens disponibles. Arthur Girault14 en fin connaisseur de ce terrain de choix qu’avaient été les colonies pour les expérimentations juridiques, soulignait pour ceux qui évoquaient à l’époque « les essais législatifs et la politique expérimentale », combien le droit colonial était « un champ d’expérience extrêmement intéressant », en raison de la table rase qui permet les audaces et des leçons que l’on peut tirer de ces démarches « prétoriennes » d’essais pour une introduction future sur le territoire d’autres colonies ou le territoire métropolitain. Ainsi, c’est par la justice et le droit que prétendent répondre les autorités politiques en AOF. Mais un fait saute aux uploads/S4/droit-senegalais-11.pdf

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  • Publié le Nov 01, 2022
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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