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See discussions, stats, and author profiles for this publication at: https://www.researchgate.net/publication/318456647 Le contrat social en questions. Le contractualisme : de l'état de nature au contrat social. Working Paper · June 2017 CITATIONS 0 READS 11,776 1 author: Some of the authors of this publication are also working on these related projects: Petit atlas historique des grands empires (juin 2016) View project "Pour des raisons de sécurité, il est interdit de...". Normes, arrangements et transgressions. View project Jean Rivelois Institute of Research for Development 45 PUBLICATIONS 24 CITATIONS SEE PROFILE All content following this page was uploaded by Jean Rivelois on 16 July 2017. The user has requested enhancement of the downloaded file. Jean Rivelois (IRD-CESSMA) Le contractualisme : de l’état de nature au contrat social Le contrat social présuppose un état de nature avec lequel il rompt, état préexistant à toute société organisée. Cet état de nature ne correspond nullement à une réalité historique qui aurait précédé l'instauration des lois, mais à l'état théorique et hypothétique de l'humanité soustraite à toute loi. La théorie du contrat social, en rompant avec le naturalisme politique des philosophes classiques (platoniciens et aristotéliciens), introduit la notion d'égalité politique, formelle et matérielle à partir de l'époque moderne. Cette théorie est à l'origine d'une grande partie des idées de la Révolution française, inspirées par le contrat social de Jean-Jacques Rousseau. La théorie du contrat social s'est opposée à la société d'ordres et aux corporations d'Ancien Régime, héritières des communautés de métiers du Moyen Âge. Le contrat social est donc universel tandis que les ordres et les corporations sont particuliers. Aujourd’hui, autant la ghettoïsation que la politique urbaine ou le communautarisme comme revendication identitaire séparée s’opposent au contrat social et à la construction de territoires égaux. Mais le principe d’égalité qui fonde le contrat social est également transgressé lorsque le principe de consentement à l’impôt qui lui est associé n’est pas respecté ou lorsqu’une corruption institutionnelle débouche sur le pillage des richesses nationales par une minorité ou sur le détournement des finances publiques. Le contrat social collectif est-il dès lors dépassé par une multitude de contrats privés qui recouvrent la société et contribuent à la transformation du système politique hérité des Lumières et de la Révolution de 1789 ? Une analyse généalogique des différentes théories du contrat social devrait permettre de comprendre la mutation de celui-ci, notamment à travers le changement qui s’est opéré dans le rapport entre Etat, société civile et subjectivité citoyenne. Le contrat social dans la philosophie antique Pour Platon (République, IV), la société doit être initialement divisée en castes suivant la nature des âmes, et pour Aristote (Politique, I, 2), l'homme est un « animal politique » naturellement disposé à entrer en société. En revanche, Épicure soutient que la justice est fondée par l'accord entre les hommes et non par la nature, ce qui en fait un précurseur du contrat social moderne (Maximes Capitales, XXXI). Le contrat social d’après Thomas Hobbes La conception hobbesienne du contrat social, présentée dans le Léviathan (1651), s’inscrit dans une logique sécuritaire. L’état de nature est défini comme une « guerre de tous contre tous » dans lequel chacun, guidé par son instinct de conservation, cherche à préserver 2 sa vie. Le contrat social intervient donc pour assurer la sécurité, c’est-à-dire la vie de chacun, en aliénant les libertés individuelles des uns sur les autres. L’État est donc là pour rompre avec l’état de nature en restreignant les droits de chacun. Hobbes prévoit toutefois un droit de résistance aux abus de l’État, lorsque ce dernier met en péril la vie de ses sujets. La vie peut être invoquée comme principe supérieur à la valeur du contrat, car c’est pour sa sauvegarde que l’État a été instauré. Le contrat social selon Locke Locke formule sa théorie du contrat social dans le Second Traité du gouvernement civil (1690), d’après une logique libérale. L’état de nature est caractérisé selon lui par les droits naturels que sont la liberté individuelle et la propriété privée, chacun voulant préserver sa liberté et ses biens. Le contrat social intervient pour garantir ces droits naturels, pour assurer leur sauvegarde. L’État est donc instauré pour garantir l’état de nature (caractérisé par la jouissance par tous de leurs droits naturels) en lui donnant une sanction légale. Locke considère le droit de propriété comme un droit naturel issu du travail de l’individu1 et dissocié de toute forme d’accomplissement de la personne ou d’une finalité commune aux hommes. Il s'agit d'un des traits du libéralisme qui s'appuie sur une conception individualiste de l'homme pour garantir sa liberté contre les empiétements de la communauté, et qui rejette toute idée d'une fin commune aux hommes. A l’inverse, l'Église considère que l'homme est par nature relationnel, ce qui permet de penser un « bien commun » là où l'individualisme ne fonde que des biens individuels antagonistes. La nécessité d'un bien commun entraîne qu'il existe une destination universelle des biens ; tel est l’un des principes de la doctrine sociale de l'Église telle que définie lors du concile Vatican II (1962-1965) et contenue dans l’encyclique Pacem in Terris (1963). Locke prévoit un droit de résistance aux abus de l’État, lorsqu’il met en péril la liberté et la propriété qu’il doit sauvegarder. Comme la vie chez Hobbes, la liberté et la propriété peuvent ici être invoquées contre l’État, car le contrat social vise justement à les sauvegarder. On retrouve chez Locke l'abandon de la volonté de tous à un certain nombre d'instances chargées d'organiser la vie publique : l'exécutif (qui comprend également le pouvoir judiciaire), le législatif et le fédératif (qui correspondrait aujourd'hui aux affaires extérieures). Le contrat lockéen est établi pour diminuer les conflits, et non pour établir la paix comme dans le contrat social de Hobbes ou comme dans la constitution mondiale de Kant censée déboucher sur la paix perpétuelle2. 1 Cf. John Locke, Second traité du gouvernement civil, chapitre 5, 1690, 2 Cf. Kant, Vers la paix perpétuelle, 1795. 3 Le contrat social chez Rousseau La conception que Rousseau se fait de l'état de nature est complexe : l’homme est naturellement ni bon ni mauvais mais rapidement la société le corrompt, jusqu'à ce que chacun agisse bientôt égoïstement en vue de son intérêt privé. Le contrat social, tel qu'il est théorisé dans Du Contrat social (1762), a pour but de rendre le peuple souverain, et d’engager l’individu à abandonner son intérêt personnel pour suivre l’intérêt général. L’État est donc créé pour rompre avec l’état de nature, en chargeant la communauté des humains de son propre bien-être. Le contrat social rousseauiste est davantage proche du contrat hobbesien en ce qu’il vise lui aussi à rompre avec l’état de nature (le contrat lockéen visant, lui, à le garantir par un cadre légal). Mais, à la différence de Hobbes comme de Locke, le contrat social rousseauiste ne charge pas un tiers de la sauvegarde de la vie ou de la liberté et de la propriété de chacun, mais charge les citoyens eux-mêmes de cette sauvegarde par le principe de la volonté générale. Le contrat rousseauiste est un pacte d’essence démocrate, dans lequel le contrat social n’institue pas un quelconque monarque, mais investit le peuple de sa propre souveraineté. Tableau comparatif des théories du contrat social Conception de l’état de nature Logique du pacte Valeurs fondamentales Hobbes (Léviathan) guerre de tous contre tous sécuritaire (rompre avec l'état de nature) la sécurité, la vie de chacun Locke (Second Traité du gouvernement civil) chacun jouit de droits naturels (liberté et propriété privée) libérale (garantir l'état de nature) la liberté et la propriété privée Rousseau (Du contrat social) l'homme n'est ni bon ni mauvais démocrate (rompre avec l'état de nature : le peuple est souverain) l’intérêt général Marx et la crique sociologique du contrat social Par le contrat social, les citoyens créent du commun, ils construisent un « nous » qui fait jouer une souveraineté populaire contre les institutions, les pouvoirs, l’oligarchie, etc. Le contrat social est à l’origine d’un certain nombre de concepts qui forment la théorie du contractualisme : « espace public », « citoyenneté », « rassemblement », « nous », « communauté » ; il s’inscrit ainsi dans une tradition bourgeoise contre laquelle s’est définie 4 la critique sociale depuis Marx à partir des forces collectives (les classes sociales). Selon la critique sociale, les catégories établies de peuple, de communauté, de citoyen, de souveraineté populaire, de volonté générale et de commun sont des fictions ou des idéologies consensuelles visant à occulter une réalité faite d’inégalités et de domination. Et l’idée selon laquelle il pourrait exister des moments où tout le peuple serait rassemblé n’a aucun sens. Un mouvement social est toujours oppositionnel : il oppose des classes d’individus à d’autres. Nier cette opposition de classes peut favoriser les extrêmes politiques. C’est ce que soutient Hannah Arendt dans Les Origines du totalitarisme (publié en 1951 aux Etats-Unis), ouvrage dans lequel elle explique comment les régimes d'Hitler et de Staline sont nés de la décomposition des sociétés de classes, ravagées par la crise, transformées en sociétés de uploads/S4/connaissance-lecontratsocialenquestions.pdf
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- Publié le Jan 18, 2022
- Catégorie Law / Droit
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