Droit et Patrimoine, Nº 267, 1er mars 2017 ‐ LE CONCOURS DES RESPONSABILITÉS CI
Droit et Patrimoine, Nº 267, 1er mars 2017 ‐ LE CONCOURS DES RESPONSABILITÉS CIVILES DU FAIT D’AUTRUI LE CONCOURS DES RESPONSABILITÉS CIVILES DU FAIT D’AUTRUI I ‐ LE CONCOURS DE RESPONSABILITÉS AUX FONDEMENTS IDENTIQUES A ‐ LE CONCOURS DE RESPONSABILITÉS FONDÉES SUR LE CONTRÔLE DU MODE DE VIE D’AUTRUI I ‐ LE CONCOURS DE RESPONSABILITÉS AUX FONDEMENTS IDENTIQUES B ‐ LE CONCOURS DE RESPONSABILITÉS FONDÉES SUR LE CONTROLE DE L’ACTIVITÉ D’AUTRUI II ‐ LE CONCOURS DE RESPONSABILITES AUX FONDEMENTS DISTINCTS A ‐ DE LEGE LATA : UN DROIT POSITIF INCERTAIN II ‐ LE CONCOURS DE RESPONSABILITES AUX FONDEMENTS DISTINCTS B ‐ DE LEGE FERENDA : POUR UNE CONDAMNATION IN SOLIDUM DES RÉPONDANTS AUTREFOIS AFFIRMÉ PAR LA COUR DE CASSATION, LE PRINCIPE DU NON‐CUMUL DES RESPONSABILITÉS CIVILES DU FAIT D’AUTRUI POSE, À L’HEURE OÙ LA RESPONSABILITÉ CIVILE POURRAIT ÊTRE RÉFORMÉE, LA QUESTION DE LA PERTINENCE DE SON MAINTIEN. Sophie prétot DOCTEUR EN DROIT, ATER À L’UNIVERSITÉ PARIS 1 ‐ PANTHÉONSORBONNE « Lorsque le droit positif met deux moyens juridiques à la disposition du même individu, le sens le plus élémentaire de ce double don est le cumul. Si le législateur a agi délibérément, que sa volonté soit faite. Si c’est par inadvertance, ce n’est pas un mal qu’un peu de désordre vienne dénoncer la surabondance des lois ». C’est au nom de la « sainte liberté », de « la liberté du demandeur sur chacune des voies de droit qui lui sont ouvertes distinctement », que Carbonnier s’exprimait en ces termes (1) . Celui‐ci évoquait alors la question du concours des actions de l’acheteur, mais ses propos pourraient, très certainement, guider aussi la résolution du concours des actions en responsabilité civile du fait d’autrui. Le cas échéant, la victime d’un dommage causé par un mineur salarié, par exemple, pourrait engager tant la responsabilité civile des parents de ce mineur (C. civ., art. 1242, al. 4) que la responsabilité civile de l’employeur de ce dernier (C. civ., art. 1242, al. 5). Au regard des circonstances de l’affaire, la victime choisirait donc librement sa voie de droit. Par exemple, si l’employeur s’avère plus solvable que les parents du mineur, la victime se prévaudra certainement de l’application de l’alinéa 5 de l’article 1242 du Code civil. À l’inverse, s’il paraît difficile de démontrer la faute de l’enfant, elle recherchera plus vraisemblablement l’application de l’alinéa 4 (2) . Hésitant entre les deux fondements et souhaitant s’assurer de son indemnisation effective, elle pourrait même souhaiter la condamnation in solidum des parents et du commettant, par l’application simultanée des deux alinéas. Mais une telle orientation n’est pas celle qui semble avoir été choisie par la Cour de cassation, il y a quelques années déjà. « Les différentes responsabilités du fait d’autrui ne sont pas cumulatives mais alternatives » (3) : tel est en effet le principe énoncé par la Haute juridiction. Censée guider l’articulation des différents alinéas de l’article 1242 du Code civil, la règle n’a, depuis, jamais été clairement remise en cause. Pourtant, celle‐ci pourrait être aujourd’hui quelque peu dépassée, inopportune, voire infondée. Il n’est effectivement pas sûr que les fondements de ce principe soient encore d’actualité : les jurisprudences l’édictant sont antérieures à l’élargissement des cas de responsabilité du fait d’autrui, initié par le célèbre arrêt « Blieck » (4) , et leurs justifications sont probablement surannées (5) ,. En outre, cette application alternative des responsabilités du fait d’autrui exclut la condamnation in solidum de deux responsables pour autrui, alors même qu’une telle solution offrirait à la victime de meilleures chances d’indemnisation Document Wolters Kluwer France soumis aux conditions d’utilisation définies par la Charte d’Utilisation et les Conditions Générales d’Abonnement 1 / 11 et s’inscrirait parfaitement dans la philosophie contemporaine de la responsabilité civile (6) . Critiquable (7) , cette règle du non‐cumul l’est aussi par l’absence de fondement textuel venant l’étayer. Or, cette lacune théorique est d’autant plus dommageable qu’elle peine à être autrement comblée. En effet, si l’on connaît par ailleurs la règle du non‐cumul des responsabilités délictuelle et contractuelle (8) , celle‐ci s’explique aisément : conforme à l’« économie même du contrat » (9) , elle évite de déjouer les prévisions des contractants qui, sans elle, auraient pu se prévaloir de la responsabilité délictuelle, souvent plus favorable aux victimes que la responsabilité contractuelle. Par ailleurs, en droit de la responsabilité civile, d’autres fondements peuvent être simultanément invoqués et prospérer sans que les juges s’y opposent. Ainsi en est‐il de la responsabilité de l’enfant qui a commis une faute (C. civ., art. 1240) et de celle des parents du fait de l’enfant (C. civ., art. 1242, al. 4) (10) , ou encore de la responsabilité du préposé (C. civ., art. 1240) et de celle du commettant (C. civ., art. 1242, al. 5) (11) . Enfin, au sein même de la responsabilité du fait d’autrui, la loi prévoit la possible condamnation, non pas seulement in solidum, mais même solidaire, des père et mère du fait de leur enfant mineur (12) . Bien que l’application alternative, et non cumulative, des responsabilités civiles du fait d’autrui puisse paraître, au premier abord, délicate à justifier, il semblerait qu’elle continue à guider les solutions jurisprudentielles : à notre connaissance, leur cumul n’est jamais adopté. Une sélection opportuniste des responsabilités du fait d’autrui, finalement « idoines » (13) , semble davantage orienter leur mise en œuvre. Peut‐être que cette orientation jurisprudentielle, à défaut de fondement théorique, répond à une préoccupation pratique : écarter le cumul évite aussi de s’embarrasser des questions de contribution à la dette. Néanmoins, nous ne pouvons pas nous contenter d’une telle observation. Une rationalisation du paysage jurisprudentiel paraît nécessaire. Elle permettrait de mieux saisir l’état du droit positif et faciliterait ainsi les démarches des victimes, à l’heure où les cas de responsabilité du fait d’autrui sont multiples (14) . Elle formerait également un pré précieux outil d’analyse et d’appréciation du projet de réforme de la responsabilité civile émis par la Chancellerie (15) . Cet effort de mise en ordre du droit positif pourrait être poursuivi en ayant égard aux données techniques, d’opportunité et conceptuelles (16) de nature à interférer dans la résolution du cumul des cas de responsabilité du fait d’autrui. Dans un tout autre domaine et si un tel contrepoint nous est permis, ces données ont en effet été déterminantes du chaos qui a pu affecter, en droit de la vente, les actions de l’acheteur, et c’est en considérant celles‐ci qu’une clarification du droit positif a été possible. En particulier, parce que l’action en garantie des vices cachés et celle fondée sur l’obligation de délivrance connaissaient des conditions de recevabilité très disparates, au regard de leurs délais (17) , et que la proximité des situations susceptibles de relever de l’une ou de l’autre action peut être réelle (18) , la délimitation de leurs frontières paraissait problématique et leur « chevauchement » (19) encouragé. Un effort de conceptualisation de ces actions, suivi d’un rapprochement de leurs délais, a alors permis de mieux délimiter leurs domaines (20) Ainsi, tout en analysant ses raisons techniques et ses enjeux pratiques, le concours des cas de responsabilité civile du fait d’autrui pourrait être résolu en partant de leur fondement théorique. Il pourrait, par conséquent, être analysé à l’aune de la traditionnelle distinction des cas de responsabilité fondés sur le contrôle du mode de vie d’autrui, d’une part, de ceux fondés sur le contrôle de l’activité d’autrui, d’autre part (21) . Alors que les premiers réunissent la responsabilité liée à la garde d’autrui découlant de l’alinéa 1er de l’article 1242 du Code civil (22) et la responsabilité des père et mère du fait de leur enfant mineur prévue à l’alinéa 4, les seconds concernent la responsabilité liée au contrôle et à l’organisation de l’activité d’autrui sur le fondement de l’alinéa 1er (23) et la responsabilité du commettant du fait de son préposé prévue à l’alinéa 5 (24) . Finalement, la confrontation des cas de responsabilité aux fondements identiques (I) puis celle des cas de responsabilité aux fondements distincts (II) pourraient éclairer l’état de la jurisprudence et ainsi permettre de formuler des propositions. I ‐ LE CONCOURS DE RESPONSABILITÉS AUX FONDEMENTS IDENTIQUES Document Wolters Kluwer France soumis aux conditions d’utilisation définies par la Charte d’Utilisation et les Conditions Générales d’Abonnement 2 / 11 Alors que la résolution du concours de responsabilités fondées sur le contrôle du mode de vie d’autrui comporte des enjeux pratiques réels (A), le concours de responsabilités fondées sur le contrôle de l’activité d’autrui (B) en paraît dénué. A ‐ LE CONCOURS DE RESPONSABILITÉS FONDÉES SUR LE CONTRÔLE DU MODE DE VIE D’AUTRUI Le concours des responsabilités découlant du contrôle du mode de vie d’autrui résulte de l’articulation des alinéas 1er et 4 de l’article 1242 du Code civil. Il renvoie à la situation dans laquelle un mineur, qui est confié à un tiers chargé d’organiser son mode de vie, est l’auteur d’un fait dommageable. Ainsi en serait‐il par exemple d’un enfant fréquentant un internat scolaire. Dans de telles circonstances, il serait envisageable que la victime du dommage uploads/S4/ le-concours-des-responsabilites-civiles-du-fait-d.pdf
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- Publié le Jan 22, 2022
- Catégorie Law / Droit
- Langue French
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