1 Equivalence bilingue en traduction et en terminologie juridiques : Qu'est-ce
1 Equivalence bilingue en traduction et en terminologie juridiques : Qu'est-ce que traduire en droit ? i Bernard THIRY Hautes études commerciales, Liège, Belgique On sait que deux langues n'opèrent pas la même structuration de la réalité référentielle: il n'y a d’isomorphisme des langues ni dans leur structuration globale ni au niveau de leurs unités élémentaires. Ceci se vérifie de manière évidente dans la langue commune. Il n'est pas moins certain que les langues de spécialité sont sujettes à la même loi: l’idéal d’univocité des terminologies ne parvient pas à démentir, en cela, le destin commun des faits linguistiques. Tout au plus peut-on observer entre deux langues d'origine commune des correspondances étymologiques et des ressemblances morphologiques, mais l'évolution des mots (et des termes) abandonnés à leur sort dans le système de la langue qui les accueille se charge bientôt d'en multiplier les significations. Et l'irréductibilité de tout système par rapport à tout autre se vérifie non seulement par d'évidentes inéquivalences notionnelles entre leurs éléments, mais aussi par le fait que les conditions syntagmatiques d'emploi concret des éléments qui se correspondent entre langues peuvent être bien différentes. Le problème de l’équivalence est donc d'importance et requiert une théorie solide aux fins de résoudre les cas les plus divers que peuvent poser les situations concrètes. La recherche qui donne fond à cette communication est une recherche en Terminologie comparative; elle a abouti à l’élaboration d’un dictionnaire bilingue; le domaine juridique choisi est celui de la Responsabilité civile extracontractuelle dans les droits espagnol et belge. Ce sont les principaux résultats et réflexions issus de cette recherche qui sont présentés ici. Dans le cadre de la présente catégorisation des problèmes de mise en équivalence et de leurs solutions, une distinction s'impose entre: 1) les équivalences qui s'établissent entre les systèmes juridiques entiers et leurs sous-ensembles, et 2) les équivalences terme à terme (notions et dénominations) entre les systèmes que l'on compare. 1. Equivalences d'ensembles notionnels Tel est bien le premier niveau auquel se pose légitimement le problème, si tant est que l'on considère qu'un terme tire son sens ou, pour mieux dire, sa valeur, d'un ensemble ou système notionnel (même en formation). Ainsi donc, d'une part, le cadre notionnel général du domaine influence le contenu de chacun des termes de ce domaine et, d'autre part, l'orthodoxie inscrite dans les définitions des termes d'un droit donné implique une organisation précise, irréductible à toute autre, de sa matière; en un mot, l'organisation notionnelle même est significative et la philosophie d'un système, manifestée dans ses définitions premières, implique une organisation précise et originale de la matière. Cette question de l’équivalence d’ensembles notionnels se pose elle-même à deux niveaux: d'une part, elle offre des aspects sémantiques ou de fond; d'autre part, elle coïncide avec le problème formel de la concrète gestion terminographique d'un dictionnaire (formalisation du schéma 2 notionnel, localisation des sous-ensembles dans ce schéma et mise en équivalence des deux systèmes comparés). Les développements qui suivent tentent de mettre en perspective ces deux aspects. Le problème ici posé est celui de la coexistence, apparemment contradictoire, de deux exigences méthodologiques: d'une part, le respect du contenu original de chacun des systèmes comparés, et, de l'autre, la symétrie souhaitable entre les systèmes que l’on compare. On peut démontrer l'innocuité de ce paradoxe supposé: en justifiant d'abord la possibilité théorique de chacune de ces deux positions; ensuite, en établissant leurs critères respectifs d'application dans le cadre de la recherche réalisée. 1.1. Justification théorique des deux positions/exigences 11.1. Respect des différences entre les systèmes notionnels comparés Le problème se pose dès la phase initiale de tout travail terminographique; il consiste en l'élaboration du schéma notionnel du domaine que l'on étudie. Cette élaboration se fait (du moins l'ai-je ainsi faite) de manière séparée dans chacun des systèmes notionnels étudiés. Dans l'étape de mise en équivalence ou appariement, il est prévisible -et, de fait, fréquent- d'observer que les systèmes ne coïncident pas et même diffèrent radicalement (surtout en des domaines non scientifiques ou techniques). C'est ici précisément que la règle s'impose: par la primauté accordée méthodologiquement par la terminologie au notionnel (et au référent), il importe que les différences ainsi révélées soient respectées et apparaissent clairement dans le travail de comparaison que suppose un dictionnaire bilingue. D'emblée, il importe de prévenir le reproche de mentalisme que parfois l'on oppose à cette méthodologie onomasiologique, dont la base est la construction préalable de l'inventaire des notions du champ étudié. Il est clair que la procédure onomasiologique suivie ne suppose aucunement la construction a priori d'un schéma notionnel qui serait indépendant des systèmes concrets existants (et plus encore dans le cas d'un domaine aussi uniculturel que le droit). Une saine méthodologie refuse aussi, bien entendu, toute idée de construire un schéma propre à un seul système notionnel-linguistique auquel on soumettrait ceux qu'on lui comparerait, ce qui est sans doute un défaut fréquent. Revenant au principe de base, exposé ci-dessus, du travail terminographique comparatif, il ne fait aucune doute que son critère a été respecté chaque fois que l'équivalence totale des structures était possible; en effet, le dictionnaire offre bon nombre d'exemples des conséquences concrètes de sa juste application, tant au niveau des micro-structures du dictionnaire et du schéma notionnel qu'à celui de leur macro-structure: dans tous ces cas, le respect des différences entre les systèmes et le respect de l'originalité de chacun a été la règle. Pour le niveau des micro-structures du dictionnaire et schéma notionnel, le chapitre suivant (équivalence terme à terme) fournira démonstration et exemples. Au niveau de la macro-structure, dans l’organisation à laquelle j’ai soumis le dictionnaire et le schéma notionnel qui le structure, on apprécie la présence de deux schémas notionnels différents 3 (cf. infra), obtenus par des localisations différentes de sous-domaines entiers, pour la raison que leur matière est traitée avec des présupposés théoriques et des critères de jugement différents. Ainsi, pour les sous-domaines suivants: Abuso de derecho (082-084 )/Abus de droit (128-130); Molestias vecinales (143-147)/Troubles de voisinage (131-134); Responsabilidad del Estado (139-142)/Responsabilité de l'État (135-138), ainsi qu’on peut le voir dans le schéma suivant. STRUCTURATION DIFFÉRENTE DES DEUX DROITS COMPARÉS: 070-138 RESP. FAIT PERSONNEL ≠ 070-116 RESP. HECHO PROPIO 070-073 Action/Abstention ≈ 070-073 1) Acción/Omisión ___________________________________________________________________________ 074 Illicéité ≈ 074 2) Antijuridicidad ___________________________________________________________________________ 075-091 Causes d’exonération ≈ 075-091 Causas de justificación Abus de droit entre las cuales : et Exercice d’un droit (128-130) ≠ 082-084 Ejercicio de derecho (y Abuso) ___________________________________________________________________________ 092-097 Culpabilité = 092-097 3) Culpabilidad ___________________________________________________________________________ 098-122 Imputabilité ≈ 098-121 4) Imputabilidad 102 Incapable ≠ 102-106 Incapaz (regulación propia) 107-122 Indiv. privé de raison ≈ 107-121 Incapaces y et Causes de non-imputabilité Causas de inimputabilidad 119-122 Contrainte ≠ 119-121 Compulsivo (Organización diferente) ___________________________________________________________________________ 128-130 Théor. de l'Abus de droit ≠ 128-130 Abuso de derecho y Ejercicio de derecho (082-084) ___________________________________________________________________________ 131-134 Troubles du voisinage ≠ 131-134 (cf. R. por h. de las cosas: 143-147) ___________________________________________________________________________ 135-138 Resp. de l'Etat ≠ 135-138 (cf. Resp. por hecho ajeno: 139-142) (organisation propre) 139-142 (cf. ci-avant 135-138) ≠ [RESP. POR HECHO AJENO]: 139-142 R. del Estado (regulación propia) ___________________________________________________________________________ 143-147 (cf. supra: 131-134) ≠ [RESP. POR HECHO DE LAS COSAS]: 143-147 Rel. de vecindad (regul. propia) ___________________________________________________________________________ N.B. Les caractères italiques indiquent le renvoi du traitement d’une matière à l’endroit des numéros annoncés. Tout ceci aboutit à un dictionnaire bilingue à réciprocité variable, dictionnaire «réciproque double unilingue d’équivalences avec définitions», dans la typologie de J. Rey-Debove (1983: 52 sqq.), qui le dit «le plus complet», le plus rare et le plus lourd à réaliser, puisqu’il est composé de 4 deux dictionnaires différents, chaque partie (langue source-langue cible) étant loin d'être la simple inversion de l'autre partie: la matière est traitée exhaustivement dans les deux langues, de façon à présenter un double accès au lecteur et en opérant tous les changements de perspective nécessaires. Inutile de dire, bien entendu, que cette solution est coûteuse, tant pour le terminologue qui l'élabore que pour l'usager qui la consulte. Du coût élevé d’un tel respect des différences entre les systèmes juridiques, découle alors l'expression de ses exactes conditions de possibilité: ce respect ne peut entraîner, entre les deux parties du dictionnaire bilingue, une diversité de structure telle qu’elle mette à néant la réciprocité du dictionnaire, ou telle que soient dépassées, d’une part, les limites de possibilité de gestion, par le terminologue, de deux structures par trop différentes, et, d’autre part, les limites de commodité de lecture pour l'usager, décourageant ainsi tout essai de consultation réciproque d'une partie à l'autre. 11.2. Symétrie ou parallélisme dans l'exposé des systèmes notionnels Le projet même d'un dictionnaire bilingue réciproque conduit à rechercher le parallélisme de ses formes et provoque une attraction inévitable d'un système envers l'autre. La volonté comparative inscrite dans ce projet de dictionnaire bilingue comporte ainsi un idéal de réciprocité qui privilégie le consensus. Sans ce pari pour la légitimité des solutions de consensus, sans doute faudrait-il renoncer à faire la terminographie bilingue des domaines non scientifico-techniques. Mais cet idéal de réciprocité ne peut aller jusqu’à la fusion totale en «un seul système avec les compromis (sic) correspondants» uploads/S4/ equivalence-bilingue-en-traduction-juridique-b-thiry.pdf
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- Publié le Dec 02, 2021
- Catégorie Law / Droit
- Langue French
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