La réflexion sur l’applicabilité des normes internationales relatives aux droit
La réflexion sur l’applicabilité des normes internationales relatives aux droits de l’homme amène forcément à s’interroger dans quelle mesure, par rapport au droit interne, ces normes peuvent s’appliquer. Le substantif « applicabilité » ne le suggère-t-il pas ? La proposition d’un tel sujet n’est-elle pas en elle-même porteuse de l’idée que l’application de ces normes ne saurait être identique dans tous les systèmes juridiques sans prise en considération des mécanismes qui leur sont propres et les distinguent les uns par rapport aux autres ? Sans doute peut-on dire, à juste titre, que les normes internationales en relation avec les droits de l’homme adoptées par quelque pays que ce soit, doivent logiquement amener celui-ci, sans procédure particulière, à les respecter au niveau de son droit interne. Mais ce serait aller vite en besogne ; car si une telle évidence coulait de source, l’usage du terme « applicabilité » serait lui-même inapproprié et devrait s’effacer au profit d’un autre, celui de l’application où l’idée d’action et de mise en pratique est nettement plus présente. Néanmoins, on observera qu’il n’est pas exclu qu’une norme internationale peut parfaitement s’appliquer par tout juge sous forme de principe général du droit sans qu’il n’ait besoin d’en citer la source. Ce n’est cependant pas de cet aspect que l’on voudrait débattre, mais plutôt de la situation où la norme relative aux droits de l’homme, nouvelle par rapport au droit interne, découle d’un traité, d’une convention ou d’un pacte qui suppose son application par le juge ordinaire ou administratif. C’est à travers cette problématique que nous semble se dégager l’idée d’applicabilité. (*) Texte de la communication présentée au colloque sur « l’application des normes internationales relatives aux droits de l’Homme par le juge interne : les pratiques française et marocaine » organisé par le ministère de la Justice en coopération avec l’Institut International des Droits de l’Homme de Strasbourg (IIDH) les jeudi 26 et vendredi 27 février 2009 à Rabat à l’Institut Supérieur de la Magistrature. (**) http://aminebenabdallah.hautetfort.com REMALD, n° 89, Novembre-décembre 2009 RÉFLEXIONS SUR L’APPLICABILITÉ DES NORMES INTERNATIONALES RELATIVES AUX DROITS DE L’HOMME EN DROIT MAROCAIN (*) Mohammed Amine BENABDALLAH (**) Professeur à l’Université Mohammed V, Rabat-Souissi Etudes Justement, en droit marocain, à la lecture des textes en vigueur, et avec à leur tête la Constitution, il n’apparaît pas du tout exact d’être catégorique dans le sens de l’affirmation d’une application automatique de ces normes du seul fait de leur adoption dans un traité ou une convention. En clair, à la différence de ce qui a cours ailleurs, le constituant marocain ne proclame pas la supériorité de la norme internationale à la législation interne. Sur ce point, du premier texte constitutionnel de 1962 au dernier de 1996, il a gardé un silence permanent qui peut s’interpréter comme une volonté affichée de ne pas accorder à tous les traités, et partant aux normes internationales, une force supérieure ou même égale à celle de la loi. Parallèlement, il a également constamment précisé que sont du domaine de la loi, tous les droits individuels et collectifs énumérés dans la Constitution. Ce faisant, il a créé un système où, sauf dans des cas bien particuliers, toute norme internationale relative aux droits de l’homme ne peut s’intégrer dans le droit positif que par l’intervention d’une loi. C’est dans ce sens que l’on se propose de réfléchir à la question de l’applicabilité de ces normes par référence à la Constitution et à la législation. - I - Normes internationales et Constitution C’est sur la base de plusieurs dispositions de la Constitution que les normes internationales relatives aux droits de l’homme sont applicables. – Le préambule : Déjà en 1962, dans le préambule, il était énoncé que le Maroc souscrivait aux principes droits et obligations découlant des chartes des organismes dont il était membre actif. Par cette proclamation, membre des Nations Unies, il adhérait à la charte internationale des droits de l’homme constituée de la déclaration universelle des droits de l’homme et des pactes internationaux relatifs aux droits de l’homme, et se trouvait donc engagé à la respecter et à adopter l’ensemble de ses principes. Plus tard, avec la révision de 1992, la Constitution fut enrichie d’une formule pleine de substance, reprise lors de la révision de 1996, réaffirmant le rattachement du Maroc aux droits de l’homme tels qu’ils sont universellement reconnus. Ce faisant, le constituant a fait des droits de l’homme un élément incontournable même si la notion d’universalité n’était pas sans donner lieu aux interprétations les plus diverses. Par comparaison, on remarquera que la référence du constituant français à la déclaration de 1789 est beaucoup plus précise dans la mesure où il s’agit de 17 articles bien déterminés. Aussi, le moins que l’on puisse dire est que la référence aux droits de l’homme tels qu’ils sont universellement reconnus peut ouvrir la porte à une dimension à la frontière de l’indéfinissable. S’agirait-il des droits universellement reconnus sous l’égide des Nations unies dont le Maroc est membre ou des droits reconnus ici et là de par le monde et ayant acquis un caractère universel ? Mohammed Amine Benabdallah 4 REMALD, n° 89, Novembre-décembre 2009 – Le titre relatif aux principes fondamentaux et les libertés : S’il est un titre de la Constitution qui, depuis le premier texte constitutionnel de 1962 jusqu’à celui de 1996, n’a guère subi de modifications et n’a connu que de très peu d’ajouts c’est bien celui qui traite des principes fondamentaux et des libertés. A cet égard, on peut dire que le constituant avait pratiquement dès le départ fait le tour de la question, à telle enseigne que toutes les révisions qui ont eu lieu par la suite en 1970, 1972, 1992 et 1996 n’ont presque rien eu à apporter de fondamental, si ce n’est la liberté d’entreprendre. – Le domaine de la loi : Un autre article qui n’a point connu de changement au fil des révisions ; l’article relatif au domaine de la loi énumérant les matières qui en relèvent, et parmi elles les droits individuels et collectifs. En fait, cet article ne vient que s’ajouter aux dispositions des autres articles de la Constitution traitant des droits et libertés précisant qu’il ne peut leur être apporté de limites que par la loi. – Les catégories de traités : Enfin, il est un autre article sans lequel aucune norme internationale ne peut intégrer le droit interne ; celui relatif aux traités. « Le Roi (…) signe et ratifie les traités. Toutefois, les traités engageant les finances de l’Etat ne peuvent être ratifiés sans avoir été préalablement approuvés par la loi ». Il ajoute que « Les traités susceptibles de remettre en cause les dispositions de la Constitution sont approuvés selon les procédures prévues pour la réforme de la Constitution ». Ainsi qu’on peut le remarquer, cet article distingue expressément entre deux catégories de traités en laissant déduire l’existence d’une troisième qui n’appartient ni à la première ni à la seconde. De plus, il n’est nullement énoncé qu’un traité jouit d’une valeur supérieure à celle de la loi. Aussi, nous semble-t-il, l’applicabilité de toute norme internationale ne peut- elle valablement s’apprécier que par rapport aux pouvoirs qu’exerce le législateur à son égard. - II - Normes internationales et législation Au regard de la législation marocaine, la norme internationale ne s’applique pas d’elle- même. On peut observer que dans la plupart des systèmes, la supériorité de la norme internationale est établie à partir de la Constitution. Pour ne citer que des exemples de pays tout près de nous, c’est le cas en France (1), en Espagne (2), au Portugal (3), en Tunisie (4), Réflexions sur l’applicabilité des normes internationales relatives aux droits de l’homme (1) Article 55 de la Constitution française : « Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie ». (2) Article 96 de la Constitution espagnol : « Les traités internationaux régulièrement conclus et une fois publiés officiellement en Espagne feront partie de l’ordre juridique interne (…) ». (3) Article 8 de la Constitution portugaise : « Les normes et les principes du droit international général ou commun font partie intégrante du droit portugais (…) ». (4) Article 32 de la Constitution tunisienne : « Les traités ratifiés par le Président de la République, dans les conditions prévues par la Constitution, sont supérieurs à la loi ». 5 REMALD, n° 89, Novembre-décembre 2009 en Algérie (5), en Mauritanie (6). Pour ce qui est du Maroc, le constituant a gardé le silence. Aucune disposition ne prévoit la supériorité du traité à la loi ou n’en fait même son égal. Néanmoins, par la lecture de l’article 31 de la Constitution, on peut dire qu’il y a soit une présomption de supériorité de la norme internationale à la loi, soit une vocation de son égalité à celle-ci, soit une affirmation de son égalité par le législateur lui-même. Rappelons les termes de cet article : « Le Roi uploads/S4/ droits-de-l-x27-homme 3 .pdf
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- Publié le Oct 13, 2021
- Catégorie Law / Droit
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