Dissertation : Regroupement familial et ordre public MOEMERSHEIM Mickaël, Jeudi
Dissertation : Regroupement familial et ordre public MOEMERSHEIM Mickaël, Jeudi 8H à 9H30 « Le droit n'est pas un but en soi, il n'est que le moyen de réaliser un but qui est le maintien de la société humaine ». Cette phrase de Jhering marque bien le poids que constitue l'ordre public dans notre société actuelle. Cette notion « vaque, complexe [et] changeante » selon A. Plantey, est pourtant fondamental lorsque l'on souhaite étudier la procédure du regroupement familial. Cette procédure a été reconnu comme un droit, au sens de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme : il est rattaché au droit à une vie familiale normale. C'est le constat de grand nombre de juridiction, nationale ou internationale. On peut voir notamment que le Conseil d'État considère ce droit à une vie familiale normale comme un principe général du droit depuis une décision du 8 décembre 1978, GISTI, et comme une liberté fondamentale au sens de l'article L.521- 2 du Code de Justice Administrative depuis l'arrêt du 30 octobre 2001, Ministre de l'Intérieur contre M. Tliba. Le Conseil Constitutionnel en a même fait un principe a valeur constitutionnelle dans une décision relative à la loi Pasqua du 13 août 1993, se fondant sur l'article 10 du Préambule de la Constitution de 1946. Il permet à un étranger résident régulièrement en France depuis 18 mois de demander à ce que sa famille soit autoriser à résider sur le territoire français, afin qu'il ne soit pas porter atteinte à son droit à une vie familiale normale. Des conditions de ressources, de logement mais également idéologiques sont tout de même nécessaire pour l'acceptation du dossier déposé à l'office français de l'Immigration et de l'Intégration. A première vu, les rapports avec l'ordre public semblent assez distants : Cela est nécessairement du à une définition difficile de l'ordre public. « La sauvegarde de l'ordre public » est un objectif à valeur constitutionnelle depuis la décision du Conseil Constitutionnel du 27 juillet 1982, Communication audiovisuelle. Selon le dictionnaire des droits de l'Homme, rédigé sous la direction de Sudre et Gaudin entre autre, l'ordre public peut se définir comme « l'ensemble de règles que les autorités publiques estiment indispensable pour sauvegarder la stabilité et les valeurs de la société ». Pour beaucoup d'auteurs, il ne faut pas l'entendre comme une simple limitation des droits et libertés au profit de la sécurité, mais bel et bien comme un rempart de protection contre ces derniers. C'est notamment ce que pensait Charles Peguy, lorsqu'il affirmait que « l'ordre, et l'ordre seul, fait la liberté ». On voit ainsi un rapprochement se faire entre le droit à une vie familiale normale et l'ordre public. Le Conseil Constitutionnel a lui même prôné une « conciliation » entre ces deux droits de valeur constitutionnelle, dans la décision précitée du 13 août1993, dans le cadre précis du regroupement familial. Ce dernier fait en effet référence à l'immigration, sujet de discorde politique depuis bien des années déjà. Alors que certains prônent un lien fort entre immigration et délinquance, d'autres souhaitent accorder plus de droits aux étrangers. C'est dans ce cadre idéologique très flou que la question des liens entretenus entre l'ordre public et le regroupement familial doit être posée. Et des liens il en existent entre ces deux principes. L'ordre public fait parti de ces notions de « soft law », qui ont vocation à régir toutes les branches du droit. Ainsi en est il de la bonne foi par exemple. Il est donc légitime de penser que l'ordre public va intervenir dans la procédure du regroupement familial. En tout cas, si ce n'est pas sur la procédure même, une intervention idéologique est attendu. Et au vu de la définition posée plus haut du regroupement familial, il est en effet possible d'observer que l'ordre public est un élément central de cette procédure (I). Cette même notion est également à l'origine de la compétence discrétionnaire de l'État en matière de regroupement familial, notamment au vu des liens très forts existant avec l'immigration (II). I : L'ordre public, un élément central dans la procédure du regroupement familial A) La triptyque classique de l'ordre public comme fondement condition d'acceptation du regroupement familial → Vision classique de l'ordre public : L'article 2212-2 du Code Général des Collectivités Territoriales pose les 3 notions classiques de l'ordre public : • tranquillité publique • salubrité publique • sécurité publique. → Rapport avec le regroupement familial : Ici, ces trois bastions de l'ordre public n'ont pas énormément de lien idéologique avec le regroupement familial. Au contraire, la salubrité publique, et la sécurité publique vont caractériser des conditions d'acceptation du dossier dans la procédure ! En effet,selon l'article L.411-6 du CESEDA, une menace sanitaire ou à l'ordre public permet de justifier un refus au regroupement familial. B) La vision moderne de l'ordre public comme fondement idéologique du regroupement familial La moralité publique et la dignité humaine : Il s'agit d'une vision tout a fait moderne de l'ordre public, exprimé par la jurisprudence (CE 18/12/1959 Société des films Luthétia pour la première, et CE 27/10/1995, Commune de Morsang sur Orge pour la seconde). Elle a un écho particulier pour le regroupement familial, au sens où ces deux notions fondent deux dispositions particulières : • Moralité publique : Renvoie au respect des principes fondamentaux de la république ! D'où l'interdiction de la polygamie par exemple : article L.411-7 du CESEDA. • Dignité humaine : Renvoie aux conditions de ressources et de logement, bien que d'autres fondement peuvent être trouvé, comme un fondement économique. II : L'ordre public comme garant de la compétence nationale en matière d'immigration A : Le refus d'un droit absolu au regroupement familial → Comme pour tous les droits des étrangers, il y a un pouvoir discrétionnaire de l'État ! L'ordre public est à la base de ce principe. En effet, il s'agit d'une notion s'adressant à des autorités administratives, du moins dans le contexte étudié ici : En matière de droit des étrangers, l'État se garde toujours la possibilité de refuser l'entrer des étrangers, même lorsqu'un visa est attribué à l'individu. → Cela a conduit à une transformation des règles probatoires : la preuve de la filiation est non seulement une condition, mais devient de plus en plus l'élément central de la décision : une condition de fond selon le Doyen Cornu : « un système de preuve ». Pourtant, l'Union Européenne est intervenue dans la législation nationale, mettant fin au monopole étatique. B : L'intervention paradoxale et limitée de l'UE → La directive du 22 septembre 2003 tend à harmoniser les systèmes très disparates : En Allemagne par exemple, un étranger peut solliciter le rapprochement familial après 8 ans de résidence sur le territoire. En France, seul 18 mois sont nécessaires ! La directive impose une résidence régulière de 2 ans, ou 3 si une législation supérieure existait déjà. Elle impose également l'obligation de délivrer aux membres de la familles un visa dès lors que la demande de regroupement familial a été accepté. → Pourtant, l'ordre public au sens idéologique du terme permet encore une compétence discrétionnaire de la part de l'État ! D'une part, la directive n'est pas contraignante en droit interne, une transposition est nécessaire : La loi du 24 juillet 2006 intervient dès lors. On observe qu'elle reste en grande partie inappliquée, le refus de délivrer un visa à une famille ayant eu une réponse positive à la demande de regroupement familial étant encore observable. De plus, la clause d'ordre public est bel est bien présente, d'où une intervention très limitée du droit international. uploads/S4/ dissertation-le-regroupement-familial-et-l-x27-ordre-public.pdf
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- Publié le Apv 10, 2021
- Catégorie Law / Droit
- Langue French
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