Du code de procédure pénale genevois au code de procédure pénale suisse: illust
Du code de procédure pénale genevois au code de procédure pénale suisse: illustration pour le praticien par François PAYCHÈRE Docteur en droit Juge à la Cour de justice et Sandrine ROHMER Docteure en droit Avocate au barreau de Genève Tiré à part de la Semaine Judiciaire 2010 II 251 ss 132e année N° 10 Décembre 2010 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE GENEVOIS AU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE SUISSE: ILLUSTRATION POUR LE PRATICIEN par François PAYCHÈRE Docteur en droit Juge à la Cour de justice et Sandrine ROHMER Docteure en droit Avocate au barreau de Genève I. INTRODUCTION* Le nouveau code de procédure pénale suisse du 5 octobre 20071 commence par une «mini-déclaration des droits» pourtant déjà contenus dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 19662, entré en vigueur pour la Suisse le 18 septembre 1992, dans la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 19503 ainsi que dans la Constitu- tion fédérale du 18 décembre 19984. Ces textes auront-ils inspiré à tel point les auteurs du nouveau code de procédure pénale que le lecteur devrait être conduit à se demander si l’objet du texte est bien d’orga- niser l’action publique et de réprimer le crime? * Version écrite d’une conférence tenue le 13 septembre 2010; ses auteurs remer- cient Me Pierre Gabus pour sa relecture critique du texte. Cette contribution à l’étude du code de procédure pénale suisse se veut résolument pratique: fondée sur un cas imaginaire, elle aborde les grands traits des nouvelles règles procédurales qui seront en application dès le 1er janvier 2011 notamment en matière de privation de liberté et d’enquête préliminaire, s’arrêtant au stade de la première instance et sans aborder les questions de droit transitoire. 1 CPP; FF 2007 6583. 2 Pacte II; RS 0.103.2. 3 CEDH; RS 0.101. L’ampleur limitée de cette contribution a conduit à ignorer volontaire- ment toute autre jurisprudence «internationale» autre que celle rendue par la Cour européenne des droits de l’homme. 4 Cst; RS 101. 252 La découverte du nouveau texte ne permet pas de déterminer si ce but a été atteint et tout jugement qui tomberait avant même l’entrée en vigueur du code serait prématuré. A travers les cas imaginaires de Muskar XIII, fils de l’ancien roi de Syldavie déposé dans les années quatre-vingts5 et de Soporowitch junior, la seule ambition des auteurs est de faciliter le rapprochement entre le CPP et le droit procédural cantonal, soit la transition entre le 31 décembre 2010 et le 1er janvier 2011. II. LES MÉSAVENTURES DE MUSKAR XIII Muskar XIII, vit une jeunesse impécunieuse et clandestine en Europe occidentale avec Soporowitch junior, compagnon d’infortune, quoique ressortissant suisse. Muskar, qui avait bénéficié des largesses de Madame Halambique avant d’être chassé le 26 décembre 2010 de l’appartement de sa maîtresse sis aux Pâquis, rumine quelque vengeance. Dame Halambique ayant constitué une fort belle collection de sceptres royaux, dont certains du royaume de Syldavie, Muskar décide une expédition nocturne, comptant venger ses infortunes sentimentales par la récupération d’un sceptre syldave. L’expédition se déroule dans la nuit du 31 décembre 2010 au 1er janvier 2011, sur le coup de trois heures. La porte de l’appartement est promptement forcée au moyen d’un pied-de-biche, les serrures arrachées et une vitrine cassée. Ce qui devait être un raid victorieux se transforme en une cacade: alors que Muskar s’était emparé d’un sceptre et Soporowitch junior d’un sceau royal de grande valeur, le retour de dame Halambique et de sa fille Hermine trouble les voleurs; dame Halambique est frappée au visage d’un coup de sceptre et Hermine Halambique de stupéfaction… Alertés par les cris des deux Halambique, de courageux voisins se portent immédiatement à leur secours, appréhendant devant l’immeuble Muskar XIII et Soporowitch junior. Ce dernier, saisi d’un tardif, mais helvétique remords, rend sur le champ le sceau royal. A l’arrivée de la gendarmerie à trois heures quarante-cinq, Muskar ne tient plus le sceptre à la main et refuse d’en communiquer le sort. On sait encore que dame Halambique soigna elle-même un héma- tome grâce à des comprimés d’arnica, puis reprit le travail dès le lundi 3 janvier 2011. Hermine, qui voyait en Muskar une royale et paternelle figure, est en traitement psychothérapeutique; le pronostic est réservé. 5 Pour une biographie complète, voir HERGÉ (1947), p. 21. 253 III. LES PREMIÈRES OPÉRATIONS DE LA POLICE JUDICIAIRE A. L’arrestation Maintenus fermement par les plus mâles représentants du voisinage, Muskar et Soporowitch junior avaient été amenés et enfermés dans la buanderie de l’immeuble où ils demeurèrent jusqu’à l’arrivée d’une escouade de gendarmes6. Le brigadier qui commande la force publique ordonne leur transfert immédiat dans les locaux de la police judiciaire, sis provisoirement sur la plaine de Plainpalais. C’est sur le coup de cinq heures que Muskar et Soporowitch junior sont introduits chacun dans une salle d’audition différente. Muskar se refuse à toute déclaration avant d’avoir pu s’entretenir avec Me Court, avocat de la famille royale. B. Les conséquences de l’arrestation L’article 218 CPP règle le cas de l’arrestation par des particuliers, qui peuvent «arrêter provisoirement» une personne en cas de flagrant délit ou si leur concours a été requis, selon les lettres a et b de l’alinéa 1er de cette disposition. Cet article est plus large que l’article 122 du Code de procédure pénale du 29 septembre 19777, dans la mesure où tout particulier peut être appelé à prêter main-forte à la police et parce que la remise de la personne appréhendée doit se faire «dès que possible»8 alors que le droit cantonal prévoyait une remise immédiate. Selon le Message9, le particulier qui prête son concours à la police dans les hypothèses de l’article 218 CPP n’agit pas comme «auxiliaire» de la police et engage sa propre responsabilité. Cette approche nous paraît critiquable: si l’État prévoit que les citoyens peuvent se muer en auxiliaires des forces de l’ordre, il doit assumer la responsabilité des actes commis par ses citoyens agissant motu proprio, comme dans le cas de Muskar. Il paraît de même difficilement contestable que l’État puisse se dégager de toute responsabilité lorsque les auteurs laïcs d’une arrestation agissent en vertu de l’article 218 alinéa 1er lettre b CPP. Agissant de son propre chef ou appelée à apporter son concours, la personne concernée est alors bien un auxiliaire de l’État, qui répond des actes de cette dernière dans les limites imposées par le respect du principe de la proportionnalité. Le renvoi de l’article 218 alinéa 2 CPP 6 Comme la Cour européenne des droits de l’homme, nous entendons le mot «homme» comme signifiant «être humain», sans considération du sexe, idem pour les «juges», les «procureurs» et les «gendarmes», notamment. 7 CPP-GE; E 4 20. 8 Article 218 alinéa 3 CPP. 9 Message relatif à l’unification du droit de la procédure pénale, p. 1209. 254 à l’article 200 CPP n’aurait guère de sens s’il ne s’agissait pas précisé- ment de cadrer l’intervention des particuliers. Certains auteurs10 admettent en outre que la responsabilité étatique pour les dommages subis par ces particuliers est engagée dans les deux cas de figure prévus par l’article 218 alinéa 1er CPP, soit l’arrestation provisoire par des particuliers agissant de leur propre chef (lettre a) ou agissant après un appel à la population lancé par la police (lettre b). Il y a lieu d’approuver cette vision, dès lors qu’on ne voit guère le citoyen zélé et respectueux de l’article 200 CPP devoir supporter lui-même le dommage causé par son intervention, ni être privé le cas échéant d’une indemnité, notamment pour tort moral. Dans les deux cas, la voie de l’article 434 CPP est ouverte à celui qui prétend avoir subi un dommage. D’autres auteurs considèrent que seules les prétentions naissant d’une intervention fondée sur un appel de la police au sens de l’article 218 alinéa 1er lettre b CPP peuvent donner lieu à une requête en indemnisa- tion au sens de l’article 434 CPP alors qu’un dommage survenu lors d’une intervention spontanée au sens de l’article 218 alinéa 1er lettre a CPP ne saurait faire l’objet de conclusions en dommages-intérêts prises contre l’État11. Il s’agit à nouveau d’une distinction qui ne convainc guère. Dans les deux cas, l’intervenant agit dans l’intérêt public et devrait pouvoir être indemnisé, pour autant que les condi- tions de l’article 200 CPP aient été respectées. La voie de l’article 434 CPP comporte toutefois une restriction, la compensation n’étant due que «si le dommage n’est pas couvert d’une autre manière». Or, l’ampleur exacte des démarches que le lésé devra accomplir pour satisfaire cette condition est encore inconnue12. La solvabilité de Muskar paraît douteuse ainsi que celle de Soporowitch junior; si l’un des deux avait déchiré la chemise d’un voisin de leurs victimes, attendrait-on de ce dernier qu’il procède par la voie civile pour arriver au constat de l’impécuniosité de ces deux personnages? Considérant l’impératif de célérité qui gouverne toute procédure pénale, il conviendra d’accueillir facilement de telles conclusions, les lésés pouvant au demeurant céder leurs droits à l’État à hauteur de l’indemnité qu’ils percevront uploads/S4/ code-procedure-penale-suisse-paychere-rohmer-10-10.pdf
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- Publié le Oct 29, 2022
- Catégorie Law / Droit
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