Le texte présenté ici est un mémorandum écrit par Robert Brasillach à la prison
Le texte présenté ici est un mémorandum écrit par Robert Brasillach à la prison de Fresnes dans l’attente de son procès. Le prisonnier se préparait, avec l’aide de ses compagnons de cellule, à répondre aux questions qui pourraient lui être posées au tribunal. À la barre, Robert Brasillach ne put s’expliquer que sur certains points ; le Mémorandum détaille ces points et il contient des développements sur les questions qui ne furent pas abordées durant le procès. Il permet de comprendre les motivations de Robert Brasillach durant la Collaboration et éclaire la destinée de l’écrivain entraîné dans la tourmente de la guerre, fasciné par la force des jeunesses fascistes mais fermement attaché aux principes du nationalisme français. Dans ce document, plus politique et biographique que judiciaire, Robert Brasillach revient sur ses relations avec les Allemands depuis son retour de captivité jusqu’à son refus de partir en Allemagne en 1945, son soutien à la Légion des volontaires français, sa méfiance vis-à-vis de la Milice, ses rapports avec le gouvernement de Vichy, la crise de Je suis partout, la justification de son antisémitisme, etc. Ce Mémorandum n’était pas destiné au public, mais son intérêt explique sa publication dans les Œuvres complètes de Robert Brasillach. L’original a été perdu, le texte a été reconstitué à partir de deux copies dactylographiées. Quelques mots manquants, insérés entre crochets, ont été restitués par Maurice Bardèche, dont nous avons conservé les notes. Elles ont été intégrées avec la mention « NDMB » avec celles que nous avons ajoutées en fin de livret. Les commentaires inscrits dans la marge par Robert Brasillach ont été transformés soit en inter-titres, soit en notes de bas de page. 1 RETOUR DE CAPTIVITÉ D. : Comment avez-vous été libéré de votre captivité en Allemagne ? R. : J’ai été fait prisonnier le 22 juin 1940 avec l’armée de l’Est que commandait le général Condé. Une demande de libération fut adressée en juillet par le ministère de l’Information du gouvernement français au gouvernement allemand, qui a libéré dans le seul mois de juillet environ 200 000 prisonniers : fonctionnaires, agents des services publics, etc. Il ne faut pas oublier que dans l’ensemble un million de prisonniers a été libéré : est-ce que cela fait un million de traîtres ? Le gouvernement me réclamait au titre du ministère de l’Information afin de me confier un poste. La demande fut adressée à la commission de l’armistice de Wiesbaden, et y fut portée par le capitaine Henri Massis1, attaché au général Huntzinger2. Elle mit fort longtemps à aboutir, et avait été, je crois, renouvelée. Lorsque je fus libéré, fin mars 1941, je le fus avec un lot de camarades réclamés comme fonctionnaires ou assimilés à des fonctionnaires, en particulier du ministère des Finances. (Tous les régimes ont toujours besoin de collecteurs d’impôts, ce n’est pas toujours l’avis des contribuables). Je demandai à quel titre j’étais libéré : les officiers français qui s’occupaient des besognes bureaucratiques du camp me dirent que j’étais également réclamé par le gouvernement. Je n’ai eu à ce sujet aucune entrevue ni aucune explication, encore moins aucun marchandage de la part des Allemands du camp. 3 D. : Dans ces conditions, comment êtes-vous rentré à Paris et non à Vichy pour vous occuper d’un journal qui n’était pas un organe officiel ? R. : Je suis partout paraissait depuis deux mois quand je suis rentré à Paris, où se trouvait mon domicile. Tout naturellement, mes anciens camarades du journal d’y offrirent la place que j’y avais avant la guerre. Mais on me demanda aussitôt de venir à Vichy, au ministère de l’Information, puisque c’était le ministère qui m’avait réclamé. J’eus un entretien avec des officiers de marine du cabinet de l’amiral Darlan, alors chef du gouvernement et ministre de l’Information. On me proposait de devenir Commissaire du gouvernement au cinéma français. J’étais l’auteur, en collaboration3, d’une Histoire du Cinéma, qui devait d’ailleurs reparaître sous l’Occupation malgré le vif éloge qu’elle fait du cinéma américain, quelque quarante pages consacrées à Charlie Chaplin, et l’éloge qu’elle fait du cinéma soviétique, considéré par nous comme le modèle d’un cinéma neuf et révolutionnaire. Cette Histoire du Cinéma a été traduite en Amérique par un organisme officiel de façon à servir de base à l’enseignement. J’alléguai néanmoins que mes connaissances étaient d’ordre artistique et historique, et que j’ignorai la technique et l’aspect financier du problème. On insista pour que j’accepte. Je finis par me décider, et nous envisageâmes même, à Je suis partout, les modalités de mon départ du journal en tant que rédacteur en chef. Je pris contact avec les services officiels du cinéma, je m’installai rue de Babylone, où je reçus tout de suite quelques visites. On me dit en juillet que ma nomination était signée. Mais M. Galey4 désirait le poste. Il me téléphona un beau matin, quarante-huit heures après que ma nomination m’eut été annoncée par lui-même, que les Allemands qui n’en avaient pas été avertis, s’y opposaient. Je partis pour Vichy, où je déclarai que je ne voulais pas mendier aux Allemands l’autorisation d’occuper un poste dans un ministère français, et les choses en restèrent là. Je n’avais donc plus qu’à conserver mon poste de rédacteur en chef de Je suis partout, que j’occupais, encore une fois, avant la guerre. M. Benoist-Méchin, 4 sous-secrétaire d’État auprès de l’amiral Darlan, fut chargé par celui- ci de demander à l’hôtel Majestic les raisons du refus allemand. On lui dit qu’on voulait que je vienne demander ce poste moi-même. Il répondit que c’était peu probable que j’accepte. D. : Vous avez publié fin mars, alors que vous étiez encore en captivité, un article dans Je suis partout. Comme l’avez-vous fait parvenir ? R. : Je partageais la chambre du camarade qui s’occupait de la destination du courrier. Je venais d’apprendre que Je suis partout avait reparu. Trop de souvenirs et d’amitiés m’attachaient à ce journal pour que je ne désire pas y écrire. Je m’en ouvris à ce camarade, qui me dit qu’il se chargeait aisément de faire parvenir cet article en France. J’y exprimai mon adhésion à la politique qui était alors très populaire auprès des prisonniers, qui y voyaient le moyen de relever la France et de préparer leur retour, et il se chargea de le faire transmettre. Rien n’était d’ailleurs plus facile, et j’ai moi- même, par la suite, reçu plusieurs fois des lettres en dehors du courrier ordinaire, ou des articles, ou le texte de conférences prononcées dans les camps : certaines ont été faites sous l’égide des Cercles Pétain5, par des prisonniers qui font semblant aujourd’hui d’avoir toujours appartenu à la Résistance, et que j’aurai la charité de ne pas nommer. LA DÉFAITE D. : Vous vous êtes réjoui de la défaite. R. : La défaite a été pour moi une grande douleur. « Les armées de l’Empereur sont vaincues... », disaient les républicains de 1870. Je ne l’ai jamais dit ni pensé un instant. Ce n’était pas pour moi 5 les armées de la République mais les armées de la France. J’ai raconté dans mes articles, très probablement, comme j’avais été choqué de voir des officiers français se livrer à des explosions de joie immodérée, et même boire le champagne en public, le 17 juin 1940. Mais la défaite [était à regarder] comme un fait, une donnée, et j’ai pensé qu’on pouvait [se servir de] la douleur même que nous causait ce mal pour rendre à la France sa vigueur et sa force, comme la France vaincue de 1870 avait trouvé dans la défaite l’élan qui a donné naissance à son Empire colonial. D. : En somme, vous avez désespéré de la victoire future de votre pays. R. : Cela est déjà arrivé à la France, dans son histoire, d’être vaincue. Celui qui en 1815 ne croyait pas à la défaite de la France l’a moins bien servie que celui qui, admettant cette défaite, faisait de la France, six mois plus tard, la puissance prépondérante au Congrès de Vienne. Presque tout le monde admettait cette défaite. M. Gide, aujourd’hui figure éminente du Front national des écrivains, écrivait à cette époque (et il a republié cette pensée en mai 19..) : « Composer avec l’ennemi d’hier ce n’est pas la lâcheté, c’est sagesse »6. Et il ajoutait même : « Je sens en mois d’illimitées possibilités d’acceptation. » Je n’ai jamais dit ni cru cela. Il m’a toujours paru qu’il y avait des limites, précisément aux acceptations, et c’est pour les rendre moins pénibles que j’ai suivi la politique que nous avions adoptée. Je suis plusieurs fois revenu sur l’idée que la Collaboration avait pour condition sine qua none l’indépendance future de la France. J’écrivais le 11 décembre 1942 : « Tout est subordonné pour nous à la condition préalable de la durée et de l’existence de la patrie. » Et encore : « Il y a aujourd’hui des enfants qui ne savent pas encore parler et qui tentent vers nous leurs petites mains. Nous ne voulons pas leur remettre une uploads/S4/ brasillach-memorandum-ecrit-par-robert-brasillach-pour-la-preparation-de-son-proces-ok3.pdf
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- Publié le Dec 02, 2021
- Catégorie Law / Droit
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