Conseil des droits de l’homme Groupe de travail sur la détention arbitraire Avi

Conseil des droits de l’homme Groupe de travail sur la détention arbitraire Avis adoptés par le Groupe de travail sur la détention arbitraire à sa quatre-vingt-douzième session (15-19 novembre 2021) Avis nº 46/2021, concernant Yahya Mohamed Elhafed Iaazza (Maroc) 1. Le Groupe de travail sur la détention arbitraire a été créé par la Commission des droits de l’homme dans sa résolution 1991/42. Son mandat a été précisé et renouvelé dans la résolution 1997/50 de la Commission. Conformément à la résolution 60/251 de l’Assemblée générale et à sa décision 1/102, le Conseil des droits de l’homme a repris le mandat de la Commission. Le Conseil a reconduit le mandat du Groupe de travail pour une nouvelle période de trois ans dans sa résolution 42/22. 2. Le 5 février 2021, conformément à ses méthodes de travail1, le Groupe de travail a transmis au Gouvernement marocain une communication concernant Yahya Mohamed Elhafed Iaazza. Le Gouvernement a répondu à la communication le 6 avril 2021. L’État est partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques. 3. Le Groupe de travail estime que la privation de liberté est arbitraire dans les cas suivants : a) Lorsqu’il est manifestement impossible d’invoquer un quelconque fondement légal pour justifier la privation de liberté (comme dans le cas où une personne est maintenue en détention après avoir exécuté sa peine ou malgré l’adoption d’une loi d’amnistie qui lui est applicable) (catégorie I) ; b) Lorsque la privation de liberté résulte de l’exercice de droits ou de libertés garantis par les articles 7, 13, 14, 18, 19, 20 et 21 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et, en ce qui concerne les États parties au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, par les articles 12, 18, 19, 21, 22, 25, 26 et 27 de cet instrument (catégorie II) ; c) Lorsque l’inobservation totale ou partielle des normes internationales relatives au droit à un procès équitable, établies dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et dans les instruments internationaux pertinents acceptés par les États concernés, est d’une gravité telle qu’elle rend la privation de liberté arbitraire (catégorie III) ; d) Lorsqu’un demandeur d’asile, un immigrant ou un réfugié est soumis à une détention administrative prolongée sans possibilité de contrôle ou de recours administratif ou juridictionnel (catégorie IV) ; e) Lorsque la privation de liberté constitue une violation du droit international en ce qu’elle découle d’une discrimination fondée sur la naissance, l’origine nationale, ethnique ou sociale, la langue, la religion, la situation économique, l’opinion politique ou autre, le 1 A/HRC/36/38. A/HRC/WGAD/2021/46 Advance edited version Distr. générale 8 février 2022 Français Original: anglais A/HRC/WGAD/2021/46 2 sexe, l’orientation sexuelle, le handicap ou toute autre situation, qui tend ou peut conduire au non-respect du principe de l’égalité entre les êtres humains (catégorie V). Informations reçues Communication émanant de la source 4. Yahya Mohamed Elhafed Iaazza, né en 1966, est un défenseur des droits humains sahraoui et le Président de la branche de Tan-Tan du Collectif des défenseurs sahraouis des droits de l’homme. M. Iaazza est marié et a trois enfants. a. Contexte 5. Selon la source, M. Iaazza a été arrêté dans le contexte du soulèvement sahraoui de mai 2005. M. Iaazza, éminent militant sahraoui dans la ville de Tan-Tan, aurait joué un rôle important dans ce soulèvement pour l’indépendance du Sahara occidental. Il se serait toujours impliqué dans l’organisation de manifestations pacifiques appelant à l’indépendance du Sahara occidental, travaillant sur les questions de droits humains relatives aux prisonniers politiques, aux violences policières et aux victimes de torture. 6. La source rapporte qu’une manifestation annuelle se tient le 27 février, jour de la proclamation de la « République arabe sahraouie démocratique ». En 2008, M. Iaazza aurait participé à l’organisation de la manifestation, mais n’y aurait pas été présent car il travaillait dans son magasin. 7. La source indique que lors de la manifestation, les participants portaient des drapeaux ; la police est arrivée peu après le début de la manifestation et aurait jeté des pierres sur les manifestants. Ceux-ci auraient répondu en jetant à leur tour des pierres à la police. Un policier aurait été atteint par une pierre lui causant des blessures mortelles. La source indique que l’identité de la personne ayant causé la mort du policier n’est pas connue. b. Arrestation et détention 8. M. Iaazza aurait été arrêté dans la soirée du 29 février 2008, soit deux jours après la manifestation, alors qu’il quittait son magasin dans la ville de Tan-Tan, en présence de son fils âgé de 6 ans. Il n’aurait pas été agressé physiquement, mais aurait été informé que la police avait quelques questions à lui poser et souhaitait qu’il se rende au poste de police. La police n’aurait pas présenté de mandat d’arrêt et ne l’aurait pas informé des raisons de cette arrestation. M. Iaazza serait donc entré volontairement dans le véhicule de police et aurait été emmené au poste de police. 9. Selon la source, cette arrestation fait partie d’une vague d’arrestations de 20 militants sahraouis, dont 8 ont été jugés aux côtés de M. Iaazza. Ces arrestations constitueraient une punition collective de la population sahraouie de Tan-Tan. 10. M. Iaazza aurait été conduit à la salle d’interrogatoire du poste de police, où il aurait été soumis à des actes de torture (électrochocs, déchirements d’ongles et d’orteils, viols et coups) ainsi qu’à un interrogatoire de nature politique, concernant ses liens avec le Front populaire pour la libération de la Saguía el-Hamra et du Río de Oro (Front POLISARIO) et le Ministère sahraoui des territoires occupés. Pendant quatre jours, M. Iaazza serait resté déshabillé, sans nourriture ni eau, et sans la présence d’un avocat. 11. M. Iaazza aurait pris connaissance des accusations portées contre lui lors de sa présentation devant le Procureur du Roi d’Agadir, le 4 mars 2008. La source indique que M. Iaazza avait des cicatrices, tout comme d’autres détenus, en raison des actes de torture, lesquels auraient été rapportés au Procureur du Roi. Ce dernier n’aurait pas requis d’examen médical ou d’enquête. La source précise qu’il n’est pas clairement déterminé si la détention de M. Iaazza a été ordonnée par un organe judiciaire ou par le Procureur du Roi. 12. M. Iaazza aurait ensuite été transféré dans une prison pendant un mois et maintenu isolé du monde extérieur, tout en étant soumis à des actes de torture et à des traitements A/HRC/WGAD/2021/46 3 inhumains et dégradants. Selon la source, M. Iaazza ignorait que ce lieu était une prison2 et où il se trouvait. Il n’aurait pas été autorisé à entrer en contact avec son avocat ou sa famille, qui ignoraient où il se trouvait jusqu’en avril 2008. 13. Après cette période, M. Iaazza, qui se trouvait dans un état physique alarmant, aurait été transféré à la prison d’Aït Melloul et placé dans une cellule surpeuplée, avec des individus condamnés, sans être autorisé à voir ou à appeler sa famille. M. Iaazza aurait uniquement été autorisé à entrer en contact avec son avocat, sans toutefois pouvoir communiquer en privé avec lui, dès lors que quelqu’un écoutait toujours les appels de M. Iaazza et que, lors des visites, les gardiens de prison étaient présents dans la pièce pour écouter leurs conversations. 14. M. Iaazza aurait entamé une grève de la faim lui valant d’être hospitalisé peu après. Il aurait ensuite été emmené dans une cellule ne contenant que sept prisonniers. c. Poursuites 15. Selon la source, M. Iaazza a été présenté devant le tribunal de première instance d’Agadir aux côtés de huit autres militants sahraouis le 14 août 2008. La procédure aurait été reportée au 5 septembre 2008, puis au 9 octobre 2008. Lors de l’audience, suivie par des observateurs internationaux, les accusés auraient scandé des slogans en faveur du droit à l’autodétermination du peuple sahraoui. 16. Au cours du procès, la défense aurait fait valoir que l’arrestation de M. Iaazza n’était pas conforme à la loi, insistant sur le fait qu’il avait été soumis à des actes de torture et présentait des marques encore visibles de ceux-ci. Le juge et le Procureur du Roi n’auraient fait aucune observation quant à ces marques, et la défense n’aurait pas été autorisée à contester les remarques du Procureur du Roi. Les accusés auraient été interrogés en groupe, les poursuites s’apparentant à un procès de masse sans individualisation des cas, sur la base des dossiers de police et des aveux constituant les principaux éléments de preuve, corroborés par les forces de police. Ces déclarations auraient été contradictoires et le juge aurait refusé de convoquer les témoins à décharge. 17. La défense aurait également fait valoir que tous les accusés avaient été arrêtés uniquement en raison de leur militantisme en faveur des droits humains et de leur soutien au droit à l’autodétermination du peuple sahraoui. Lors du procès, un avocat de la défense aurait fait remarquer que Tan-Tan faisait partie du Sahara occidental, choquant les magistrats et le contraignant à se rétracter pour éviter des poursuites pénales. 18. La source rapporte que M. Iaazza uploads/S4/ a-advance-edited-version.pdf

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  • Publié le Jan 02, 2023
  • Catégorie Law / Droit
  • Langue French
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