• NIHIL OBSTAT : Lyon, 8 avril 1943 J: DU BOUCHET, s. J. Prœp. Provo Ludg. IMPR
• NIHIL OBSTAT : Lyon, 8 avril 1943 J: DU BOUCHET, s. J. Prœp. Provo Ludg. IMPRIMATUR: Lyon, 10 avril 1943 A. ROUCHE v. g. SOURCES CHRÉTIENNES Collection dirigée par H. de Lubac, S. J., el J. rfiélOU, 41/l\~1 /~'v,1 (j{fè/ ~!A11' !9 GRÉGOIRE DE NYSSE CR.ÉATIO DE L'HOMME INTRODUCTION ET TRADUCTION DE Jean LAPLACE, S. J. NOTES DE Jean DANIÉLOU, S. J. ÉDITIONS DU CERF, 29, BD DE LA TOUR-MAUIlotiRG, PARIS ÉDITIONS DE L'ABEILLE, 9, RUE MULET. :: :: :: : : LYON INTRODUCTION Le traité de la Création de ~'hommeest de 379. Il date des années de grande production intellectuelle de son auteur. A cette époque, saint Grégoire a quarante-cinq ans. Revenu d'exil où la persécution l'avait chassé en 376, il reprend définitivement possession de son siège épiscopal de Nysse. Aux yeux des chrétiens d'Orient, il est, en compagnie de Grégoire de Naziance, le défen- seur de la foi en Cappadoce. Il succède dans ce rôle à son frère, saint Basile, mort cette même année (379). En pleine possession de son génie, il met au service de l'Église une pensée longuement mûrie auprès des meil- leurs représentants de l'Hellénisme d'alors comme Liba- nios, dans le silence du monastère d'Annesi, sous la direc- tion de Basile et dans la méditation de l'Écriture. Tandis que Basile, évêque de Césarée, organise le mona- chisme et défend vigoureusement l'orthodoxie, tandis que Grégoire de Naziance expose la foi en claires for- mules dogmatiques, Grégoire de Nysse réalise sa mission, selon le mot de Michel Psellos, dans « l'explication des choses cachées ». Parmi les trois Cappadociens, il est le philosophe et le mystique. Rien d'étrange, si les années les plus fécondes de sa vie sont consacrées aux problèmes qui passionnèrent la pensée antique: l'homme, l'univers, l'immortalité, le mal. Tour à tour, elles voient appara1tre la Création de l'homme (379), le commentaire des Six Jours (380), L'âme et la Résurrection (380-381), La grande 6 INTRODUCTION Catéchèse (381). Ces divers ouvrages, dépassant le cercle étr~it des fidèles de Cappadoce, répondent aux préoccu- patIOns les plus profondes de l'Hellénisme, mis en p~é sence de la Révélation. Ce caractère est particulièrement sensible dans le traité que nous traduisons. Celui-ci, ainsi qlle le com- mentaire des Six Jours, prétend continuel' l'œuvre ina- chevée de Basile sur la création du monde et de l'homme. En réalité, le point de Vue qui dirige les deux frères est fort différent. Basile, parlant à ses èhrétiens cherche à satisfaire par ses explications les ignorants et 'les savants de son auditoire. Son but est pratique et édifiant. Gré- goire laisse le peuple au pied de la montagne. Avec Moïse et les privilégiés, auxquels il dédie ses ouvrages il entre « dans l'étude pleine de ténèbres des mystère~ indicibles » (In hexaem. 65 c). Il ne propose pas un ob'Y~'O! ou une o~30!(JY.0!),Î:y. Èç'I]'('I]\~y:f;, uue simple expli- c~tIOn d'un dogme chrétien, mais un « essai» (68 c), qui VIse à mettre de l' « ordre et de l'enchaînement » (128 d) entre les données de la foi ou de l'expérience et les exi- gences de la raison. Il continue, sans tomber dans ses exc~s, l'effort d'Origène. Il est instruit des philosophies anCIennes et fait preuve des connaissances les plus variées en médecine, en cosmologie ou en musique. Il n'est pas étra~ger aux mouvements intellectuels de son époque. AUSSI la Création de l'homme prend d'emblée un rang à paI~t ,dans la littérature chrétienne. Elle est le premier traIte consacré par un penseur chrétien au problème anthropologi que. Malgré ce caractère nettement défini, elle risque cepen- dant, à la première lecture, de nous déconcerter. Le lien de ces trente chapitres nous échappe et la pensée nous parait parfois incohérente. Aussi, avant d'en venir aux LA FORME LITTÉRAIRE 7 idées originales de Grégoire, nous essaierons d'entrer dans la fantiliarité de son esprit. Étudiant successive~ent sa composition et sa pensée, nous chercherons à découvrir . les lois auxquelles il obéit. En concluant, nous serons en en mesure de déterminer exactement l'originalité de l'œuvre 1. 1 La forme littéraire. 10 LE SYMBOLISME. Nous demandons à l'œuvre littéraire de suivre un rythme régulier où, de principes fermement établis, nous passions à d'autres logiquement déduits. Nous voulons voir « clair» dès le début, savoir où nous allons, n'omettre aucun maillon de la chaîne des raisonnements. Or, avec Grégoire, il faut nous habituer à un ordre différent. Sa pensée est robuste. Son raisonnement, en ses détours subtils, est clair et logique. Sa phrase est nette et son vocabulaire précis. Cependant sa marche ne suit pas la ligne droite. Son genre de composition consiste, par une série d'images ou de raisonnements, par un appel .à toutes les facultés, à entrer pal' degrés dans une vérité longuement entrevue. Il a recours à la spéculation, mais en son ordre. L'unité n'y vient pas tant d'une conclusion solidement étayée de prémisses indéniables, que d'un centre mystérieux dont la présence se révèle peu à peu 1. Dans l'introduction et les notes, les références au traité de la Création (P. g. t. 44) sont données immédiatement après le passage cité. Les autres sont mises en note. 8 INTRODUCTION à l'âme du lecteur. L'allure de ses écrits est {( concen- trique» : à tâtons, nous appro~hons de la lumière. L'au- teur va de-ci, de-là; il nous emporte par la vivacité de ses répliques ou nous séduit par le charme de ses com- paraisons. Ses circuits paraissent d'abord longs; ses excursus, des digressions inutiles. Mais, après maints détours, soudain on se trouve en plein centre. La con- clusion n'est plus seulement le terme d'un raisonne- ment, mais une vérité possédée et vivante. Nous ne sau- rions dire par où elle a surgi. Ce qui est sûr, c'est qu'elle nous est maintenant intérieure et aimable. Lisons Grégoire dans cet état d'esprit. Nous sentirons sans cesse l'unité jaillissante. Sur terre, nous n'avons pas la vision de la Réalité. Seuls, les {( initiés comme Paul aux mystères indicibles du Paradis» (188 b) en ont eu révélation. Pour eux, le monde est transparent. Pour nous, qui n'avons point leur regard, nous essayons, dit Grégoire, {( selon notre capacité, par des conjectures et des suppositions, de suivre la vérité à la trace» (180 c). Nous nous postons à l'affût de toutes les pistes, nous figurons {( tant bien que mal la vérité pressentie pal' des images qui la suggèrent» (185 a) ; n'ous demandons à la nature des comparaisons, à la dialectique sa ri- gueur, et cette approche incessante constitue l'unité de. l'œuvre. Aussi nè nous étonnons plus de l'allure qui nous est imposée. L'intérêt porté par Grégoire à la musique, à la cosmologie, à la médecine, à toute science, n'est pas un {( luxe pur » ou un {( badinage de bel esprit à étaler ». Ses comparaison~ ne sont pas des {( hors-d'œuvre» ou des morceaux d'art. L'usage du monde sensible n'est pas un simple {( procédé pour accuser le relief des idées» et ({ l'emploi qu'il fait de la métaphore dans ce traité» n'a LA FORME LITTÉRAIRE 9 pas pour seul principe l'habitude de ({ transformer toute idée en image» 1. Celle-ci s'insère d'elle-même dans le fil du développe- ment. Dans l'expression de conjectures qui n'ont rien d'absolu, elle permet, mieux qu'un syllogisme, d'être fidèle au réel. L'esprit en travail n'a pas de repos ici- bas; il effleure les choses, sans s'y poser, pour courir à Dieu. L'image traduit cette mouvance et cette incessante échappée. Elle est une méthode d'approche du 'mystère inexprimable. Aussi jaillit-elle spontanément sous la plume de Grégoire. L'esprit pendant le sommeil est com- paré au ({ feu couvant sous la cendre » (169 c). Il est le musicien qui ne peut toucher sa lyre, parce que les cordes en sont relâchées (169 cod) ; il n'en tire plus que des {( bruits sourds qui n'ont ni sens ni ordre» (169 d). Les rêves qui l'occupent sont en lui les ({ derniers tinte- ments » des occupations du jour. La comparaison péné- trant ainsi le raisonnement, fait sentir l'union indisso- luble qu'entretiennent l'âme et le corps jusque dans le som- meil. En même temps, ces images multiples s'apportent de mutuelles corrections. Qui oserait alors ne voir en elles que des hors-d'œuvre ou des morceaux d'apparat? Elles sont mieux qu'une aide à nos intelligences; elles influent sur nos cœurs. Ainsi dans le chapitre XXI, où Grégoire démontre que le mal ne peut être infini. L'idée est abstraite. Or voici comme elle s'exprime, transposée sur le mode de l'image : ({ Selon les astronomes, en ce monde tout rempli de lumière, l'ombre est formée par l'interposition du corps de la terre. Mais l'ombre, d'a près la forme sphérique de 1. Les expressions mises entre guillemets sont de Méri- di el' dans L'influence de la seconde sophistique sur Grégoire de Nysse (Rennes, 1906), pp. 135, 138, 140, 100. 10 INTRODUCTION celle-ci est enfermée sur la partie arrière par les rayons du sol:il et prend la forme d'un cône. Le soleil, lui, plu- sieurs fois plus grand que la terre, l'encercle d~ toutes uploads/s3/ sources-chre-tiennes-6-gre-goire-de-nysse-jean-laplace-ed-la-cre-ation-de-l-x27-homme-cerf-1944.pdf
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- Publié le Jui 03, 2022
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