Bull.soc.fr.hist.méd.sci.vét., 2004, 3 (1) L’ELEVAGE BOVIN EN EGYPTE ANTIQUE __
Bull.soc.fr.hist.méd.sci.vét., 2004, 3 (1) L’ELEVAGE BOVIN EN EGYPTE ANTIQUE _________________________________________ par Annelise Roman * Docteur Vétérinaire, 1 avenue André Fleury, 60 500 Chantilly. Communication présentée le 8 mai 2004 Sommaire : revue de nos connaissances sur les bovins élevés dans l’Egypte antique (origine, races),sur leur rôle dans l’économie rurale, sur leur place dans l’alimentation humaine, sur leur utilité dans l’artisanat et sur leur importance religieuse et symbolique. Description de la conduite de l’élevage (alimentation, logement, marquage, castration, traite..) et des soins vétérinaires. Mots-clés : Antiquité - Bovins - Elevage - Egypte ______________________ Title: Cattle rearing in Ancient Egypt Content: overview of our knowledge of cattle reared in Ancient Egypt (origin and breeds of cattle), on their role in rural economics, on their use for human consumption or in handicrafts and their religious and symbolic importance. Description of cattle rearing ( feeding, housing, marking, castrating, milking..) and veterinary care. Key words: Antiquity –Cattle – Egypt – Rearing. Cette communication est le résumé d’une thèse de doctorat vétérinaire présentée en 2004 devant la Faculté de médecine de Créteil (13). Cette thèse reposait essentiellement sur une recherche bibliographique du sujet, complétée par une exploitation personnelle de textes anciens et de documents picturaux égyptiens. Elle comprend trois parties : - les bovins d’Egypte antique, - leur rôle dans la vie quotidienne des Egyptiens et - la conduite de l’élevage en Egypte antique. LES BOVINS D’EGYPTE ANTIQUE Origine des bovins domestiques Les bovins décrits ou représentés dans l’Egypte antique seraient issus de la domestication de l’aurochs sauvage, Bos primigenius. Aurochs sauvage, représentation Clutton-Brock (5) Les premiers animaux auraient été domestiqués vers 4800 avant J.-C., dans le Fayoum et le désert Libyque. Cette domestication aurait été la conséquence d’une désertification de Sahara, conduisant les populations humaines et leurs bovins domestiqués sur les bords du Nil. C’est dans cette vallée que l’élevage se serait développé, car il permettait de disposer d’une ressource permanente d’aliments carnés et représentait une 35 Bull.soc.fr.hist.méd.sci.vét., 2004, 3 (1) activité économique très rentable (3). En examinant les multiples représentations picturales de bovins de l’Egypte ancienne, il est possible de se faire une idée de leurs principales caractéristiques. Leur dimorphisme sexuel était bien marqué. Les taureaux mesuraient de 135 à 150 cm au garrot, les vaches de 120 à 140 cm. Taurillon Apis à la robe pie noire Dessin de l’auteur d’après une stèle de la XXXème dynastie, Musée du Louvre De muqueuses claires, leurs robes étaient très variées : « sauvage», unie (noire, rouge, beige ou blanche), pie noire, pie rouge, blanche tachetée de noir ou de brun, noire tachetée de blanc, tricolore, bringée…. Races bovines d’Egypte antique Quatre races bovines sont principalement connues d’Egypte antique : les bovins « Negou », les bovins « Oundou », les bovins sans cornes et les bovins à bosse. Les bovins Negou étaient les plus répandus en Egypte antique. Ils avaient de longues cornes en lyre ou en croissant, étaient hauts sur pattes, fins et secs, avec une encolure courte et un museau large. Certains sujets étaient engraissés, et portaient lors le nom de bovins « ioua » Vaches à cornes en lyre, dessin par l’auteur du détail d’un bas relief du tombeau de Ti à Saqqarah (n°60), Vème dynastie, d’après une photographie de Houlihan (11) Les bovins Oundou étaient plus petits que les précédents. Ils avaient des cornes courtes et rectilignes. Sans doutes importés de Syrie, ils n’ont été fréquemment représentés qu’après la XVème dynastie et la domination Hyksos. Taureau à cornes courtes, dessin par l’auteur du détail d’un bas relief du temple de Karnak ,Nouvel Empire,d’après une photographie de Brewer (3). 36 Bull.soc.fr.hist.méd.sci.vét., 2004, 3 (1) Les bovins sans cornes étaient les moins nombreux, mais les plus appréciés à toutes les époques. On ne sait si leur absence de cornage était un caractère héréditaire, ou le résultat d’une opération d’écornage. Ils avaient, semble-t-il, une vocation laitière plus affirmée que les autres races. Vache sans corne à la traite : bas relief du sarcophage de Kaouit , XIème dynastie photographie de Müller in Boessneck (2). Les bovins à bosse, également peu représentés en Egypte antique, étaient porteurs d’une bosse cervico-thoracique de type « zébu ». Cette race était traditionnellement associée aux peuples étrangers, avec lesquels ils auraient été introduits durant la XVIIIème dynastie. Ils auraient eu pour ancêtres des zébus indiens (Bos indicus), à moins qu’il ne s’agisse d’une race bovine autochtone (Bos taurus). Bovin égyptien à bosse cervico-thoracique dessin par l’auteur du détail d’une fresque provenant de Louqsor, conservée au British Museum, d’après des photographies de Hery et Henel (10). LE RÔLE DES BOVINS DANS LA VIE QUOTIDIENNE Les bovins jouaient un rôle essentiel dans l’économie de l’Egypte antique en participant aux travaux agricoles, en servant de nourriture à l’homme ou en fournissant des matières premières pour l’artisanat (1,7). Mais ils avaient également une grande importance dans les croyances et la symbolique religieuses. Rôle des bovins dans l’économie rurale Le labour était le plus souvent assuré par deux bœufs, qui tiraient côte à côte un cep de bois dont le soc sera recouvert de métal au Nouvel Empire. C’est également à cette époque que le joug en collier fut introduit par les Hyksos, avec les chevaux. Modèle d’attelage de bœufs de labour , dessin par l’auteur du modèle 51090 du Metropolitan Museum of Art, NewYork d’après une photographie de Vandier (18). Le dépiquage des céréales (séparation des grains et de la paille, par foulage aux pieds) était une activité importante en agriculture. Les bovins remplacèrent progressivement les ânes dans ce travail, car plus lourds et plus faciles à mener. 37 Bull.soc.fr.hist.méd.sci.vét., 2004, 3 (1) Dépiquage à l’aide de bovins, dessin par l’auteur du détail d’une fresque de la tombe d’Amenemhat à Beni Hasan, Moyen Empire, d’après une reproduction de Vandier (18). Pour les encourager et rythmer leur travail, les bouviers chantaient des couplets dont certains sont inscrits sur les parois de la tombe de Paheri, datant de la XVIIème dynastie : « Battez pour vous-mêmes, battez pour vous, ô bœufs ! Battez pour vous, battez pour vous ! Vous mangerez la paille et vos maîtres le grain. Ne fatiguez pas, car il fait frais » (11). Le déplacement des charges les plus lourdes était aussi assuré par des bovins. L’attelage le plus courant était un traîneau de bois attelé à une paire de bœufs, et ce procédé était souvent représenté comme un moyen de transport des momies vers leurs lieux de sépulture. Après l’invasion des Hyksos (XVème dynastie), les égyptiens adoptèrent la roue et le char, et les bovins furent alors attelés à des charrettes portant nourriture ou matériel militaire, même si le cheval leur était souvent préféré. La production d’engrais animal constituait aussi un des rôles importants des bovins, notamment entre les crues du Nil ou dans les zones qui ne bénéficiaient pas de ces crues. D’autres usages étaient enfin réservés aux excréments bovins, employés en particulier comme combustible (après avoir été desséchés) dans les zones arides, ou comme matériel de construction (après avoir été mélangés à de l’argile), ou comme matière première dans certaines préparations médicinales. Place des bovins dans l’alimentation humaine Les bovins tenaient une place cruciale dans l’alimentation des populations égyptiennes, auxquelles ils fournissaient de la viande, du lait et d’autres sous-produits. La production de viande était l’une des plus prisées, car il s’agissait d’une denrée très appréciée par toutes les classes de la société. Cependant, dans la réalité, cette denrée était difficile à se procurer. La plupart du temps les animaux étaient sacrifiés dans les temples, une partie étant offerte aux dieux et d’autres revenant aux prêtres. Le reste (viscères, bas morceaux..) était distribué aux ouvriers ou revendus par des bouchers. Cependant, il n’est pas exclu qu’il ait aussi existé un réseau de bouchers « privés. La viande pouvait être conservée après séchage au soleil, salaison à sec ou saumurage. Scène de boucherie, dessin par l’auteur du détail d’un bas relief du tombeau d’Ankhmahor, Ancien Empire, d’après une photographie de Vandier (18). La production de lait constituait un apport nutritif régulier et très utile, notamment pour les enfants et les malades. Le lai était consommé frais, ou après fermentation, ou avec des plats cuisinés (8). Il était aussi utilisé dans la confection de certaines préparations médicales (6). Denrée précieuse et rare (on ne pouvait tirer d’une vache que un à deux litres de lait par jour), symbole de pureté, il était souvent offert aux dieux. 38 Bull.soc.fr.hist.méd.sci.vét., 2004, 3 (1) Les autres produits Les sabots, les os ou les cornes étaient également récupérés, et servaient le plus souvent à fabriquer de la colle animale après ébullition. Cette colle entrait aussi dans la composition de peintures ou de cartonnages. Dans d’autres cas, os et cornes servaient à fabriquer des bibelots, des bijoux ou des amulettes. D’autres produits issus des bovins étaient utilisés par les Egyptiens, notamment la graisse qui était soit consommée cuite, soit utilisée comme combustible dans des lampes, soit employée pour la fabrication de cosmétiques, onguents ou médicaments. La moelle osseuse avait parfois les mêmes usages. Le sang uploads/s3/ l-x27-elevage-bovin-en-egypte-antique-a-roman.pdf
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- Publié le Fev 09, 2021
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