Séminaire XXème M2 L’amitié Exposé : l’amitié dans les Faux-Monnayeurs de Gide
Séminaire XXème M2 L’amitié Exposé : l’amitié dans les Faux-Monnayeurs de Gide G.Honig H. DE BALZAC, Correspondance, 1825, p. 266. « l'amitié, forme de la sympathie, c'est-à-dire d'un fait, où le moi devient, en quelque sorte, le non-moi. » Jean Prévost, in « Morceaux Choisis » p.545, André Gide, l’homme, sa vie, son œuvre, de Léon Pierre Quint : « …Sincère à chaque instant, pour un instant. » **** INTRODUCTION André Gide est connu pour ses amitiés nombreuses et tumultueuses. Dans les Faux-Monnayeurs, La dédicace à Roger Martin « en témoignage d’amitié profonde » place d’emblée l’ouvrage sous le signe de l’amitié. Pourtant, peu d’œuvres ont été aussi distantes que celles de Gide et de Roger Martin du Gard : l’amitié peut se fonder sur des divergences, voire des différences absolues.Cette complexité inaugurale nous annonce dès le début de l’ouvrage le tissu complexe et contradictoire des amitiés, altérées par le désir, l’intérêt ou la passion. On peut donc s’interroger : quelles visions complexes de l’amitié l’œuvre Les Faux-Monnayeurs déploie-t-elle ? I- Les Liaisons dangereuses ou le faux ami 1 - L’amitié mondaine Extrait 1 « Pourtant, il n’y a pas longtemps que Vincent vient ici. Robert de Passavant, qui se dit maintenant son ami, est l’ami de beaucoup de monde. […] Ce tripot avait ceci de perfide, que tout s’y passait entre gens du monde, entre amis. Robert présenta son ami Vincent aux uns et aux autres. Vincent, pris au dépourvu, ne put pas jouer gros jeu ce premier soir. Il n’avait presque rien sur lui et refusa les quelques billets que proposa de lui avancer le vicomte. Mais comme il gagnait, il regretta de n’avoir point risqué davantage et promit de revenir le lendemain. - A présent, tout le monde ici vous connaît ; ce n’est plus la peine que je vous accompagne », lui dit Robert. » pp. 43-45, Les Faux-Monnayeurs, 1, IV. Extrait 2 « A OLIVIER MOLINIER son ami présomptif COMTE ROBERT DE PASSAVANT » p.141, Les Faux-Monnayeurs, 1, XV 2- L’amitié enfantine ou la cruauté du groupe Extrait 3 « Et c’est peut-être là, dans cette abominable histoire, ce qui me paraît le plus monstrueux : cette comédie d’amitié que Georges consentit à jouer. Il affecta de s’éprendre pour Boris d’une affection subite ; jusqu’alors on eût dit qu’il ne l’avait pas regardé. […] Il se penchait vers lui avec l’apparence de la tendresse ; instruit par Ghéridanisol, il lui parlait… Et dès les premiers mots, 1 Séminaire XXème M2 L’amitié Exposé : l’amitié dans les Faux-Monnayeurs de Gide G.Honig Boris, qui bramait après un peu d’estime et d’amour, fut conquis. » p.367, Les Faux Monnayeurs, 3, XVII. II- « faire une amitié » Extrait 4 « Il ne s’attendait pas à trouver Olivier. Tout en le questionnant, il l’entraîne. La joie qu’il a de le revoir est subite. S’il a d’abord un peu souri devant le raffinement de sa mise, c’est sans malice aucun ; il a bon cœur ; il est sans fiel. [Bernard raconte à Olivier son sujet de baccalauréat et lui demande son avis ] Olivier ne peut résister au désir de briller : - J’aurais dit qu’en se peignant lui-même, La Fontaine avait fait le portrait de l’artiste […] que la vérité, c’est l’apparence, que le mystère c’est la forme, et que ce que l’homme a de plus profond, c’est sa peau. Cette dernière phrase, Olivier la tenait de Passavant, qui lui-même l’avait cuieillie sur les lèvres de Paul-Ambroise, un jour que celui-ci discourait dans un salon. Tout ce qui n’était pas imprimé était pour Passavant de bonne prise ; ce qu’il appelait « les idées dans l’air », c'est-à-dire : celle d’autrui. Un je ne sais quoi dans le ton d’Olivier, avertit Bernard que cette phrase n’était pas de lui. La voix d’Olivier s’y trouvait gênée. Bernard fut sur le point de demander : « c’est de qui ? » […] La surprise qu’avait Bernard d’entendre le sentimental Olivier exprimer des idées parfaitement différentes de celles qu’il lui connaissait, fit place presque aussitôt à une indignation violente ; quelque chose de subit et de surprenant […]. Eussent-elles été authentiquement les idées d’Olivier, il ne se serait indigné ni contre lui, ni contre elles ; mais il sentait quelqu’un caché derrière ; c’est contre Passavant qu’il s’indignait. -Avec de pareilles idées, on empoisonne la France […] Parbleu, s’écria-t-il, je sais parbleu bien que ce n’est pas toi qui penses ainsi. Mais mon vieux, ce n’est pas La Fontaine. [ il explique ce qu’il y a dans sa dissertation, qui va à l’encontre de la réflexion de Bernard]. Oui, mon vieux, une charge à fond, qui va peut être me faire recaler. Mais je m’en fous ; j’avais besoin de dire ça. » pp.255-257, Les Faux Monnayeurs, 3, V. 1- Bonheur de l’amitié * complicité, spontanéité, joie. L’ami est celui que l’on se fait une joie de retrouver. Cette joie est nécessairement liée à une grande spontanéité, qui est la garante de la sincérité. * Gratuité Extrait 5 « ce qu’il y avait de beau dans notre amitié, c’est que, jusqu’à présent, nous ne nous étions jamais servis l’un de l’autre » p.14 Les Faux-Monnayeurs. 1, I Gide prend à Aristote la réciprocité propre à toute amitié, il ajoute la gratuité. (citation p.14) Ce qui illustre au mieux cette gratuité amicale est la présence silencieuse de Bernard au chevet d’Olivier alors que celui se rétablit de sa tentative de suicide. La gratuité de l’échange, c’est également la force d’écouter l’autre sans rien attendre de lui. 2 Séminaire XXème M2 L’amitié Exposé : l’amitié dans les Faux-Monnayeurs de Gide G.Honig , C’est aussi le temps où l’ami s’abîme dans la confidence, et où l’autre écoute. En effet, Les Faux-Monnayeurs est construit sur un système d’amis qui se confient des choses de leur intimité, qu’ils ne peuvent dire à personne d’autre. Ainsi Bernard confie-t-il sa fugue à Olivier, La Pérouse confie sa tristesse à Edouard, Armand livre à Olivier sa conscience de sa bêtise, etc. 2- De la sincérité Extrait 6 « il ne faut révéler que sa vérité. Il arrive cependant qu’en divulgant sa vérité, l’individu heurte les sentiments de ceux qu’il affectionne. » p.97 Léon Pierre Quint, André Gide L’homme, sa vie, son œuvre Bernard, qui dans l’extrait est sincère, est indigné par son ami « qu’il ne reconnaît pas ». Il l’accuse d’hypocrisie, de faux-semblant. Cette remarque, parce qu’elle est juste, touche Olivier. il y a refus de la complaisance, la franchise est ce qui est garant de « l’authentique » amitié. 3-l’amitié amoureuse Extrait 7 « c’est Olivier qu’aimait Edouard. Avec quel soin celui-ci ne l’eût-il pas mûri ? Avec quel amoureux respect ne l’eût-il pas guidé, soutenu, porté jusqu’à lui-même ? » Les Faux Monnayeurs, p.217 On voit ici un rapport de maître à disciple avec un couple qui se forme entre un adolescent et un adulte, tel que Edouard/Olivier. On a ici une forme d’éloge à la pédérastie. Rappelons que la pédérastie, à la différence de l’homosexualité, est l’attirance d’un homme pour les jeues garçons. Cela introduit dans l’amitié une dimension charnelle et amoureuse qui fait disparaître la gratuité à partir du moment où le désir demande toujours plus de privautés. La difficulté dans Les Faux Monnayeurs réside dans la multiplication des relations : toutes les relations amoureuses hétérosexuelles se révèlent être des échecs. De fait, l’amitié entre hommes relève bien souvent de l’ambiguité, ou il est difficile de séparer l’amitié de l’amour. III- Eloge de l’influence et de la sympathie : « Soi même comme un autre » 1- L’influence et la sympathie 3 Séminaire XXème M2 L’amitié Exposé : l’amitié dans les Faux-Monnayeurs de Gide G.Honig Extrait 8 « “Un homme grand, dit Nietzsche, n’a pas seulement son esprit, mais aussi celui de tous ses amis. ” – Chaque ami lui prêtera ses sens ; bien plus : vivra pour lui. Lui se fait centre ( oh ! malgré lui), il regarde et profite de tout. Il influence. » p.41, De l’influence en littérature, Gide. Extrait 9 « Dans la vie, c’est la pensée, l’émotion d’autrui qui m’habite ; mon cœur ne bat que par sympathie. C’est ce qui me rend toute discussion si difficile. J’abandonne aussitôt mon point de vue. Je me quitte et ainsi soit-il. Ceci est la clef de mon caractère et de mon œuvre. Le critique fera de mauvaise besogne qui ne l’aura pas compris – et ceci encore : ce n’est pas ce qui me ressemble, mais ce qui diffère de moi qui m’attire. » pp.68-69, Journal des Faux-Monnayeurs, Gide (de même, dans Les Faux-Monnayeurs, pp.75-76) 2- « l’élan de soi vers l’autre » Extrait 10 « Autrui m’interpelle et me supplie : « toi, aime-moi ! » et Paul Ricoeur baptise sollicitude l’élan de soi vers l’autre qui constitue la réponse à cette interpellation […]. Or, sur le plan de la sollicitude, c’est l’amitié qui caractérise les relations interpersonnelles et qui permet une égalité entre deux individus uniques. » uploads/s3/ expose-les-faux-monnayeursbis.pdf
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- Publié le Fev 02, 2022
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