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Tous droits réservés © Les Éditions Intervention, 2006 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 2 août 2022 11:55 Inter Art actuel Art et contexte Entre micro et macropolitique Paul Ardenne et Louis-Pierre Charbonneau Numéro 93, printemps 2006 URI : https://id.erudit.org/iderudit/45762ac Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Les Éditions Intervention ISSN 0825-8708 (imprimé) 1923-2764 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Ardenne, P. & Charbonneau, L.-P. (2006). Entre micro et macropolitique. Inter, (93), 17–25. Richard Martel : Tu es venu à Québec pour participer à la Manifd'art3 et on en profite pour faire une entrevue pour la revue Inter, un nu- méro spécial qu'on prépare sur l'art contextuel, et on sait que tu as pris position par rapport à l'art contextuel, dans un bouquin il y a deux ou trois ans - et qu'on a lu ici évidemment parce qu'on s'est posé beaucoup nous aussi cette question de l'art contextuel. On a relié beau- coup les activités à des contextes spécifiques au cours des années soixante-dix et quatre-vingt surtout. Alors, je voudrais avoir ton avis : d'abord, pourquoi un livre sur l'art contextuel en France est sorti aussi tard ? Parce qu'on sait que le premier manifeste de Jan Swidzinski sur l'art contextuel, par exemple, date de 1976. Paul Ardenne : Deux données à prendre en compte. La première, c'est une méconnaissance profonde de l'art moderne et contemporain en général. L'académisme, en la matière, n'arrange rien. Il y a effecti- vement une filière académique qui défend toujours les mêmes types d'art. En schématisant, les formes d'art idéalistes, qui sont du côté de la transcendance, voient l'œuvre comme une sorte d'objet unique, comme ce qui nous arrache au réel. La deuxième donnée, sans surprise, c'est la non-institutionnalisation d'une grande partie des pratiques es- thétiques « contextuelles », qui ont pour l'essentiel échappé à une cer- taine écriture culturelle de l'histoire de l'art, et ce, au profit d'autres écritures qui, elles, se sont développées avec beaucoup plus d'inten- sité : toute la réflexion sur la fin de l'art et la mort de l'art, la question du concept, celle de la limite de l'expression artistique dans la société libérale marchande. D'une part donc, une méconnaissance qui relève de l'indifférence doublée d'une clôture du champ de la recherche, ce qui est en France, en histoire de l'art, de tradition ; d'autre part, une orientation vraiment choisie, non innocente, idéologiquement très compréhensible même, en faveur des formes d'art connotées par la question du supplément d'âme, de la symbolique du sublime - ceci à évaluer dans ce prisme : le rapport privilégié, opportun, de ce type d'art à l'institution, son réceptacle naturel, institution qui le fait exister mais qui existe aussi grâce à lui, qui survit aussi à travers cet art-là, via le musée, notamment. Ces deux données expliquent l'édition tardive d'un livre consacré aux formes contextuelles d'art. Ce qui m'a amené à faire mon livre Un art contextuel, c'est donc un déficit d'information doublé du sentiment d'une incompréhension réi- térée, sinon entretenue. Au temps de mes études (pas si lointain), ja- mais on ne m'a parlé de Fluxus. Un peu du situationnisme et du dadaïsme, toujours traités avec une rapidité et une légèreté presque suspectes, mais rien s'agissant de ce qu'il y a eu après, performances radicales, art d'intervention, art en milieu urbain, enseignés nulle part, eux. Une question m'a toujours taraudé l'esprit, en tant que postsoixante-huitard : celle de la dimension politique réelle ou poten- tielle de l'art. Tous mes livres en parlent, d'ailleurs, chacun à sa ma- nière, que ce soit pour interroger l'art d'« action », la question du corps et de ses représentations- la « corpopolitique » : comment position- ner son corps dans ce monde -, que ce soit encore à travers le portrait photographique - la pose comme figuration sociale du soi - ou à tra- vers l'architecture, sur laquelle j'ai travaillé un peu plus ces trois der- nières années. L'architecture, c'est par excellence la projection du pouvoir dans l'espace public, quelque chose que l'on doit subir, affron- ter avec nos propres corps, avec les moyens propres, limités, qui sont ceux de notre échelle humaine, évidemment non monumentale. Revenons à l'art contextuel, à la question de sa dimension politi- que. Je me suis étonné, le concernant, de son occultation médiatique et aussi, sans doute implicitement, politique. Cela, lors même que cet art-là, ouvertement politique, s'était déclaré le plus clair du temps l'ennemi juré de toutes les formes d'intégration, à commencer par l'intégration capitaliste libérale marchande ; lors même que cet art-là avait pris position, s'était défini sous l'espèce d'une formule de com- bat engageant bien plus que le seul destin solipsiste de l'artiste. Bref, mettre ad nauseam en avant les tableaux, la peinture, l'artiste comme médiateur du sublime, l'évolution de la forme vers son exténuation sanctifiante (un semestre de séminaire sur Ad Reinhardt et ses Black Paintings, lors d'une session doctorale...) en laissant de côté tout l'art posant ouvertement la question des contextes, de l'action, de la germi- nation corpopolitique, et affrontant de surcroît le politique directe- ment, voilà qui devait pousser à faire réagir le chercheur que j'étais. Je me suis alors interrogé, j'ai fouillé, je me suis colleté à ces différentes INTER. ART ACTUEL 93 -17 > > > L'ART ET LE CONTEXTE > > > LE CONTEXTE ET L'ART formes d'art en remarquant au passage que peu de gens les connaissaient, le tout sur fond de déficit massif de documentation. Quelques codex avaient été publiés çà et là, le codex Fluxus par exemple ; il y avait bien quelques études parcellaires mais pas de synthèse sur la question. Rien sur les artistes travaillant dans la rue, réalisant des œuvres mobiles, créant des entreprises, des drapeaux, ou utilisant les billboards, ou qui se promenaient simplement dans les villes ou dans le monde, en arpen- teurs de territoires habités ou inhabités, etc. Cette étude générale n'existant pas, j'ai dé- cidé de l'écrire. R. M. : Bon, c'est sûr que c'était le temps que ce type de production arrive, surtout dans le milieu francophone parce qu'à d'autres ni- veaux il y a eu quand même des productions qui ont existé. P . A. : Au Québec notamment, en effet, à travers la théorisation de la « manœuvre ». Je m'en suis beaucoup servi, comme tu le sais d'ailleurs. R. M. : On avait publié avec Jan Swidzinski, qui est quand même le premier qui a employé le concept d'art contextuel. Je parle de cette fameuse réunion dans la préface que j'ai écrit pour le livre de Swidzinski : cette fameuse réunion en 1976 où il y a l'avant-garde améri- caine avec les conceptualistes, l'art sociologique français et l'art contextuel polonais. Alors ce qui est intéressant, c'est de voir que le débat des avant-gardes dans ces années-là se fait avec la Pologne, la France et le milieu anglo-saxon, ce milieu anglo-saxon qui est très différent au niveau de la mentalité. Et dans le numéro que l'on prépare, entre autres Hervé Fischer a pris position par rapport à cette époque-là. Évidem- ment il remet en question beaucoup ce que lui entendait par le conceptualisme que j'appelle puritaniste, parce qu'on se rend compte qu'à la fin du minimalisme et du conceptualisme, finalement c'est l'élimination de l'émotion. Et l'émotion a un rapport politique, selon moi, au micro et au macropolitique. Je voudrais peut-être aussi que l'on parle de ce passage que l'on pourrait appeler du micropolitique au macropolitique dont Guattari a parlé avec Deleuze, dans le bouquin sur lequel t'as pris position avec une exposition, etc. Pour nous c'est le quotidien mélangé avec le public, parce que dans Fluxus je dis toujours : les deux op- posés, ce sont Beuys et Filliou. P . A. : Oui, Beuys c'est l'universel, alors que Filliou bricole dans son coin. R. M. : Ce que j'appelle la superstructure, et l'autre, c'est le quotidien. Alors je voudrais peut-être que tu nous parles un peu de ce rap- port entre le macro et le micropolitique. P . A. : Ce que je voudrais d'abord dire, pour rebondir : il y a une considérable différence entre ce qu'a été l'art conceptuel, où l'artiste s'interroge fondamentalement sur sa fonction d'un point de vue analytique et critique, et l'art contextuel, où l'artiste cesse à un moment donné de s'interroger sur sa condition pour simplement vivre les con- textes de la vie réelle. J'entends bien marquer cette différence : il y a une vraie césure entre les deux, un véritable fossé. Les artistes qui cons- tituent le vivier, le premier noyau d'un art dit « contextuel », pas en tout mais du uploads/s3/ entre-micro-et-macropolitique-paul-ardenne-et-louis-pierre-charbonneau.pdf
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- Publié le Fev 06, 2022
- Catégorie Creative Arts / Ar...
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