Documents pour l’histoire des techniques Nouvelle série 20 | 2e semestre 2011 L
Documents pour l’histoire des techniques Nouvelle série 20 | 2e semestre 2011 L’expérimentation « en plein air » ou « grandeur nature » : Une pratique scientifique au service de l’action (XIXe-XXe siècles) Des modèles roue-rail en chambre aux circuits et trains d’essais : une mise en perspective des chemins de fer français (XIXe- XXe siècles) From wheel-rail models in chambers to test tracks and trains:a different perspective on the French railways (19th – 20th century) Georges Ribeill Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/dht/1659 DOI : 10.4000/dht.1659 ISSN : 1775-4194 Éditeur : Centre d'histoire des techniques et de l'environnement du Cnam (CDHTE-Cnam), Société des élèves du CDHTE-Cnam Édition imprimée Date de publication : 1 décembre 2011 Pagination : 71-83 ISBN : 978-2-9530779-7-1 ISSN : 0417-8726 Référence électronique Georges Ribeill, « Des modèles roue-rail en chambre aux circuits et trains d’essais : u n e m i s e e n p e r s p e c t i v e des chemins de fer français (XIXe- XXe siècles) », Documents pour l’histoire des techniques [En ligne], 20 | 2e semestre 2011, mis en ligne le 14 septembre 2012, consulté le 08 septembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/dht/1659 ; DOI : https://doi.org/10.4000/dht. 1659 © Tous droits réservés Documents pour l’histoire des techniques n° 20 - décembre 2011 71 compagnie se dotant de matériels particuliers. En 1890, une ligne pentue à faible rayon de courbure se prête enfin à des observations directes de stabilité dans le cadre d’une commission officielle, et un petit circuit d’essai est construit par la Compagnie de l’Est, ouvert à toutes les compagnies pour venir y tester leur matériel roulant. C’est d’un conflit de « religion » entre réseaux, que résultera en 1889-1890, proposée par la Compagnie du PLM, une campagne intensive d’essais de grande vitesse (soit à l’époque, plus de 120 km/h), locomotives seules puis attelées à des voitures, où l’on s’intéresse aux vitesses-limites que peuvent atteindre en toute sécurité des machines diverses circulant sur une même voie parfaite. De ces observations et comparaisons très fécondes entre divers types de locomotives à vapeur, naîtront quelques confirmations quant aux risques d’instabilité dus à l’effet intempestif et redouté de lacet, ainsi qu’une nouvelle génération de locomotives ! Il faut attendre 1909 toutefois pour qu’au plan international, soit inventé le principe d’un protocole d’épreuves pour valider tout système de frein continu prétendant assurer la sécurité d’un train Des modèles roue-rail en chambre aux circuits et trains d’essais : une mise en perspective des chemins de fer français (XIXe- XXe siècles) Georges Ribeill École Nationale des Ponts et Chaussées Résumé Le système ferroviaire, assimilable à des mobiles guidés circulant sur une paire de rails, se prêtait bien à la modélisation mathématique et à la résolution théorique de certains problèmes : tracé de la voie, stabilité des véhicules, freinage des convois. Mais ces approches seront vite complétées, voire corrigées, par des études empiriques en grandeur nature et « sur le terrain » : des appareils de mesure et d’enregistrement appropriés (tachymètres, ressorts dynamométriques, pendules gravitationnels) équipent des wagons de mesure ; des expérimentations sont réalisées sur des trains d’essai. En 1909, les réseaux d’Europe s’entendront même au plan international pour soumettre les essais des divers systèmes de freins continu à un protocole uniformisé. Résumés et mots clés en anglais sont regroupés en fin de volume, accompagnés des mots clés français M algré sa complexité évidente et le double impératif qui le régit, régularité horaire mais aussi sécurité physique, le système ferroviaire est apparu aux nombreux polytechniciens à qui les compagnies confièrent les tâches de conception et d’innovation techniques, comme susceptible d’être abordé par la formulation mathématique et la résolution de problèmes de mécanique rationnelle. Le fait même qu’un essieu, une locomotive, un wagon ou un train soient toujours guidés sur une paire de rails, facilita cette modélisation, en quête du tracé géométrique idéal de la voie, jusqu’à la recherche du système de freinage optimum d’un train entier. La littérature technique ferroviaire fourmille de ces approches théoriques en chambre, conduisant parfois à l’adoption de formules pratiques, mais largement corrigées par de généreux coefficients empiriques de sécurité. Ce n’est que progressivement que les essais et mesures « grandeur nature » relayeront ces calculs et modèles théoriques. Aux premiers tachymètres embarqués succèdent dans les années 1880 divers ressorts dynamométriques ou pendules gravitationnels qui équipent les premiers wagons de mesure, chaque 72 Documents pour l’histoire des techniques n° 20 - décembre 2011 Des modèles roue-rail en chambre aux circuits et trains d'essais verglas, voie jonchée de feuilles humides, obstacles naturels sur la voie, actes de malversation, etc.), comme aussi de possibles aléas ferroviaires, d’origine technique (cassure de rail, rupture d’attelage) ou humaine (défaut de vigilance du mécanicien ou du serre-frein, manque de vigilance du garde-ligne ou étourderie de l’aiguilleur…). En réalité, les circulations réelles des trains n’obéissent à la minute près que fort médiocrement aux graphiques horaires de circulation tracés en chambre, qui les ont à la fois planifiées (horaires et vitesses d’acheminement) et rendues compatibles entre elles (pas de collision, échelonnement de l’arrivée des trains dans les gares, éventuelles correspondances entre trains, etc.). Mais comme le soulignera au milieu du XXe siècle et en de multiples reprises l’ingénieur des Mines Louis Armand, ingénieur de la Traction devenu le directeur général de la SNCF, exposé maintenant à des modes concurrents (la route ou l’air), le système de transport ferroviaire avait un atout exclusif, son guidage : la modélisation de son exploitation était facilitée du fait que tout train pouvait en première approximation être localisé par une seule variable, sa position précise (x), au mètre près, sur la voie ferrée (V1 ou V2 distinctement orientées et parcourues à sens unique) de la ligne reliant A à B ; si le fait pour un train d’être guidé par les rails simplifiait ainsi certes sa gestion, il constituait aussi un facteur important d’insécurité, par le risque possible de collisions dans un système perturbé, « désheuré » dans le jargon cheminot : trains se croisant sur la même voie ou l’un rattrapant l’autre, l’un prenant l’autre en écharpe sur un aiguillage. Ainsi sont définis les trois risques majeurs inhérents à la multiplicité et simultanéité de circulations ferroviaires sur de mêmes lignes : nez-à-nez, rattrapage, prise en écharpe. Faiblesse du système, inversement donc à la circulation automobile sur une route à deux voies (autorisant le dépassement) ou aux trajectoires tridimensionnelles des avions. En contre partie, la dynamique ferroviaire pouvait se réduire à l’étude d’un système mécanique guidé régi par n variables principales, la position x de chaque train sur le réseau des voies ferrées. La plus belle réalisation résultant du guidage ferroviaire fut le « block-system », soit l’autorisation d’accès des trains sur des cantons successifs de voie protégés par un « circuit de voie » : tant que le canton est occupé, qu’un seul essieu ouvre ce circuit électrique et déclenche le feu rouge d’arrêt d’un sémaphore placé à l’entrée de ce canton, aucun train ne peut s’y engager. de marchandises circulant par delà les frontières des réseaux et des pays, son interopérabilité en termes modernes. Trains d’essais sur des lignes à fortes déclivités, relevés complets des mesures détaillées sur des formulaires standards, tout cela prépare l’avènement entre les deux guerres des essais de pleine voie, où de nouveaux types de capteurs et appareils enregistreurs équipant des « voitures d’auscultation », contribueront à renouveler fondamentalement l’approche de la dynamique du système ferroviaire. Très poussée au siècle précédent, la modélisation en chambre trouvait là ses limites, invisibles selon la vision myope, analytique et réductrice des ingénieurs réduisant en somme un convoi à un essieu chargé circulant entre deux rails parallèles ou à un châssis rigide et suspendu soumis à diverses forces et mouvements parasites. Deux « barres parallèles », tremplin de la modélisation du système ferroviaire Mettant en jeu des véhicules moteurs ou remorqués chargés d’individus et circulant sur les mêmes voies ferrées, l’exploitation des chemins de fer doit satisfaire à des critères très stricts de sécurité mais aussi de régularité : si les trains étaient à tout instant à l’heure, à la minute près et conformément aux horaires tracés à priori, les risques de collision seraient inexistants, et assujettis à certaines vitesses limites imposées, dans un courbe serrée par exemple, ils ne dérailleraient pas sous l’effet de la force centrifuge. Modélisable et prévisible comme tout système dynamique de mobiles contraints par le rail qui les supporte et les guide à la fois, le chemin de fer constitue en première approximation un système déterministe : donnez-moi l’état des forces de traction, des poids des véhicules, le profil de la voie, et je calculerai l’avancement du train sur la voie ferrée. Né au XIXe siècle, à l’âge de la mécanique rationnelle classique, le chemin de fer a constitué pour les ingénieurs qui furent chargés de sa conception puis de son exploitation, un objet propice à sa modélisation, cinématique (position des trains sur une trajectoire présentant en profil des paliers, des rampes et des descentes, en plan des alignement et des courbes), uploads/Voyage/ dht-1659.pdf
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- Publié le Jul 15, 2021
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