Pour citer cet article : Wunsch S. L’éducation à la sexualité. Perspectives des

Pour citer cet article : Wunsch S. L’éducation à la sexualité. Perspectives des données neuroscientifiques. Sexologies (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.sexol.2016.12.003 ARTICLE IN PRESS Modele + SEXOL-594; No. of Pages 10 Sexologies (2017) xxx, xxx—xxx Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com ARTICLE ORIGINAL L’éducation à la sexualité. Perspectives des données neuroscientifiques Sex education. Perspectives of neuroscientific data S. Wunsch École pratique des hautes études (EPHE), 68, rue Lamartine, 33400 Talence, France MOTS CLÉS Éducation à la sexualité ; Apprentissages sexuels ; Société éducative ; Socialisation ; Neurosciences ; Éthique. Résumé L’éducation à la sexualité est un sujet généralement peu abordé dans les institutions et les établissements scolaires. Quand elle est abordée, elle concerne surtout la prévention des risques (IST , grossesses non désirées, abus sexuels. . .). Mais cet apport d’informations limitées est-il suffisant ? Quel devrait être le contenu de cette éducation ? L’objectif de cet article est de présenter les implications éducatives probables des dernières connaissances en neurosciences de la sexualité. Pour réaliser ce bilan, les compétences nécessaires pour vivre la sexualité, tant au niveau individuel que social, ont été évaluées et comparées avec les capacités et compé- tences qui préexistent dans l’organisme. Chez les mammifères, les études récentes ont montré que le but du comportement de reproduction, grâce à des structures élémentaires préorgani- sées, est la copulation hétérosexuelle. Mais chez l’être humain, la majorité de ces facteurs sont altérés ou modifiés (altération des circuits olfactifs qui détectent les phéromones, lordose non fonctionnelle, dissociation des activités sexuelles des cycles hormonaux. . .). Pour ces raisons, il apparaît que l’essentiel de la sexualité humaine est acquis : les associations avec des émo- tions et des affects positifs et/ou aversifs ; et tous les apprentissages des différentes activités érotiques, des automatismes moteurs, de la socialisation sexuelle, de toutes les connaissances concernant la sexualité, ainsi que l’assimilation des normes et des valeurs sexuelles. De plus, les données cliniques suggèrent que les défauts ou les problèmes d’apprentissages, en parti- culier dans le cas d’association avec des émotions aversives (dégoût, peur, honte. . .), seraient la cause d’une partie significative des troubles de la sexualité. Dans les sociétés sexuellement éducatives, il existe différentes pratiques socioculturelles qui permettent d’acquérir au cours du développement les différentes connaissances et compétences nécessaire à la vie sexuelle adulte. Il faudrait évaluer, de manière transdisciplinaire et transculturelle, les différentes pra- tiques éducatives afin de fonder l’éducation à la sexualité sur les données les plus objectives possible. En conclusion, l’éducation à la sexualité — scientifique, globale et intégrée de manière cohérente aux autres apprentissages — apparaît, tant sur les aspects comportementaux, Adresse e-mail : serge.wunsch@ouvaton.org http://dx.doi.org/10.1016/j.sexol.2016.12.003 1158-1360/© 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits r´ eserv´ es. Pour citer cet article : Wunsch S. L’éducation à la sexualité. Perspectives des données neuroscientifiques. Sexologies (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.sexol.2016.12.003 ARTICLE IN PRESS Modele + SEXOL-594; No. of Pages 10 2 S. Wunsch affectifs que cognitifs, indispensable à la santé sexuelle et à une vie sexuelle et sociale adaptée, consciente et responsable. © 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits r´ eserv´ es. KEYWORDS Sex education; Sexual learning; Educational society; Socialization; Neuroscience; Ethics Summary Sex education is a subject that is generally not covered very much in schools and educational institutions. When it is, it mainly concerns risk prevention (STDs, unwanted pre- gnancies, sex abuse, etc.). But is this limited amount of information sufficient? What else should sex education include? The aim of this article is to present the probable educational implications of the latest findings in neuroscientific sexuality. To prepare this report, the necessary compe- tencies to experience one’s sexuality, both individually and socially, have been assessed and compared with the capacities and competencies that exist naturally in the body. In mammals, recent studies have shown that the objective of reproductive behavior, thanks to pre-organized elementary structures, is heterosexual copulation. But in the human being, most of these factors are impaired or modified (impairment of the olfactory circuits to detect pheromones, lordotic mating reflex no longer functional, sexual activities dissociated from hormonal cycles, etc.). For these reasons, it would appear that the essentials of human sexuality have to be acquired: associations with emotions and positive and/or negative affects; and all the learnings of various erotic activities, motor automatisms, sexual socialization, all the knowledge concerning sexua- lity, and the assimilation of sexual norms and values. In addition, clinical data suggest that failings or problems with the learning, in particular in the case of association with aversive emotions (disgust, fear, shame, etc.) could be the cause of a significant proportion of sexual disorders. In societies where sexual education exists, there are various sociocultural practices that enable the acquisition of different items of knowledge and the competencies necessary for adult sexuality, at the various stages of development of a human being. The different educa- tional practices should be assessed in a transdisciplinary and transcultural manner so as to base sex education on the most objective data possible. To conclude, sex education — scientific, global and integrated in a consistent manner to all the other forms of learning — would appear, both in terms of its behavioral and cognitive aspects, to be essential for sexual health and an appropriate, conscious and responsible sexual and social life. © 2016 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Introduction L’éducation à la sexualité occupe une place marginale dans le curriculum scolaire. En général, elle concerne surtout la reproduction et la prévention des risques. Les activi- tés, les relations affectives et le plaisir ne sont quasiment pas abordés, en raison, entre autres, de l’opposition de parents, d’associations confessionnelles (Brenot, 2007), et de l’hypothèse de l’existence d’un instinct sexuel (Courtois et Bonierbale, 2016 :31,48) qui rendrait inutile l’éducation sexuelle concrète. Or les données neurobiologiques montrent que les struc- tures biologiques de la reproduction sont minimales (Knobil et Neill, 2005), et que la majorité de ces structures sont altérées ou modifiées chez l’être humain (Wunsch, 2017a). Les données éthologiques montrent que le comportement sexuel a changé chez les hominidés, qu’il n’est plus orienté vers la copulation hétérosexuelle (Bagemihl, 2000), et, que de manière similaire aux autres comportements, la sexualité est apprise. Les données expérimentales d’isolement social confirment l’importance des apprentissages (Dixson, 2012). Les données ethnologiques montrent, s’il n’y a pas d’empêchement culturel, que la sexualité se développe dès l’enfance, et qu’elle s’apprend de manière similaire aux autres comportements. Et qu’il existe même des sociétés éducatives, où, de manière similaire aux autres comportements et capacités, on apprend la sexualité (Ford et Beach, 1952). Alors jusqu’à quel point l’éducation à la sexualité serait- elle nécessaire, et quels seraient les compétences motrices, affectives, intellectuelles et sociales à acquérir ? Nécessité biologique de l’éducation à la sexualité Chez les mammifères, les facteurs biologiques et les cir- cuits neurobiologiques qui contrôlent le comportement sexuel sont relativement élémentaires : circuits olfactifs qui détectent les phéromones, circuits des réflexes copu- latoires (lubrification, lordose, érection, éjaculation. . .), circuit des récompenses pour les apprentissages. . . (Knobil et Neill, 2005). Ces facteurs sont relativement similaires à ceux existant chez les insectes (Auer et Benton, 2016), et suffisent au développement du comportement sexuel et à la réalisation de la reproduction. De plus, une analyse systématique du système nerveux suggère qu’il n’existerait pas d’autres facteurs spécifiques au comportement sexuel (Wunsch, 2007 :13—48). De surcroît, au cours de l’évolution du comportement de reproduction vers la sexualité humaine, la majorité de ces facteurs sont altérés ou modifiés (altération des Pour citer cet article : Wunsch S. L’éducation à la sexualité. Perspectives des données neuroscientifiques. Sexologies (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.sexol.2016.12.003 ARTICLE IN PRESS Modele + SEXOL-594; No. of Pages 10 Éducation à la sexualité 3 circuits olfactifs qui détectent les phéromones, lordose non fonctionnelle, dissociation des activités sexuelles des cycles hormonaux. . .). Et il ne semble pas que de nouveaux fac- teurs innés de contrôle soit apparus, qui auraient remplacé les facteurs altérés (voir dans ce numéro Wunsch, 2017a). Pour ces raisons, il apparaît que l’essentiel de la sexua- lité humaine est acquis : les associations avec des émotions et des affects positifs et/ou aversifs ; et tous les apprentis- sages des différentes activités érotiques, des automatismes moteurs, de la socialisation sexuelle, de toutes les connais- sances concernant la sexualité, ainsi que l’assimilation des normes et des valeurs sexuelles (voir dans ce numéro Wunsch, 2017b, 2017d ; Wunsch, 2014). Il est très important de noter que les données neuroscien- tifiques apportent ici une information capitale concernant les apprentissages et l’éducation : très probablement, ce qui est inné est minimal, et l’essentiel de la sexualité humaine est acquis. C’est-à-dire que l’éducation à la sexua- lité apparaît comme une nécessité indispensable tant à la santé sexuelle qu’à une vie sexuelle et sociale adaptée, consciente et responsable. Conséquences de l’absence d’éducation à la sexualité En Occident, depuis le XVIIIe siècle, les enfants ont été iso- lés de la sexualité en raison de la souillure irrémédiable de l’âme enfantine qu’entraîne la luxure et le péché de chair (Ariès, 1973), puis du vice moral et des pathologies attribuées en particulier à la masturbation (Tissot, 1775), et actuellement en raison uploads/Societe et culture/ j-sexol-2016-12-003.pdf

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