COLLECTION D'ÉTUDES LATINES PUBLIER PAR LA SOCIÉTÉ DES ÉTUDES LATINES s o u s L

COLLECTION D'ÉTUDES LATINES PUBLIER PAR LA SOCIÉTÉ DES ÉTUDES LATINES s o u s LA DIRECTION DE J . MAROUZEAU — IV — PLINE JET LA VIE LITTÉRAIRE DE SON TEMPS P A R A.-M. GUILLEMIN D O C T E U R È S L K T T R E S SOCIÉTÉ D'ÉDITION « LES BELLES-LETTRES 9 5 v « O l î t K V A R O RASPAIl., PARIS, Vl" 1929 PLINE ET LA VIE LITTÉRAIRE DE SON TEMPS C O L L E C T I O N D ' É T U D E S L A T I N E S PUBLIÉE PAR LA S O C I É T É D E S É T U D E S L A T I N E S SOUS LA DIRECTION DE J . MAROUZEAU — IV — PLINE E T LA VIE LITTÉRAIRE DE SON TEMPS PAR A.-M. GU1LLEMIN DOCTEUR ES LETTRES V * SOCIÉTÉ D'ÉDITION « LES BELLES-LETTRES » 9 5 , B O U L E V A R D R À S P A I L , P A R I S , V I e 1929 m I T 1 8 3 1 & PLINE ET LA VIE LITTÉRAIRE DE SON TEMPS C H A P I T R E I LE CERCLE LITTÉRAIRE DE PLINE LE JEUNE Indépendamment de leur valeur comme œuvre littéraire, les lettres de Pline ont l'avantage de nous offrir la plus parfaite image de la société de son temps; aucune source n'est plus féconde pour nous en révéler la connaissance. Quiconque s'est intéressé à l'his- toire romaine, de Mommsen à M. Louis Bertrand, y a puisé à pleines mains. En retour, l'histoire jette sur ces lettres un jour tel qu'on se condamne à ne pas les comprendre en les isolant de la période à laquelle elles appartiennent. Je crois en conséquence qu'avant de chercher à pénétrer la conception et les procédés d'art qui en font le mérite littéraire, il est nécessaire d'en recon- naître la matière. Je m'attacherai non aux faits, bien connus par les ouvrages de Friedlânder et de Marquardt, mais à leur sens, à la mentalité dont ils témoignent. Je le ferai en étudiant le milieu littéraire dans lequel ont vécu Pline et ses amis, ce que j'appellerai le cercle littéraire de Pline, et j'essaierai d'établir que ses lettres reproduisent l'aspect des relations courtoises telles qu'elles se pratiquaient à l'époque impériale dans une société de lettrés, que les usages dont elles témoignent ne sont autre chose que les traits O o 1 traditionnels de l'amitié antique adaptés aux exigences d'une civi- lisation plus douce. Cette notion mise au point, l'étude des doc- trines littéraires et des procédés d'art sera infiniment plus aisée. Telles sont les considérations qui m'amènent à dire tout d'abord quelques mots des formes anciennes de l'amitié et de quelques A. GUILLEMIN conceptions connexes, qui sont sans cesse au premier plan dans l'œuvre à laquelle est consacrée cette étude. * 4 » L e s lettres q u e Pline nous a conservées, à en juger par le ton et les expressions de l'auteur, s'adressent toujours à des amis et s u p p o s e n t une intimité plus ou moins complète entre les corres- pondants. Elles reflètent donc les formes et les traits caractéris- tiques de l'amitié antique, et comme elles sont échangées entre lettrés communiant tous dans l'amour des choses de l'esprit, elles reflètent du même coup les usages pratiqués dans le cercle litté- raire. Malheureusement l'amitié antique est loin de nous être parfaite- ment connue. Une étude de M. L. D u g a s 1 définit ce qu'elle était d a n s les écoles philosophiques g r e c q u e s ; mais ce n'est là qu'une de ses faces. Les textes grecs et latins témoignent qu'elle a joué d a n s le monde politique un rôle de première importance dont il serait intéressant de connaître l'origine et la portée exacte. Une telle recherche dépasse de beaucoup ce que je me propose ici. C e p e n d a n t une foule de détails seraient inintelligibles par la suite si je ne donnais préalablement un aperçu de ce que les textes nous apprennent avec abondance sur les relations amicales. Je vais donc en dégager quelques idées intéressantes, mais sans prétendre en aucune façon envisager toute l'étendue de la question. A p r è s les auteurs grecs, chez lesquels, depuis Homère 2, on rencontre sans cesse des allusions aux bienfaits et aux devoirs de l'amitié, au SUÇYJV, c'est-à-dire à la vie en commun des amis, à la c o m m u n a u t é des biens qu'ils pratiquaient, etc..., trois ouvrages latins nous renseignent mieux que tout autre sur ce qu étaient à R o m e les relations amicales : le De amicilia et le De officiis de Cicéron, le De beneficiis de Sénèque. A première vue, le De ami- citia d e Cicéron n'est qu'une étude sur le caractère moral et sen- timental de l'amitié et, comme tel, il nous semble, à nous modernes, banal et assez pauvre. Mais sous les préocupations philosophiques qui seules intéressaient l'auteur, on perçoit encore les lignes plus 1. L. Dugas, L'amitié antique, Paris, 1894. 2. Cf. G. Méautis, L'aristocratie athénienne, Bulletin de l'Association G. Budé, n° 16, 1827, p. 21. fermes d'un état politique et social antérieur, dont l'amitié formait l'un des leviers principaux. Elle a sans doute été d'abord le lien juridique d'un groupement à relations quasi rituelles, dont les cadres, survivant à l'organisation sociale dans laquelle ils avaient pris naissance, se seraient peu a peu vidés de leur matière et remplis du contenu sentimental qui est pour nous l'essentiel de l'amitié. Vers le commencement de l'ère chrétienne, on était à mi-chemin du point de départ et du point d'arrivée, on concevait que l'amitié reposait sur des sentiments et sur des vertus, mais beaucoup des vieux rites subsistaient encore. Le De amicitia est le poème de l'amitié; il en décrit avec atten- drissement l'idéal. Pour compléter et parfois rectifier cette idylle, il faut lire les lettres de Cicéron et surtout le petit traité de son frère Quintus sur la pétition du consulat. C'est là qu'on voit vraiment à l'œuvre l'amitié romaine, souvent loyale, parfois tendre, fidèle dans la mesure où le permettaient les ambitions politiques, mais avant tout acharnée à la poursuite de la gloire. Pour y atteindre, les efforts se coalisent et comme on est trop faible à soi seul, on met à l'œuvre tous ses amis. Si l'existence de tels groupements semblait alors non seulement normale, mais encore indispensable, c'était en vertu de traditions persistantes. L'amitié conserve encore mille vestiges de l'ancien patronat, alors que ceux qui la pratiquent ne les reconnaissent plus. Pline et Sénèque s'étonnent tous deux qu'on puisse diviser ses amis en classes; il convient, pensent-ils, que le sentiment ignore la hiérarchie 1. Aussi l'amitié n'était-elle pas un sentiment lorsqu'on y distinguait les amici minores ou tenuiores2 — cet euphémisme a servi à désigner les clients auxquels, si nous en croyons Pline et Juvénal, il ne valait pas d'être mieux traités — et les magnae amicitiae. Les particuliers, comme les empereurs, ouvraient successivement leur porte à des admissiones de dignité 1. Sen. Ben. 6, 33, 4 : non sunt isti amici... qui in primas et secundas admissiones digeruntur; Pl. Ep. 2, 6, 2 : nam gradatim amicos habcl (la phrase est accompa- gnée d'une nuance de blâme); cf. Sen. Ben. 6, 34, 1. 2. Pl. Ep. 2, 6, 2 : minoribus amicis; sur amtcttia magna, cf. Iuai 5, 14; voir aussi Hor. Ep. 1, 18, 86-87 : dulcis inexpertis cultura potentis amici | expertus me- tuit ; Cicéron désigne de même la clientèle : tenuiores amici (Mur. 33,69, et tout le passage); il attribue aux amici les deux fonctions caractéristiques de la clientèle; Cic. Att. 1, 18, 1 : itaque cum bene compléta domus est tempore matutino, cum ad forum stipati gregibus amicorum descendimus, reperire ex magna turba neminem possumus quocum aut iocari libéré aut suspirare familiariler possimus. inégale. D'une classe à l'autre les promotions avaient lieu régu- lièrement, comme s'il se fût agi de la carrière des honneurs : « Il faut que chacun reçoive une marque de familiarité qui lui fasse espérer qu'il sera admis à une plus grande intimité1 », dit Sénèque, et Quintus Cicéron donne ce conseil à son frère : « Il faut faire envisager à l'amitié l'espoir de devenir intime 2. » On ne recom- mandait pas un personnage qui vous était cher sans spécifier qu'aucun degré de l'amitié n'était au-dessus de son mérite 3. Dans l'amitié comme dans les honneurs, l'avancement n allait pas sans effort et les anciens parlent souvent de la peine qu'il faut se donner pour conquérir une amitié, Platon range sur la même ligne l'acquisition des amis et celle des richesses 4; Sénèque place à côté de l'ami « celui uploads/Societe et culture/ guillemin-pline-et-vie-litteraire-de-son-temps-pdf.pdf

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