1 Les interventions sanitaires à Mayotte Dr Amed Abdou, urgentiste à l’hôpital
1 Les interventions sanitaires à Mayotte Dr Amed Abdou, urgentiste à l’hôpital de Mayotte Dr Voegeli, urgentiste à l’hôpital de Mayotte Je suis responsable des Urgences-SMUR du Centre Hospitalier de Mayotte et je gère aussi les EVASAN (évacuations sanitaires). Pourquoi les EVASAN à Mayotte ? On sait bien que le plateau technique à Mayotte est composé de peu de spécialités. Pour une prise en charge neuro-chirurgicale, en cardiologie interventionnelle, en chirurgie oncologique, en chirurgie pédiatrique, ces pathologies obligent à évacuer les patients. En priorité, nous travaillons beaucoup avec les structures Réunionnaises, qui ont un plateau technique plus fourni, on arrive à cadrer les patients qu’on conditionne ici puis qu’on transfère à la Réunion pour la suite de la prise en charge. En 2011, nous avons fait près de 600 évacuations sanitaires. Celles qui partent de Mayotte vers la Réunion sont pour la plupart médicalisées (équipes constituées d’un médecin, un infirmier et le malade) avec la compagnie Air Austral. Nous n’avons pas de convention avec cette compagnie ce qui fait que parfois, il n’y a pas de place dans l’avion ce qui nous oblige à repousser une intervention. Environ 300 de ces évacuations sanitaires ont été médicalisées, les 300 autres ont pour 2/3 été paramédicalisées (équipe d’infirmiers inscrits sur la liste des agents aptes à partir en évacuation sanitaire). Pour le tiers restant, ce sont des patients valides qui partent tous seuls, qui ont souvent été déjà traités sur la Réunion, qui retournent à Mayotte et qui seront rappelés à la Réunion à une date ultérieure pour complément de traitement. On a fait une vingtaine d’évacuation sur la métropole, essentiellement de nourrissons qui ont des cardiopathies congénitales nécessitant une prise en charge chirurgicale. Hormis ces évacuations sanitaires, Mayotte joue un rôle très important dans la zone car le plateau technique des Comores (Anjouan, Mohéli et la Grande Comore) est très insuffisant et les confrères font appel à nous fréquemment pour prendre en charge les patients ne pouvant pas être soignés aux Comores (médecine interne, chirurgie, etc.). On a un comité EVASAN qui se tient tous les mercredi après-midi, il est composé de 4 médecins : 1 médecin inspecteur de la santé (faisant partie de l’ARS), 1 médecin conseil de la Sécurité Sociale (Président du comité), 2 médecins hospitaliers (1 médecin anesthésiste réanimateur et moi-même). Nous étudions toutes les demandes d’EVASAN non urgentes. Si c’est un affilié, le médecin de la Sécurité Sociale appose sa signature, si c’est un non affilié, le médecin de l’ARS appose sa signature et le malade peut être évacué pour être soigné à la Réunion ou en métropole si le plateau technique Réunionnais ne le permet pas. La demande doit être formulée par le médecin demandeur, la demande doit ensuite arriver au secrétariat des EVASAN. Il existe des formulaires de demandes. Les urgences n’entrent pas dans ce cadre et sont traitées immédiatement (évacuation immédiate). Concernant la psychiatrie, l’année dernière nous avons fait 6 évacuations sanitaires à la demande de nos médecins confrères psychiatres de l’hôpital dont un malade que nous avons évacué en métropole dans une unité de malades difficiles. 2 On est obligé de les sédater pour leur permettre de voyager dans le calme (en métropole et à la Réunion). Je laisse la parole à mon collègue, le Docteur Voegeli. Je viens vous parler de problèmes que nous côtoyons tous les jours, de patients qui viennent dans des conditions très difficiles, avec des pathologies très avancées et que l’on retrouve aux urgences. La grande majorité de ces patients vient d’Anjouan. Ce sont des histoires dramatiques, on peut distinguer plusieurs situations : Les patients empruntent des embarcations clandestines et sont souvent vus dans des délais très longs. Ils présentent des pathologies très évoluées. Une minorité de patients arrive à accéder au comité EVASAN et viennent de façon réglée. La troisième situation est une filière de soins qui s’est développée entre grande Comore et l’hôpital du CHM, pour les grands brûlés. Il y a une salle dédiée à Moroni : un SAS pour les brûlés graves. Les patients seront conditionner et stabiliser pendant un à deux jours avant de les envoyer sur le CHM, pour qu’ils puissent être pris en charge pour la suite des soins dans le service des brûlés. Ce dispositif a été mis en place depuis un ou deux ans et fonctionne bien. On s’est rendu compte qu’il était plus avantageux de s’associer à la prise en charge dès les Comores pour ces patients. Aux urgences, en discutant avec les différents soignants, on se rend compte que le personnel est confronté à des situations difficiles, que tout le monde subi et dont personne ne parle vraiment. Parfois, on a à peine le temps de prendre connaissance du dossier d’un patient, qu’il est décédé (étant donné la gravité de leur état de santé). Au bout d’un moment, on a pensé mettre en place une étude pour étudier les patients, leur nombre, leur pathologie, pour qu’il y ait une discussion autour des cas difficiles que nous prenons en charge. On a fait plusieurs réunions qui se sont montrées positives, et on est allé voir en amont comment ça se passe pour pouvoir intervenir et améliorer la prise en charge. On a proposé de faire une étude sur un an pour comprendre le circuit de ces patients. Pourquoi ont-ils eu du mal à être pris en charge aux Comores ? Voir si on pouvait avoir des relais là bas, des personnes avec qui coopérer, collecter des informations pour définir des filières de soins accessibles avec des missions sur place. Essayer de cibler les pathologies dont les filières seraient à développer en priorité. Cette étude n’est toujours pas mise en place, un entretien pour reconstituer le circuit du patient, c’est très long et difficile à mettre en place aux urgences ; pour l’instant ce sont des réflexions qui émergent de la souffrance des soignants. Concernant ces évacuations sanitaires qui viennent des Comores, on traite en moyenne par semaine au niveau du comité EVASAN, 5 à 6 dossiers et il est très rare que nous refusions catégoriquement une demande. Il existe parfois des situations difficiles, quand le plateau technique de Mayotte n’est pas suffisant pour prendre ne charge la pathologie pour laquelle le médecin demande l’évacuation ; on est obligé de préciser au niveau du comité, que l’hôpital de Mayotte ne peut pas prendre en charge ce type de patient. Le malade contourne parfois le système, il prend un kwassa et on le voit arriver dans les dix jours suivants le refus sur le territoire et on est donc obligé de le soigner. Toutes ces personnes qui viennent des Comores et qui 3 partent en traitement en Métropole rencontrent des difficultés importantes, car se retrouvent dans un milieu qui n’est pas le leur, ils ne parlent pas la langue, n’ont pas de repères, la coopération régionale ne doit pas être seulement médicale mais il doit y avoir un vrai sujet de discussion dans tous les domaines, avec toutes les spécialités médicales, paramédicales, tout ce qui entoure les soins de l’homme. Mme Marie-Annick Grima, psychologue au C.M.P.P. Henri Valland à l’île de Réunion. Dans le cadre de ma pratique professionnelle j’anime une consultation psychothérapie transculturelle ; je vais vous présenter ce dispositif car c’est le seul dispositif transculturel qui existe à la Réunion et même dans l’Océan Indien. Il est au carrefour de pratiques cliniques, relevant de l’ethno psychiatrie et de l’ethno psychanalyse. Dans ce cadre là, je suis amenée régulièrement avec d’autres collègues, à rencontrer des familles venant de partout. Je rencontre régulièrement des familles venues de l’archipel des Comores, de Mayotte, de Madagascar, des Seychelles, de l’ile Maurice, de la Métropole. J’ai acquis une compétence particulière que j’ai finalisée au travers d’un travail de recherche sur la vulnérabilité psychique des enfants de migrants. Je rencontre Mayotte à la Réunion, j’ai par ailleurs rencontré Mayotte à plusieurs reprises, je suis un « reviens ». Mon propos va consister à relater mon expérience de prise en charge d’un enfant évassané jusqu’à la Réunion. Dans le cadre de cette consultation, nous accueillons régulièrement des familles venues de l’archipel des Comores qui est constitué de 4 îles : la grande Comore, Mohéli, Anjouan et Mayotte. Ces iles ont vu longtemps flotter le drapeau Français sur leur sol, d’abord colonie de la République puis territoire d’Outre-mer depuis 1946 à 1975, cet archipel a ensuite accédé à l’indépendance. Au regard du droit international, cette situation a valu à la France, ancienne puissance coloniale, d’être condamnée plus de vingt fois par l’Organisation des Nations Unies ; l’ONU considère en effet que la présence Française à Mayotte constitue une violation de l’unité nationale, de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de la République indépendante des Comores. Rien n’a changé sur le plan international et la situation politique de cette région du monde est des plus instables et reste marquée par des crises politiques régulières ; cela ne laissant pas de place à un développement économique équilibré et aujourd’hui les 3 iles constituant l’union des uploads/Sante/ les-e-vacuations-sanitaires-a-mayotte.pdf
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- Publié le Apv 30, 2021
- Catégorie Health / Santé
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