Antibiothérapie chez la femme enceinte et allaitante Véronique Isnard, A Bongai
Antibiothérapie chez la femme enceinte et allaitante Véronique Isnard, A Bongain, JY Gillet L a grossesse ne protège pas contre l’infection. Traiter une femme enceinte impose de tenir compte de deux patients : la mère et le fœtus. L’ensemble des antibiotiques traverse le placenta de sorte que l’embryon ou le fœtus sont exposés à d’éventuels effets indésirables. Les conséquences du passage transplacentaire des médicaments revêtent toutefois un aspect plus positif lorsqu’il s’agit d’administrer un traitement à la mère dans le but de traiter le fœtus. © Elsevier, Paris. I Modifications physiologiques de la grossesse Toutes les étapes de la pharmacocinétique des antibiotiques peuvent être influencées par la grossesse. L’augmentation du volume sanguin (de 40 à 50 %) provoque un accroissement du volume de distribution et une diminution de la concentration des protéines plasmatiques [5]. L’augmentation du débit cardiaque, et du taux de filtration glomérulaire (50 %) entraîne une augmentation de la clairance des antibiotiques excrétés par voie rénale. A contrario, la clairance de la créatinine est souvent transitoirement diminuée au cours d’une pyélonéphrite aiguë ce qui devrait faire diminuer les doses d’antibiotiques à élimination rénale prépondérante. L’imprégnation en progestérone induit un accroissement du métabolisme hépatique, une diminution de la mobilité intestinale, un retard à la vidange gastrique et l’absorption des antibiotiques donnés par voie orale se fait souvent de manière imprévisible. Le passage transplacentaire des antibiotiques, qui varie vraisemblablement selon le terme de la grossesse, détourne un pourcentage important de l’antibiotique du compartiment maternel vers le compartiment fœtal (tableau I). Ce passage des antibiotiques dans le compartiment fœtal se fait sans intervention énergétique. Le placenta se comporte comme une membrane semi-perméable laissant passer les molécules de poids moléculaire assez faible selon une loi de diffusion où interviennent : surface placentaire, épaisseur du placenta, concentration de part et d’autre des membranes et caractéristiques physicochimiques du médicament. Si l’antibiotique se fixe plus facilement sur les protéines, sa concentration sera réduite chez le fœtus, par exemple l’érythromycine. Ces notions demeurent toutefois très théoriques et nous ne possédons que peu de données sur les concentrations sériques et tissulaires des différents antibiotiques au cours de la grossesse. Les rares études sur la pharmacocinétique des antibiotiques pendant la grossesse sont sujettes à des critiques car effectuées pendant le travail, avec un placenta sénescent, ou au cours de la grossesse à l’occasion d’un prélèvement par ponction du cordon ombilical ; dans les deux situations, il est rare que l’on puisse obtenir plus d’une paire de valeurs (fœtale et maternelle) et donc une cinétique du médicament. Quoi qu’il en soit, il semble que les taux sériques des antibiotiques soient inférieurs à ceux obtenus en dehors de la grossesse [5] et le corollaire est que les doses devraient être augmentées, ce qui paradoxalement est rarement le cas, par inquiétude vis-à-vis de la mère et de son fœtus. Il importe de noter que les taux sériques obtenus sont la plupart du temps bien supérieurs aux concentrations minimales inhibitrices et peu de publications relatent des échecs dus à des doses d’antibiotiques insuffisantes. I Différentes classes d’antibiotiques et indications pendant la grossesse Il est difficile de mettre en évidence la tératogénicité d’un médicament tant les facteurs qui interfèrent sont nombreux et rendent impossible la mise en évidence d’une relation de cause à effet (variations individuelles, effet-dose, moment de l’administration, effet possible de l’affection causale, fréquence des multimédications, études souvent rétrospectives, etc [3]. Les enquêtes françaises et anglo-saxonnes, ainsi que les études des centres de pharmacovigilance n’ont pas décrit de malforma- tions chez le nouveau-né par prise d’antibiotiques en début de grossesse. Ces résultats contrastent avec les études expérimentales effectuées chez l’animal. Il ne semble pas que la prise d’antibiotiques, quels qu’ils soient, en début de grossesse, puisse justifier une interruption médicale de grossesse. ‚ Bêtalactamines Risque tératogène et embryotoxicité Les bêtalactamines ont fait la preuve de leur innocuité. Les pénicillines sont les antibiotiques les plus fréquemment prescrits. Elles traversent le placenta et donnent des taux élevés dans le cordon ombilical et le liquide amniotique. L’inconvénient majeur est le risque allergique. La littérature s’accorde à ne leur reconnaître que de rares effets secondaires sur le fœtus et ce médicament est considéré comme sans danger pendant la grossesse [4]. Les céphalosporines (première, deuxième et troisième générations) sont également considérées comme sans danger. Indications des bêtalactamines Les pénicillines sont utilisées aussi bien à visée thérapeutique que prophylactique. ¶ Infection urinaire L’infection urinaire peut être responsable d’accouchements prématurés et d’infections néonatales. L’infection urinaire peut revêtir trois aspects : la bactériurie asymptomatique, la cystite, la pyélonéphrite aiguë. L’amoxicilline est volontiers employée en première intention lors de la cystite (1,5 à 2 g /j) [1, 6]. En deuxième intention, on aura recours à l’association amoxicilline-acide clavulanique (1 comprimé à 500 mg 2 fois par jour) ou à une céphalosporine de première ou deuxième génération (1 comprimé à 500 mg 2 fois par jour). L’éventail des bactéries est identique à celui des femmes non enceintes. On conseillera une antibiothérapie orale bien répartie sur le nycthémère durant 1 semaine, bien que l’on note l’absence de consensus concernant la durée optimale du traitement. La fréquence particulière de la bactériurie asymptomatique au cours de la grossesse et son risque ultérieur d’entraîner une pyélonéphrite amène à la traiter impérativement, pour certains par le traitement minute, qui serait aussi efficace qu’un traitement d’une semaine. Une rechute (même souche bactérienne) faisant évoquer une atteinte du haut appareil urinaire ou une réinfection (souche différente) conduiront à donner une antibiothérapie adaptée pendant 10 à 14 jours dans le premier cas et 1 semaine au moins dans le second [1]. Tableau I. – Perméabilité placentaire aux antibiotiques. 100 % 25-75 % 5-10 % Spiramycine Bêtalactamines Érythromycine Aminosides Polymyxine Colistine Bacitracine Tétracyclines 1 AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine 5-0190 © Elsevier, Paris 5-0190 La pyélonéphrite aiguë et ses complications (accouchement prématuré, rupture prématurée des membranes, infection néonatale, choc septique) sera traitée d’emblée en traitement parentéral (en règle céphalosporine de troisième génération). Le relais per os, après apyrexie d’au moins 48 heures, sera prolongé pendant 2 semaines. ¶ Listériose La listériose chez la femme enceinte se signale par une symptomatologie banale, pseudo-grippale le plus souvent. Plus évocateurs sont l’apparition d’une température précédant de peu l’accou- chement ou l’existence d’un épisode fébrile en deux temps séparé par une apyrexie d’une dizaine de jours. Rappelons que le diagnostic de grippe chez la femme enceinte doit être réfuté jusqu’à preuve du contraire et que toute fièvre chez une femme enceinte doit conduire à pratiquer des hémocultures et un examen cytobactériologique urinaire. Cette infection est une urgence thérapeutique. La gravité des complications contraste avec la simplicité du traitement, qui doit être commencé avant le résultat des hémocultures [3, 6] : il repose sur une antibiothérapie par ampicilline (3 g/24 h en intramusculaire [IM] ou per os pour au moins 15 jours, voire plusieurs semaines, la bactérie pouvant persister longtemps dans la muqueuse de l’utérus). ¶ Syphilis Le tréponème pâle ne traverse la barrière placentaire qu’après 16 semaines de grossesse. Le traitement avant le quatrième mois écarte toute atteinte fœtale. Le traitement pendant la grossesse ne diffère pas de celui de l’adulte et fait appel aux pénicillines retard. En cas de syphilis récente primosecondaire, on pourra donner au premier trimestre 12 millions d’extencilline (1,2 million d’unités en IM profonde, 3 fois par semaine pendant 3 semaines, à renouveler au début du troisième trimestre). En cas d’allergie à la pénicilline, on utilise un macrolide. Mais l’érythromycine (2 g/j pendant 3 semaines) traverse insuffisamment le placenta et ne met pas l’enfant à l’abri d’une syphilis congénitale. ¶ Endométrite Les germes en cause dans les endométrites et les abcès de paroi sont des germes d’origine vaginale. L’amoxicilline, l’association amoxicilline/acide clavulanique et les céphalosporines de première et de deuxième génération sont utilisées en première intention. ‚ Aminosides La grossesse n’est pas une contre-indication absolue pour les aminosides, mais les risques potentiels d’ototoxicité et de néphrotoxicité ne doivent pas les faire prescrire en première intention. Ceci est démontré pour la streptomycine et la kanamycine, contre-indiquées au cours de la grossesse. On utilise donc la gentamicine (Gentallinet) ou l’amikacine (Amiklint). ‚ Tétracyclines Les tétracyclines traversent le placenta et se déposent au niveau des dents et des épiphyses des os longs. Il peut en résulter une hypoplasie ainsi qu’une coloration jaune ou brune des dents de lait, voire un retard de croissance. Les tétracyclines ne doivent donc pas être prescrites. ‚ Macrolides Ils ne présentent pas de toxicité majeure, mais certains produits apparentés comme la lincomycine peuvent se trouver à concentration élevée au niveau hépatique. Érythromycine L’érythromycine n’a pas d’effet secondaire chez le fœtus mais sa tolérance est plus ou moins bonne. Elle entraîne des manifestations digestives (nausées, vomissements, gastralgies, diarrhées). L’érythro- mycine est fortement liée aux protéines et donc le passage transplacentaire est plus faible (5 à 10 %) que celui des bêtalactamines (40 % pour l’ampicilline). Elle est principalement utilisée dans le traitement des infections à Chlamydia et également des mastites puerpérales pour son efficacité sur le staphylocoque doré souvent en cause [2]. Spiramycine et toxoplasmose L’étude du passage transplacentaire uploads/Sante/ le-manuel-du-generaliste-antibiotherapie.pdf
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- Publié le Oct 11, 2021
- Catégorie Health / Santé
- Langue French
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