Gluten, blanc d'œuf, produits laitiers, amandes. Le boom des hypersensi De plus

Gluten, blanc d'œuf, produits laitiers, amandes. Le boom des hypersensi De plus en plus de gens font le lien entre leurs maux chroniques et les aliments qu'ils consomment Les scientifiques sont divi- sés. Alors, effet de mode ou problème réel ? Texte Alexandre Bogaert F lorence était dans une impasse. A 10 ans, sa fille Héloïse avait épuisé tous les examens médicaux pour chercher l'origine de ces otites, mi- graines, panaris, fatigue chronique qu'elle traînait depuis des années. En 2010, le méde- cin de famille l'oriente vers la médecine non conventionnelle. « On a accepté car on n'avait plus d'autre solution», explique la maman. Le geste est banal : une prise de sang. Le sérum d'Héloïse est mis en contact avec 221 molécules alimentaires. Le but : mesurer les variations de la concentration en immu- noglobulines G (ou IgG, des anticorps) réactionnelles à chacune d'elles. L'idée étant que si le taux d'IgG est inférieur à un certain seuil, l'aliment ne représente pas un pro- blème. Mais «plus le taux d'IgG augmente, plus la présence d'anticorps révèle une hy- persensibilité alimentaire, et plus l'aliment est à consommer avec modération, voire à exclure»,estime le Dr Zamaria. A cause d'une mauvaise alimentation, l'intestin deviendrait poreux A l'époque, Héloïse a réagi à 17 aliments (caséine, lait de vache, blanc d'œuf, gluten, etc.) que ses parents ont illico rayés des menus. Les résultats ont été immédiats : « Pour elle, c'était le jour et la nuit.» La petite demoiselle a retrouvé la pêche... Ces hypersensibilités alimentaires sont encore méconnues, peu étudiées et pas ensei- gnées. Moins bien documentées que les aller- gies, elles sont souvent confondues avec les intolérances (lire encadré). Ce n'est qu'en 2001, lors de la révision de la définition de l'allergie, que lAcadémie européenne d'aller- gologie et d'immunologie clinique a pris en compte ces «hypersensibilités médiées par les IgG, et à effet retardé ». Leur processus : en raison d'un régime alimentaire trop gras, Le gluten, une protéine présente dans de nombreuses céréales (blé, orge, seigle, avoine, kamut, etc.) est responsable d'intolérances alimentaires chez une personne sur 300 environ. Il figurerait également parmi les princi- paux aliments responsables mam se débouche ! C'est ma réalité quotidienne.» D'après ses statistiques, établies sur 930 tests (certains résultats lui sont envoyés par des confrères), «le top 3 des aliments les plus hypersensibilisants sont le blanc d'œuf, le gluten et les produits laitiers. Les amandes et la vanille figurent en bonne place. Les trois fruits les moins bien tolérés sont l'ananas, la banane et le kiwi». Caroline, une de ses patientes, traînait depuis six ans un dermographisme, forme d'urticaire qui provoque des marques rouges sur la peau au moindre contact : «J'ai passé ma vie chez les allergologues. Ils m'ont cer- tifié que rien ne pouvait être fait», à part prendre chaque jour du Zyrtec, un antihis- taminique. «J'ai dû en ingérer des centaines de boîtes pour compenser les démangeaisons insupportables qui me réveillaient la m m m Allergie et intolérance, quelles différences? E n France, 3,4% de la population est touchée par au moins une allergie alimentaire. Le système immunitaire reconnaît l'allergène contenu dans l'aliment comme son ennemi et le prend d'assaut. Il produit des bou- cliers, les immunoglobulines E (IgE), et des substances chimiques, dont l'his- tamine. Elles provoquent dans l'heure des réactions variées : urticaire, congestion nasale, œdème de la face et des muqueuses, nausées, diarrhée, jusqu'au choc anaphylactique qui est mortel. Les intolérances alimentaires sont, elles, liées à l'insuffisance d'en- zymes, causant des troubles digestifs. Amidon de blé, lactose et féculents augmentent la fermentation intesti- nale et peuvent provoquer des dou- leurs abdominales. Des troubles sou- vent épisodiques et sans gravité. A l'exception de l'intolérance au gluten, ou maladie cœliaque, diagnostiquée par des tests spécifiques, qui pro- voque des lésions graves de la mu- queuse intestinale. Seul traitement : un régime sans gluten strict et à vie. trop sucré ou trop alcoolisé, de la prise d'an- tibiotiques et d'anti-inflammatoires, voire de l'ingestion de résidus de pesticides ou de métaux lourds, les parois de l'intestin grêle deviennent poreuses («hyperperméables») à certaines molécules alimentaires au lieu de les filtrer comme nutriments dont notre corps à besoin : c'est le syndrome de l'intestin irri- table, qui touche près d'un Français sur cinq au cours de sa vie. «L'organisme reconnaît alors cet aliment comme étranger et le rejette en produisant des IgG», explique le Dr Nico- las Zamaria. Plusieurs heures, voire plusieurs jours après l'ingestion, le duo antigène/anti- corps se balade dans le sang. L'hypersensibilité est réversible après trois mois à deux ans L'ingestion répétée de certains aliments et la réaction inflammatoire qui s'ensuit provo- queraient des symptômes tels que maux de ventre, diarrhées, constipation, flatulences, maux de tête, douleurs articulaires et muscu- laires, rhinites, problèmes cutanés, etc. Seule solution : «réparer la paroi intestinale via l'éviction des aliments incriminés», selon Camille Lieners,le médecin biologiste luxem- bourgeois qui a mis au point, voilà treize ans, le premier test de dosage des IgG, l'ImuPro, pour le laboratoire allemand R-Biopharm. L'exclusion peut aller de trois mois à deux ans, selon les taux d'IgG. Mais l'hypersensi- bilité est réversible. Après plusieurs mois, on réintroduit progressivement l'aliment, à raison d'une fois tous les cinq jours. «Avec ce régime individualisé, les personnes at- teintes du syndrome du côlon irritable, de migraines, de polyarthrite rhumatoïde, de problèmes ORL ou cutanés voient leur état s'améliorer considérablement, et elles sont moins stressées», applaudit le Dr Zamaria, qui recommande le test à toute personne atteinte de maladie chronique. Le médecin nutritionniste et ostéopathe parisien Roger Mussi ne jure que par le test allemand, qui scanne 270 aliments pour 505 €. C'est le plus cher du marché et le plus connu avec plus de 300000 tests vendus dans le monde. En six ans, Roger Mussi en a prescrit 600 et affirme avoir guéri de nombreux pa- tients de leurs maux (dont l'acné et la bou- limie) rien qu'en modifiant le contenu de leurs assiettes. «Grâce à ces tests, je guéris la plupart des maladies chroniques. Prenez un patient qui a tout le temps le nez bouché. On supprime les produits laitiers et son nez BSiWH m nuit.» Une amie lui parle des tests de dosage d'IgG en juillet. Elle fonce. Résultat : elle serait hypersensible aux œufs, aux amandes, à l'agar-agar, aux huîtres, à l'avoine, aux figues, au sirop d'érable, et un peu au gluten. Elle a modifié sa façon de manger et la voilà, trois mois plus tard, ravie : « Ce test a changé ma vie. Je ne suis plus dépendante du Zyrtec ! Ces tests devraient être prescrits systématiquement », s'enthousiasme-t-elle. Sauf que leurs coûts varient, selon les fabri- cants et le nombre d'aliments testés, entre Sur les hypersensibilités, la recherche est inexistante 118 et 505 €, et non remboursable ! Pour- quoi? «Pour une raison simple : ils ne sont pas validés scientifiquement ! », tranche le professeur d'allergologie au CHU de Nancy Gisèle Kanny. « Rechercher des IgG suite à la prise d'aliments, c'est forcément en trou- ver, car cela fait partie de la réponse immu- nitaire normale du corps.» Autrement dit, ceux-ci sont toujours présents dans le sang et, pour de nombreux scientifiques, ils se- raient plus des marqueurs de tolérance à la nourriture que d'intolérance. Pour Pierre Desreumaux, gastro-entérologue lillois, «rien ne permet en l'état actuel des connaissances d'associer les IgG avec des symptômes. La seule solution pour en avoir le cœur net serait de faire, pour chaque cas, des tests scienti- fiques très poussés, ce que personne ne fait car ça représenterait un boulot de dingue». La recherche en allergologie classique souffrant déjà d'un manque cruel de moyens malgré l'explosion du nombres de personnes concernées, celle sur les hypersensibilités est, elle, inexistante. Mais l'Académie européenne d'allergologie et d'immunologie clinique et ses homologues américain, suisse et canadien, sont unanimes : il manque de preuves pour faire le lien entre présence d'IgG et maladies. Pour eux, les tests ne peuvent pas servir de diagnostic et sont insuffisants pour servir de base à un changement d'alimentation. « Les conséquences pour les patients ne sont pas anodines, ajoute le Pr Kanny. Ils mettent en place des régimes d'éviction par- fois sévères, qui peuvent entraîner une exclu- sion sociale et des carences. Pour combler ces manques, ils prennent souvent des complé- ments alimentaires, ce qui a un coût. De plus, retirer des ali- ments normaux des repas et introduire à la place des ali- ments nouveaux, comme le sarrasin ou le pollen, peut provoquer des aller- gies, souvent graves.» Pour elle, «le seul lien entre la mise en place d'une éviction et la disparition des symptômes est un effet pla- cebo». Effet qui n'a pas fonctionné sur Julie Delorme,nutritionniste diététicienne qui tient le blog antimauxdeventre.com. Elle a passé le test ImuPro il y a plusieurs années car elle souffrait de colopathie fonctionnelle. «Les résultats m'ont indiqué que je devais évincer 37 aliments, ce que j'ai fait... et je n'ai pas vu de changement.» Elle s'en est finalement sortie en adoptant une alimentation pauvre uploads/Sante/ hypersensibilite-alimentaire.pdf

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  • Publié le Aoû 17, 2022
  • Catégorie Health / Santé
  • Langue French
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