…des transferts, de travail et d’amour Colette Soler Les deux amours et leur de
…des transferts, de travail et d’amour Colette Soler Les deux amours et leur destin à la fin La question du transfert s’est trouvée actualisée par la crise. On s’imagine volontiers que dans ces moments où un choix s’impose, les positions prises par chacun trouvent leur cause suffisante dans le transfert, dont on fait une cause à tout faire. Le résultat est amusant : ceux de l’AMP accusent le transfert de ceux des Forums et réciproquement. Moins amusant cependant : une mise en cause générale de l’analyse et des analystes en résulte. On veut bien admettre que les analysants cèdent à la capture du transfert mais pour les analystes eux-mêmes, on s’étonne et on s’indigne : comment est-il possible que les analystes, supposés analysés, perdent la boussole de leur jugement intime ? Si une fin d’analyse, ça consiste bien à rejoindre et à assumer la différence absolue - celle du symptôme -, si, donc, elle enregistre le manque de l’Autre, comment expliquer les flambées de la jouissance servile qui se donnent libre cours dans la communauté analytique ? C’est la question qui court. J’y entre avec un postulat, un postulat épistémologique : dans la psychanalyse, comme dans la science, quand une thèse rencontre l’objection des faits, et c’est d’ailleurs rare dans la psychanalyse, il faut réviser la thèse. Est-ce la faute du transfert ? Notre thèse incrimine le transfert, non sans raisons : dès lors que le transfert, c’est de l’amour, et que l’amour rend docile, le temps qu’il dure. Il rend arrangeant, il induit le consentement et ça peut aller jusqu'au sacrifice. Freud y a mis fortement l’accent, voyez "Psychologie collective et analyse du Moi", et Lacan en a tiré une gentille formule, bien dans son style, disant que l’amour est un genre de suicide. Les gradations du sacrifice vont des formes les plus bénignes aux plus ravageantes, mais dans tous les cas, le sacrifice remet à l’autre la charge de la pensée et de la décision. Aveuglement débile et soumission irresponsable cèdent aussi à l’autre la charge du désir et du plus-de-jouir dont pensée et décision s’entretiennent. Dit autrement, celui qui aime est poussé à sacrifier ce qu’il a de plus réel, et que nous appelons son symptôme. On peut donc être tenté de penser que les sectes analytiques ont leur ressort dans les transferts non résolus, ouverts à la pente sacrificielle de l’amour. La question se pose vraiment car le phénomène qui fait virer la communauté analytique à la secte n’est pas inédit dans l’histoire et il est trop fréquent pour être tout à fait contingent. Pensez par exemple aux sectateurs de Wilhelm Reich et de Jung. C’est d’ailleurs pourquoi j’ai pu dire que la communauté AMP pourrait bien connaître la même évolution que celle de la communauté jungienne, à savoir une grande extension en dérivation de l’analyse - sauf que Jung, lui, fut désavoué. Faudra-t-il alors opposer les vrais analysés, résistant aux sirènes de l’influence et les autres, les assujettis du transfert ? Ou dire que les analyses ne finissent pas vraiment ? Les deux amours Mais reprenons plutôt et revenons à la thèse de Lacan, trop souvent oubliée. Le transfert est de l’amour, mais pas n’importe lequel, et tout amour n’est pas de transfert. C’est à Lacan que revient le mérite de cet aperçu, car pour Freud, il n’en a pas eu le moindre soupçon : découvrant le transfert, il l’a immédiatement identifié au retour des amours enfantines, n’y voyant, en dernière analyse, qu’une réédition du vieil amour pour le père. Lacan s’inscrit en faux, le transfert est un nouvel amour. Je note d’ailleurs que si Freud avait raison, la psychanalyse serait impossible, car elle ne pourrait que rééditer à l’infini la névrose infantile. Le transfert suppose “ un sujet au savoir inconscient, soit au chiffrage ”. S’il est de l’amour, il se distingue en ceci que c’est un amour qui “ s’adresse au savoir ”, auquel l'analyste donne corps, et qui, je cite “ prend là une si nouvelle forme qu’il y introduit la subversion ”. On sait que Lacan n’abuse pas du terme de subversion. Qu’il l’applique au transfert après l’avoir appliqué au sujet, cela a tout son poids. On pourrait suivre ce thème qui court dans tout l’enseignement de Lacan. Je viens de citer “ L’introduction à l’édition allemande des Ecrits ”, de 1973, mais la thèse est déjà là en 1967, explicite dans “ La méprise du sujet supposé savoir ”, et bien avant encore, quoique de façon plus implicite, notamment dans “ La direction de la cure ”, et encore avant avec la notion de transfert constituant. L’amour de transfert n’est pas l’amour du père. Vieil amour et nouvel amour, pourquoi ne pas les opposer comme l’amour du S1 et l’amour du S2, puisque le savoir, nous l’écrivons S2 et que dans la structure de langage, il vient en répondant du S1 ? Ce qui objecte à cette simple écriture, c’est que le père, disons, Dieu le père lui-même, n’est pas un. Je reprends : le dieu du transfert n’est pas le dieu du croyant. Le sujet supposé savoir, c’est Dieu lui-même, sans doute, mais le dieu qui n’existe pas, celui des philosophes, latent en toute théorie, de quelque nature qu’elle soit, même mathématique, rien d’autre, donc, que le lieu dit de l’Autre par Lacan. Le dieu des prophètes est tout autre. Dieu de volonté, dieu de la crainte et des tremblements, dieu de la terreur sacrée, bref, celui que Lacan nomme “ le dieu obscur ”. C’est celui-là qui, à la mesure de son opacité, pousse vers la fascination du sacrifice. C’est celui-là aussi que nous écrirons S1, le maître vengeur et tous ses dérivés laïcs. Là où vibre la corde du sacrifice, soyez sûrs que ce n’est pas le nouvel amour qui règne, mais le vieil amour du vieux Père la terreur. Celui-ci est moins un supposé savoir qu'un supposé vouloir. Dieu le Nom du Père s’en distingue, et il n'est aucun des deux précédents. Freud l’a bien aperçu avec son histoire des deux Moïses, et Lacan a pris le relais. Il faut donc voir ce que chacun des trois promet. Notre question étant de savoir quelle est la réponse finale que le travail de transfert délivre à celui qui devient l’analysé, et quelles suites on peut en attendre hors analyse. 1/ Le dieu obscur n’a pas lieu de hanter une analyse. Il est vrai que le transfert prend parfois, on le sait, une forme paranoïde. Ce qui s'explique par le fait qu'il fait supposer le sujet, supposer les arcanes d’un sujet insaisissable, récurrent dans toute l’élaboration de l’analysant, d'un sujet qui est le moins-un fantomatique de l’analyse. Il arrive alors qu’il dérive vers la soif, voire vers l’institution même de ce dieu obscur. Ce n’est pas le cas le plus fréquent, ni non plus le plus favorable, et on attend communément de l’analyste qu’il pare à cette déviation qui conduit le patient hors des sentiers de l’amour du savoir. 2/ L’élaboration de transfert, quant à elle, ne va à rien d’autre qu’à ce que j’appellerai la mise au point du symptôme de sortie, auquel le sujet ne peut faire mieux que de s’identifier. Là, j'aimerais revenir à ce qu’est le symptôme, et tirer les conséquences cliniques des dernières élaborations de Lacan à son sujet. Je pars de ceci : l’inconscient n’est pas sujet, il est jouissance. Jouissance chiffrée, puisqu’elle se déchiffre dans l’analyse, pas sans l’effet de castration. Permettez que je formule cet effet castration avec les écritures de L’Etourdit, puisque l’analysant consomme de la jouissance phallique. Tout signifiant déchiffré (pour tout x), tout signifiant du savoir inconscient, porte la castration (Φx), à savoir la jouissance limitée du Un, et l’induction infernale à continuer qui s’ensuit, et qui ne fait que grossir l’essaim des signes du sujet : " x Φx. Tout signifiant porte donc la castration, sauf un, car il existe un, de signifiant, appelez-le lettre si vous voulez, ou signe : il existe un ( ∃x. non Φx) qui ne représente pas le sujet mais la jouissance de son corps, un, donc, qui porte, non la castration, mais une solution à celle-ci, non la métonymie de la jouissance châtrée, mais une fixation de jouissance qui fait arrimage. C'est le Un du symptôme que Lacan nomme lettre, qui s'excepte du symbolique et fait passer l’inconscient au réel ( cf. RSI ). En d’autres termes, plus faciles peut-être, cet Un du symptôme, c’est aussi bien un S (A barré), signifiant qui a même structure que le signifiant dans le réel, signifiant qui, par exception n’appartient pas à la chaîne de l’Autre, mais qui est seul à en capitonner les déclinaisons. Si vous m’avez suivie, vous comprenez que le symptôme est père. C’est la thèse de Lacan, nous avons la preuve par Joyce et ça change quelque chose à la fonction du père dans la psychanalyse. Car le Père lui-même, j’entends le Père Nom-du-Père, est symptôme (autre volet de la thèse), il est symptôme par sa version propre de uploads/Sante/ colette-soler-les-deux-amours.pdf
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- Publié le Oct 26, 2022
- Catégorie Health / Santé
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